Une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) faite à partir des enseignements de l'enquête Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer) de 2010 apporte des éclairages très utiles sur l'exposition des salariés aux facteurs de pénibilité dans le travail et fournit un matériau précieux pour définir des cibles pour les politiques de prévention.
Cette étude intervient à quelques semaines de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à la prévention et à la compensation de la pénibilité (fiche des expositions et compte personnel de pénibilité) . A cet égard, la Dares met en garde le lecteur sur deux points : d'une part, les seuils de pénibilité retenus dans l'enquête sont sans rapport avec les seuils légaux, d'autre part, le mesurage des expositions se fera sur une base annuelle dans le cadre des nouvelles dispositions légales alors que l'enquête SUMER les repère sur une semaine.
En se référant à des facteurs caractérisant la pénibilité semblables à ceux définis par la loi de 2010 relative aux retraites - à l'exception du travail en milieu hyperbare qui a été écarté du questionnaire de Sumer 2010 - et à partir de seuils relativement peu contraignants, l'enquête montre que "plus de 8 millions de salariés, soit près de 40 % des salariés en France métropolitaine et à la Réunion, apparaissent exposés à au moins un des facteurs de pénibilité en 2010. 10 % des salariés (soit environ un quart des salariés exposés) subissent le cumul d’au moins trois des pénibilités retenues".
Les auteurs de l'étude précisent que quel que soit le caractère des seuils retenus - peu contraignant ou plus restrictif - les écarts entre professions ou entre secteurs d'activité sont qualitativement similaires. Ce qui est très instructif du point de vue des politiques de prévention.
Les ouvriers sont particulièrement exposés à la pénibilité
Les ouvriers sont très nombreux à être exposés à des conditions de travail pénibles. L'étude montre que 70% d'entre eux sont exposés à au moins un facteur de pénibilité, contre 12% des cadres et professions intellectuelles supérieures. Ils sont 43% à être concernés par les contraintes physiques marquées (manutentions manuelles de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques). 48% d'entre eux sont exposés à un facteur de pénibilité lié à un environnement physique agressif (produits chimiques, travail en températures extrêmes, bruit nocif) et 34% sont soumis à des rythmes de travail contraints (travail de nuit, travail en équipes alternantes, travail répétitif).
Dans certains secteurs, la proportion de salariés exposés aux facteurs de pénibilité est particulièrement élevée. Il en est ainsi de la construction (66%), de l'industrie manufacturière (56%), de l'agriculture et du secteur de l'eau et de la gestion des déchets (52%) et des secteurs de la santé, du commerce et de la réparation d'automobiles (environ 40%).
L'étude souligne que les secteurs dans lesquels les conditions de travail sont difficiles ont en commun certains types de pénibilités. C'est le cas des manutentions manuelles de charges lourdes, des postures pénibles et des gestes répétitifs qu'on retrouve à des niveaux assez similaires dans la plupart de ces secteurs. Ceci étant dit, chaque secteur à ses pénibilités propres en quelque sorte. A titre d'exemple, dans le secteur de la construction plus d'un tiers des salariés subissent au moins 2 heures par semaine des vibrations mécaniques transmises aux membres supérieurs (tronçonneuse, marteau-piqueur).
Corrélation entre le jeune âge et l'exposition à la pénibilité
L'étude apporte un autre enseignement très utile mettant en relief la corrélation entre le jeune âge et l'exposition élevée à la pénibilité. En effet, en se référant à l'âge des personnes exposées, elle montre qu' un salarié âgé de moins 25 ans sur deux est exposé à au moins un facteur de pénibilité, contre moins d'un tiers pour les salariés âgés de 55 ans ou plus. Par ailleurs, ces jeunes cumulent plus souvent les expositions à au moins trois facteurs de pénibilité (15%, contre 7% pour les 55 ans et plus). Ceci pouvant s'expliquer par le fait que les mécanismes d'avancement et d'évolution professionnelle permettent à une partie des salariés se situant dans cette tranche d'âge d'accéder à des postes et des métiers moins pénibles.
Du point de vue du statut de l'emploi, les intérimaires et les apprentis et stagiaires apparaissent dans l'étude comme étant les catégories les plus touchées par la pénibilité (respectivement 62% et 53%). Néanmoins, le statut ne serait pas en cause dans cette exposition. L'explication est à chercher plutôt du côté de l'âge et de la catégorie socioprofessionnelle. En clair, c'est le fait pour le salarié d'être jeune et/ou ouvrier qui le met dans une situation d'exposition élevée à la pénibilité. Les intérimaires et les apprentis et stagiaires sont, en effet, principalement des ouvriers non qualifiés, et ils sont souvent jeunes.
De ces éléments d'information, il ressort que le salarié le plus exposé à la pénibilité est très souvent un jeune ouvrier intérimaire.
Exposition à la pénibilité et risque de survenance d'accidents et de maladies
L'étude montre que plus un salarié est exposé à la pénibilité plus le risque de survenance d'accident du travail est élevé pour lui. En 2010, 12% des salariés exposés à un facteur de pénibilité ont connu au moins un accident de travail au cours des douze derniers mois contre 5% pour les non-exposés. Les expositions aux vibrations, à la manutention manuelle de charges, aux températures extrêmes et au bruit nocif étant celles qui sont le plus corrélées à ce surcroît de risques.
En revanche, le lien est moins net entre la pénibilité - dont les effets sur la santé surviennent
parfois très longtemps après l’exposition - et l'absentéisme pour maladie, sauf pour les salariés exposés aux postures pénibles ou exerçant des mouvements répétitifs.
Genre et exposition à la pénibilité
Les hommes et les femmes ne sont pas égaux devant la pénibilité au travail. En effet, 46% des hommes contre 31% des femmes y sont exposés. Pour expliquer, en tout cas en partie, cette situation, la Dares avance les différences parfois très marquées dans l'exercice de certaines fonctions. En effet, les fonctions de production, d'installation et de manutention qui exposent fortement à la pénibilité sont très majoritairement (à plus de 80%) exercées par des hommes.
Néanmoins, des fois même à fonction identique des écarts subsistent. Tel est le cas dans la fonction "production" où 61% des femmes sont exposées à la pénibilité contre 75% des hommes. C'est le cas également dans les fonctions "nettoyage, gardiennage, entretien-ménager", où les hommes sont plus exposés que les femmes (57% contre 51%).