Premier bilan 2020 du dialogue social suite à la mise en place du CSE : Etude IFOP-Syndex

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Sara Klack

Le 23 janvier 2020, le cabinet d’expertise Syndex[1] a publié les résultats de sa 2ème enquête[2] menée avec l’IFOP sur la mise en place du CSE dans les entreprises.

 

En effet, depuis le 1er janvier 2020, toutes les entreprises concernées sont censées avoir remplacé leurs anciennes IRP par un ou plusieurs CSE.

 

A ce titre, afin de guider les entreprises dans la période transitoire, la Ministère du Travail avait mis en ligne un questions-réponses sur le CSE. Ce questions-réponses a été actualisé et enrichi très récemment le 18 décembre 2019, à quelques jours de la date buttoir.

Cette mise à jour vient notamment apporter des précisions sur la mise en place de cette instance de représentation du personnel unique.

- Le Ministère précise que, pour les entreprises dont les mandats des anciennes IRP prennent fin en 2020-2021, il faut organiser des élections avant le 31 décembre 2019.  

- Pour les entreprises ayant établi un PV de carence aux élections des délégués du personnel et du comité d’entreprise antérieurement au 23 septembre 2017, il n’y a pas nécessité d’organiser des nouvelles élections avant le 1er janvier 2020. L’entreprise n’a pas à réaliser des nouvelles élections avant l’échéance des mandats durant lesquels le PV produit ses effets. En revanche, à la demande d’une organisation syndicale ou d’un salarié, l’employeur sera tenu d’engager dans le mois qui suit la procédure électorale.

- Le Ministère apporte également des précisions sur les prérogatives du CSE, qui se voit transférer l’ensemble des attributions des anciennes IRP ainsi que leurs biens, droits, obligations, …

Les CSE, tout juste mis en place dans les entreprises d’au moins 50 salariés déjà dotées auparavant d’un CE, exerceront immédiatement l’ensemble de leurs attributions.

Pour les entreprises atteignant le seuil de 50 salariés qui n’étaient pas tenues auparavant de se doter d’IRP, un délai de 12 mois s’applique à l’issue duquel le CSE qu’elles auront installé pourra exercer ses attributions.

 

Malgré cette obligation, les chiffres du Ministère du Travail nous montrent qu’en décembre 2019, 15 à 20% de CSE restaient encore à créer.

Plusieurs syndicats avaient adressé une requête commune à la Ministère du Travail qui demandait le maintien provisoire des anciennes IRP après le 31 décembre pour les retardataires. Néanmoins la réponse avait été négative.

En cas de retard de mise en place du CSE, les entreprises risquent, entre autres sanctions, d’être poursuivies pour délit d’entrave à la constitution de cette instance par application de l’article L.2317-1 du Code du travail.

 

Syndex s’est donc basé sur une étude réalisée par l’Ifop d’octobre à décembre 2019, soit 2 ans après les ordonnances Macron, pour tenter de dresser le bilan et de tirer les enseignements de la mise en place du CSE dans les entreprises à jour.

Pour ce faire, des anciens élus des CE/CHSCT, désormais représentants des salariés au sein de la nouvelle instance, ont été interrogés afin de connaître leur point de vue sur cette transition.

Il s’agit avant tout de tirer un bilan des changements au niveau du dialogue social dans l’entreprise. Ce bilan change peu de celui déjà établi en janvier 2019 par la première édition de cette étude basée sur des données de fin 2018.

 

Caractéristique des élus interrogés : 42 % des représentants des salariés interrogés expérimentent le CSE depuis plus de 6 mois

 

  •         Evaluation du dialogue social par les élus interrogés :

Une des questions adressées aux représentants du personnel était d’évaluer sur une échelle de 1 à 10 la qualité du dialogue social au sein de leur entreprise.

Ce bilan concernant le dialogue social n’est donc pas positif : 51% des salariés interrogés notent sa qualité de 1 à 5, tandis que seulement 14% des interrogés estiment la qualité du dialogue social bonne et le notent de 8 à 10. Pourtant la santé économique de l’entreprise est perçue comme bonne pour 75% de l’échantillon.

On peut donc s’interroger sur l’apport de cette nouvelle instance représentative quant au dialogue social au sein de l’entreprise ; sans s’intéresser à une potentielle amélioration ou à l’inverse détérioration du dialogue social, on peut d’ores et déjà constater que la situation n’est pas bonne, puisque la majorité des élus est insatisfaite.

Généralement, il est admis que la qualité du dialogue social varie en fonction de l’état de santé économique de l’entreprise. Il semble logique que cette qualité sera impactée fortement en cas de crise économique en raison du « climat d’incertitudes peu propice aux échanges », sentiment d’impuissance et du focus sur les questions économiques.

Or comme nous l’avons précisé, l’échantillon est principalement composé d’entreprises en bonne santé économique. Le dialogue social peut alors être impacté par les tensions à l’égard des conditions de travail entre représentants du personnel et dirigeants. A titre d’exemple, lorsqu’une grève éclate dans l’entreprise, elle laisse souvent longtemps après « comme un froid ».

 

  • Craintes des élus suite au passage au CSE :

Note : Cette croissance de l’investissement personnel est source d’inquiétudes notamment quant à la résistance des élus à la charge de travail sur le long terme. Il pourrait éventuellement y avoir des risques de burnout.

Des élus avancent que, face à la réduction des heures de délégation, le seul moyen de produire « du concret, du constructif » est de travailler à la maison.

