Violence et harcèlement au travail : les pistes de l’OIT pour mieux identifier les moyens, les occasions et les lieux d’émergence du phénomène

Qualité de vie au travail
Conditions du travail

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Comment les partenaires sociaux s’emparent de la question de la violence et du harcèlement au travail dans les systèmes francophones français, belge et québécois ? Tel était l’objectif d’une étude comparative proposée par le Bureau de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour la France, dont les résultats ont été dévoilés le 13 septembre 2023.  

A l’heure de la ratification effective par la France de la Convention n° 190 de l’OIT sur la violence et le harcèlement au travail[1], ladite étude s’appuie sur une analyse des accords collectifs conclus en la matière dans ces pays et province, et identifie, par là, des bonnes pratiques pour lutter contre  ces phénomènes.

  • Focus sur l’étude des accords collectifs en France : des flous notionnels mais une volonté des partenaires sociaux de s’emparer de la question

Le corpus des accords examinés dans le cadre de l’étude, rassemble tant des accords de branche, des conventions collectives et des accords d’entreprise. Ce qui a permis aux auteurs d’identifier trois types d’accords.

Le premier type, concerne les accords qui se limitent à reprendre le cadre légal, sans proposer des outils quelconques. Le deuxième, se réfère aux accords contenant des déclarations d’intention, suivies de formules et d’affirmations de type : « les employeurs doivent prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement », ou « il est important de réfléchir à une formation sur ce sujet et de s’approprier les définitions et concepts juridiques, de favoriser l’écoute des signaux faibles », etc. In fine, le troisième type englobe les accords qui contiennent des mesures de prévention et de traitement des situations de harcèlement au travail, avec tout de même une reprise de recommandations de l’Accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 relatif au harcèlement et à la violence au travail, ou une identification de quelques bonnes pratiques innovantes.

Si, pour la plupart, les notions de « harcèlement » et « violence » employées se conforment aux sources de droit internes, un flou conceptuel se constate dans certains accords qui les utilisent indifféremment l’une pour l’autre. Ce qui marque le besoin, selon les auteurs, « à disposer d’éléments de compréhension et de description qui dépassent le cadre des définitions légales ».

  • Des bonnes pratiques à adopter

Le tableau, ci-après, présente de manière non exhaustive, les préconisations fournies par l’étude :

Identifier

Mieux armer les représentants du personnel pour déclencher les procédures d’alerte et d’enquête.

Evaluer

Favoriser la compréhension des nouvelles formes de violence et de harcèlement (relatives au genre, au cyberharcèlement, à la violence domestique) en repérant dans le milieu de travail les situations à risque. Les auteurs attirent l’attention sur certains lieux périphériques au lieu de travail, qui sont aussi particulièrement exposés.

Prévenir

Penser les dispositifs permettant de prévenir des situations de violence et de harcèlement au travail, de faire remonter vers les représentants du personnel ou l’employeur les signaux  d’émergence de telles situations et de développer les systèmes d’alerte.

Informer, former sensibiliser, et appliquer

Permettre la diffusion de la norme juridique applicable, mais aussi des dispositifs et des bonnes pratiques vers ceux qui en ont besoin.

Les actions de sensibilisation et de formation doivent être déployées largement auprès de l’ensemble des acteurs. Dans une démarche préventive, ces actions supposeraient la mise en place d’indicateurs pertinents intervenant en amont.

Dans ce cadre, il serait nécessaire de faire aussi intervenir en amont des dispositifs de soutien psychologique et social afin d’accompagner la libre pensée sur le travail, et l’écoute sur les situations de crise.

Recourir à la médiation

Processus de facilitation de la prise de parole par les parties volontaires, qui pourrait être associé à la détection de signaux faibles avant que la situation ne se détériore réellement.

Dans cette démarche de restauration de la parole, il convient aussi d’adopter une approche participative liée à la participation des travailleurs à la prise de décision.

Prendre en charge et protéger les victimes et les témoins

Les auteurs retiennent les meilleures pratiques adoptées dans les pays et province examinés :

-Les Centres de prévention sexuelle en Belgique, recevant les victimes et favorisant les dépôts de plainte.

-Prise en charge informelle par des personnes de confiance dans le système belge.

-Réseaux d’entraide dans le système québécois, composé d’« entraidants » spécialement formés pour écouter, accueillir et aider les personnes concernées.

Par ailleurs,  dans une approche intégrée de la violence et du harcèlement de genre dans les conventions collectives, il serait nécessaire d’envisager des dispositifs de protection des témoins contre des mesures de rétorsion.

Accompagner le retour au travail

Faire impliquer le service compétent en santé au travail mais aussi les référents à l’aide aux victimes dans l’organisation du retour à l’emploi de la victime.

Vous trouverez, ci-après, l’intégralité de l’étude de l’OIT « Permettre aux partenaires sociaux de mieux s’emparer de la violence et du harcèlement au travail : étude comparée France, Belgique, Québec », 13 septembre 2023.

[1] Le 12 avril 2023, la France a ratifié la Convention (n° 190) sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail, adoptée le 21 juin 2021. Ladite Convention constitue selon l’OIT « la première norme internationale du travail à traiter de la violence et du harcèlement dans le monde du travail ». Dans son article premier, elle offre une définition internationalement reconnue de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, y compris de la violence fondée sur le sexe, qui s’entend comme : « un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques, qu’ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique, et comprend la violence et le harcèlement fondés sur le genre».