CJUE, 12 janvier 2010 C-229/08, C.J.U.E, 12 janvier 2010 C-341/08, CJCE, 19 janvier 2010, C-555/07 : Précisions sur la discrimination fondée sur l'âge

Non-discrimination

- Auteur(e) : Hakim EL FATTAH

C.J.U.E, affaire C-45/09 : Conclusions de l'Avocat général Mme VERICA Trstenjak, 28 avril 2010.

La présente procédure préjudicielle porte sur des accords prévoyant que la relation de travail prend en principe fin de plein droit lorsque le salarié atteint l’âge requis pour pouvoir prétendre à une pension de retraite au titre du régime légal. La juridiction de renvoi demande si une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite qui a été convenue par voie de convention collective est conforme à l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge édictée par la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Après les arrêts Palacios de la Villa¹ (16 octobre 2007, C-411/05), Age Concern England ²( 5 mars 2009, C-388/07) et Petersen³ (12 janvier 2010, C-341/08), la présente affaire offre à la Cour une nouvelle opportunité de développer et affiner sa jurisprudence relative à l’article 6 de cette directive, en vertu duquel les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement justifiées par un objectif légitime.

Les questions préjudicielles:

 Par ordonnance de renvoi du 20 janvier 2009, parvenue au greffe de la Cour le 26 février 2009, la juridiction de renvoi a soumis à la Cour les questions ci-après:

«1) Après l’entrée en vigueur de la loi générale sur l’égalité de traitement (Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz, AGG), des dispositions d’une convention collective, qui différencient en fonction de la caractéristique de l’âge sans que ladite loi ne l’autorise expressément (comme elle le faisait auparavant en son article 10, troisième phrase, point 7), sont-elles compatibles avec l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge, édictée par les articles 1er et 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78?

2) Une réglementation nationale, qui autorise l’État, les partenaires sociaux et les parties à un contrat de travail à prévoir la cessation automatique de la relation de travail lorsque l’intéressé atteindra un âge déterminé (en l’espèce: 65 ans révolus), contrevient-elle à l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge édictée par les articles 1er et 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, lorsque, dans l’État membre concerné, des clauses en ce sens sont appliquées, de façon constante, depuis des décennies à la relation de travail de presque tous les salariés, indépendamment de la situation économique, sociale et démographique et de la situation prévalant concrètement sur le marché de l’emploi?

3) Une convention collective, qui autorise l’employeur à mettre fin à la relation de travail lorsque l’intéressé atteint un âge déterminé (en l’espèce: 65 ans révolus), contrevient-elle à l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge édictée par les articles 1er et 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78 lorsque, dans l’État membre concerné, des clauses en ce sens sont appliquées, de façon constante, depuis des décennies à la relation de travail de presque tous les salariés, indépendamment de la situation économique, sociale et démographique et de la situation prévalant concrètement sur le marché de l’emploi?

4) L’État, qui déclare d’application générale une convention collective autorisant l’employeur à mettre fin à la relation de travail lorsque l’intéressé atteint un âge déterminé (en l’espèce: 65 ans révolus) et maintient cette application générale, enfreint-il l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge édictée par les articles 1er et 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78 lorsqu’il fait cela indépendamment de la situation économique, sociale et démographique existant alors concrètement et de la situation prévalant concrètement sur le marché de l’emploi?»

Conclusions de l'Avocat général Mme VERICA Trstenjak :

«1) Une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite, convenue par voie de convention collective, peut être conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, si les partenaires sociaux y ont été spécifiquement habilités par une disposition nationale qui satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive ou si les conditions sont réunies pour confier la mise en œuvre de ladite directive aux partenaires sociaux en vertu de son article 18, premier alinéa.

2) Le pouvoir, conféré aux partenaires sociaux par le législateur, de convenir par voie de convention collective de limites d’âge consistant en l’âge normal de la retraite et de leurs modalités, comme le prévoit l’article 10, premier, deuxième et troisième phrases, point 5, de la loi générale sur l’égalité de traitement (Allgemeines Gleichbehandlungsgesetz), est à considérer comme conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 lorsque le législateur national poursuit à travers ces dispositions des objectifs de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage, qu’il résulte de ces dispositions que, avant de convenir de telles limites d’âge, les partenaires sociaux doivent toujours vérifier si elles sont objectivement justifiées au regard des objectifs poursuivis et que cette vérification peut être soumise à un contrôle juridictionnel.

3) Une limite d’âge consistant en l’âge normal de la retraite déclarée d’application générale, telle que celle édictée à l’article 19, point 8, de la convention collective du personnel des entreprises de nettoyage des bâtiments (Rahmentarifvertrag für gewerblich Beschäftigte in der Gebäudereinigung), est conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 si les partenaires sociaux ont apprécié, avant expiration du délai de transposition de cette directive, si l’application d’une telle différence de traitement fondée sur l’âge en vue d’atteindre les objectifs légitimes définis par le législateur est objectivement justifiée en ce qui concerne le secteur économique en cause. La circonstance qu’une règle telle que l’article 19, point 8, de ladite convention collective, premièrement, ne soit pas appliquée à titre de mesure particulière limitée dans le temps, deuxièmement, ne prévoie pas d’obligation contraignante d’embaucher un autre salarié, troisièmement, permette de prolonger la relation de travail, d’un commun accord, au-delà de l’âge normal de la retraite et, quatrièmement, ne tienne pas compte du niveau concret des droits à pension au titre de l’assurance vieillesse, n’entraînent pas nécessairement à eux seuls l’incompatibilité de cette limite d’âge avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.»

 

 Pour aller plus loin :

¹ www.dialogue-social.fr/fr/jurisprudence-cjce/id-649/europe-seniors.html

²www.dialogue-social.fr/fr/jurisprudence-cjce/id-840/europe-seniors.html

³www.dialogue-social.fr/fr/jurisprudence-cjce/id-1056/europe-seniors.html

 

N.B : cette procédure préjudicielle fera l'objet d'un commentaire dans notre prochaine lettre d'information.