 

Les élus craignent principalement une perte de leur capacité d’action et de poids face à la direction en raison de :

-une diminution des moyens alloués aux représentants du personnel

-une perte de proximité des élus par rapport aux salariés

-un déficit d’expertise des représentants du personnel.

Ainsi, des besoins en formation et montée de compétences naissent de la part des élus :

-68% sur la formation santé, sécurité et condition de travail

-58% pour maitriser le fonctionnement du CSE (formations plébiscitées en premier).

-45% sur la formation économique.

Avec le regroupement des anciennes instances, certains élus non spécialisés vont se retrouver face à des questions de santé et sécurité réputées techniques qui étaient auparavant exclusivement traitées par le CHCST.

Ces inquiétudes face à la disparition du CHSCT vont impacter les sujets prioritaires au sein du CSE.

 

  •           Sujets prioritaires de la nouvelle instance :

Les sujets en tête sont les conditions de travail et santé des collaborateurs ainsi que les enjeux de gouvernance d’entreprise.

- 63% citent les conditions de travail comme sujet prioritaire

- 62% citent les risques psycho-sociaux

- 47% citent les choix stratégiques de l’entreprise.

- 40% citent les enjeux économiques et financiers

Les enjeux santé et sécurité sont des thèmes toujours prioritaires et pris en compte, notamment grâce à la mise en place de bonnes pratiques: division du travail, recours aux experts, thématiques imposées en réunion de CSE.

 

  •          Préparation à la négociation sur le passage au CSE :

Une bonne proportion d’élus interrogés estime dans l’ensemble avoir été bien préparée pour négocier le passage en CSE : 67 % pensent avoir eu le bon niveau de préparation. Ces résultats sont meilleurs que ceux de l'étude réalisée en 2018.

- 81% des élus accompagnés par des organisations syndicales.

- 74% accompagnés par un cabinet d’avocat.

- 59% accompagnés par un cabinet d’expertise.

Il reste une portion de représentants qui estiment avoir été faiblement préparés à la négociation, ce qui peut s’expliquer notamment par :

-les modalités d’annonce de la réforme par le gouvernement qui ont consisté en une « publication au compte-goutte des décrets ».

-le rythme des négociations pour le passage au CSE, avec un manque de temps pour « faire émerger des contrepropositions constructives ».

-des relations compliquées avec la direction

Il y a notamment des signes identifiés d’un manque de bonne volonté de la part de la direction. Les élus déplorent notamment un « calendrier très contraint dans le temps avec peu de réunions », ainsi que le choix de la direction de laisser les négociations sur le passage au CSE s’opérer au niveau du groupe et non des filiales. De plus, dans certains cas après les discussions, seuls les délégués centraux sont conviés pour valider l’accord.

 

  •            Conclusions à tirer :

Il se pourrait que le CSE soit une occasion manquée de refonder le dialogue social dans les entreprises, en particulier dans celles où il était négligé.

Au lieu de reproduire un fonctionnement et des attributions similaires aux anciennes IRP, le CSE aurait pu être l’occasion d’intégrer les solutions au dysfonctionnement du modèle précédent.

Le passage au CSE a même engendré une dégradation de la satisfaction :

-vis-à-vis du nombre d’élus : la satisfaction avant le passage au CSE s’élevait à 80%, elle baisse à 52% depuis le passage au CSE.

-vis-à-vis du nombre d’heures de délégation pour les représentants du personnel : passage de la satisfaction de 74 à 36% après changement vers le CSE.

 

Gagnants et perdants suite au passage du CSE selon les élus interrogés :

D’ailleurs, 49% des élus pensent que les salariés n’ont pas connaissance de la fusion des instances ; et 89% pensent qu’ils ne saisissent pas les enjeux de la fusion.

 

Les élus sont plutôt pessimistes quant à l’avenir du dialogue social dans leur entreprise, avec 55% des interrogés qui anticipent une détérioration. Ce pourcentage représente néanmoins une amélioration par rapport à 2018 (60%).

A long terme, les représentants du personnel craignent :

-la diminution du nombre de représentants et de réunions dans l’année

-la limitation des mandats

-la réduction du nombre d’heures de délégation qui conduirait à une diminution des rapports avec les bases syndicales.

 

Néanmoins face à ce bilan relativement mitigé et les craintes exprimées, un grand nombre d’élus fait preuve d’une attitude déterminée et motivée :

-58% des élus sont déterminés.

-48% des élus sont motivés.

 

L'Ifop propose pour finir des clés de succès pour cette nouvelle instance:

-préserver les niveaux d'expertise

-maximiser les moments d'échanges avec la direction

-optimiser le partage d'information.

 

Vous trouverez ci-dessous :

-le questions-réponses sur le CSE du Ministère du Travail.

-l'enquête Syndex-Ifop.

-le communiqué de presse de l'enquête Syndex-Ifop du 23 janvier 2020.

-le document de présentation de l'étude complète de l'IFOP.

 

[1] Syndex est un cabinet d’expertise composé de 350 experts exerçant depuis près de 50 ans afin d’accompagner les représentants des salariés.

 

[2] Enquête réalisée par le biais d’un questionnaire en ligne du 24 octobre au 22 novembre 2019 sur un échantillon de 812 élus du personnel. Ce questionnaire a été complété par des entretiens notamment auprès d’élus passés en CSE depuis moins de 3 mois et d’élus passés en CSE depuis plus de 8 mois.