Le départ en retraite des baby-boomers sans effet sur l'emploi de 2015... si les habitudes ne changent pas

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- Auteur(e) : Tiphaine Garat

Les métiers en 2015, rapport du groupe "perspective des métiers et qualification", Centre d’analyse statégique - DARES (ministère de l’Emploi), janvier 2007.

 

 

Selon un récent rapport intitulé « Les Métiers en 2015 » du Centre d’analyse stratégique (CAS) et de la Dares (ministère de l’Emploi), les nombreux départs en retraite des employés issus de la génération du baby-boom ne feront pas baisser les chiffres du chômage à long terme si les entreprises ne changent pas leurs habitudes de recrutement.

 

Comme le souligne la synthèse de ce rapport « l’arrivée en fin de carrière des générations nombreuses nées entre 1945 et 1975 devrait profondément modifier le fonctionnement du marché du travail. Mais ces transformations ne seront peut-être pas aussi spectaculaires que ce que l’on pouvait croire il y a encore quelques années. Il n’y aura pas de baisse de la population active, pas même à long terme si l’on retient les hypothèses du scénario central de projections rendu public par l’INSEE en juillet 2006. Il n’y aura pas non plus de pénurie générale de main d’œuvre et il existera encore des ressources sous-utilisées du côté des chômeurs, des femmes, des jeunes et des seniors ».

 

Selon ces spécialistes, les transformations proviendront essentiellement de la diminution rapide de la croissance de la population active, liée à l’accélération des départs en fin de carrière qui pourra « faciliter la baisse du chômage à court terme », mais ne permettra pas « de résorber les déséquilibres locaux, quantitatifs et qualitatifs, entre offre et demande de travail ».

 

Ce nouveau rapport souligne également l’apparition « de difficultés de recrutement dans certains métiers et certains bassins d’emplois » qui resteraient cependant « circonscrites à certains métiers : les métiers de cadres « polycompétents », les métiers fonctionnant comme des marchés professionnels où les personnes peuvent facilement passer d’une entreprise à l’autre, et les métiers d’aides et de soins aux personnes fragiles. Elles devraient aussi perdurer au sein des métiers où les conditions de travail et les faibles perspectives professionnelles conduisent les salariés en place à préférer exercer d’autres activités. .../...

 

Ces difficultés pourraient apparaître sur certains bassins d’emploi, notamment les zones métropolitaines à très forte croissance et les zones résidentielles qui ne sauront pas attirer et retenir leur main-d’œuvre.

 

Dans les plus grandes entreprises et dans la fonction publique, ces tensions pourraient se traduire par une relance des carrières internes et éventuellement, par un moindre déclassement à l’embauche. Pour les postes les plus qualifiés, elles pourraient aussi se traduire par un maintien accru en emploi des seniors.

 

(...) Au final, les difficultés de recrutement ne concerneraient pas nécessairement les métiers, les secteurs, ou les entreprises où les départs des générations du baby-boom seront les plus importants, ni même forcément les métiers ou les secteurs les plus créateurs d’emploi à l’avenir.

 

C’est la capacité des employeurs, notamment des PME, à dégager des marges de manœuvre pour attirer et fidéliser les actifs qui facilitera ou au contraire rendra plus difficile les recrutements. De même, la capacité des territoires à créer une dynamique économique et sociale susceptible d’attirer les actifs et les activités sera déterminante.

 

Une des raisons de l’émergence de ces difficultés de recrutement est la sélectivité des comportements d’embauche : certains métiers restent, dans les faits, réservés aux femmes, d’autres aux hommes. De surcroît, les recruteurs français formulent des exigences beaucoup plus fortes que leurs homologues européens en matière de diplôme, d’expérience et d’âge.

 

Une autre raison de l’émergence de tensions provient des transformations techniques et organisationnelles qui conduisent de nombreuses entreprises à réclamer des salariés immédiatement opérationnels, que ce soit pour des postes peu qualifiés de très courte durée ou au contraire pour des postes réclamant des compétences multiples. Ces exigences proviennent des difficultés à construire des espaces d’accueil et d’apprentissage pour les nouveaux arrivants. Les transferts de compétences en interne peuvent aussi, de ce fait, être difficiles à organiser.

 

Ces transformations du marché du travail conduiront vraisemblablement à une augmentation marquée des mobilités professionnelles, soit internes par la relance de perspectives de promotion, soit externes par l’ouverture de nouvelles opportunités. Mais celles-ci se feraient spontanément à l’avantage des plus qualifiés, les mieux armés pour entreprendre et réussir une mobilité professionnelle. À l’inverse, rien ne garantit que les actifs les plus éloignés de l’emploi ou les territoires les plus frappés par le chômage verraient leur situation s’améliorer. Des situations de chômage important pourraient ainsi coexister avec des difficultés de recrutement.

 

Les politiques publiques pourraient jouer un rôle important en construisant le cadre d’une meilleure orientation professionnelle à différents âges de la vie, qu’il s’agisse de l’orientation des jeunes en cours d’études et à la sortie du système éducatif, ou de l’accompagnement des demandeurs d’emploi sur le marché du travail. Elles pourraient aussi intervenir dans le cadre d’actions globales visant, de manière conjointe, à développer l’emploi dans un secteur ou pour une catégorie de population, et à améliorer les conditions d’accès et de maintien dans ces emplois, notamment en favorisant de meilleures conditions de travail et le développement de perspectives d’évolution professionnelle : tel est le sens, par exemple, du plan de développement des services à la personne et du plan national d’action concerté pour l’emploi des seniors.

 

Mais la diversité des situations, d’un métier à l’autre, d’un secteur à l’autre, d’un bassin d’emploi à l’autre, ne permettra pas de construire des solutions globales applicables partout. C’est donc aussi dans l’environnement immédiat de l’entreprise, par la coordination des acteurs intermédiaires (branches, territoires, service public de l’emploi) que pourront s’élaborer de nouvelles règles d’ajustement sur le marché du travail.

 

« Au fond, indique dans son Avant-Propos George Asseraf président du Comité d’orientation du groupe Prospective des Métiers et Qualifications, ce rapport sur Les Métiers en 2015 peut et doit être un outil de mobilisation de tous les acteurs concernés pour faire en sorte que la nouvelle donne démographique dans laquelle nous sommes entrés depuis cette année débouche sur une baisse du chômage. Le rapport montre bien qu’un certain nombre d’inflexions des comportements des entreprises (pratiques de recrutement, organisation du travail) et des salariés (formation initiale et continue, mobilité) sont nécessaires pour éviter le scénario noir dont nous avons parlé l’an dernier au moment de la sortie du premier document, scénario de coexistence entre difficultés de recrutement et niveau durablement élevé de chômage ».

 

Téléchargez le rapport dans son intégralité au format PDF