Une recherche réalisée par l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES), le cabinet Orseu et l’Université de Lille dans le cadre d'un appel à projets lancé par la Dares en 2017, vise à réexaminer la dynamique des négociations collectives d’entreprise, au regard de leur articulation avec les accords de branche. Elle s’inscrit dans un contexte institutionnel de renforcement de l’incitation, voire de l’injonction, à négocier au niveau de l’entreprise.
Structurée autour de trois chapitres, l’étude s’appuie sur la mobilisation croisée d’une exploitation statistique de l’enquête Relations professionnelles et négociations d’entreprise (REPONSE) 2017 de la Dares et la réalisation d’enquêtes de terrain au sein des établissements et des branches. Son hypothèse sous-jacente tient à l’existence, parallèlement au schéma législatif linéaire, d’une variété de configurations et de formes d’articulation entre négociations de branche et d’entreprise dépendant tout à la fois des secteurs, des thèmes négociés, des trajectoires de relations professionnelles, etc.
Dans son chapitre premier, l’étude traite la question de l’articulation entre négociations de branche et d’entreprise dans une perspective historique, économique et juridique. L’occasion pour les chercheurs de préciser leur hypothèse de travail tout en rappelant combien le cadre juridique rencontre les pratiques d’acteurs.
Le deuxième chapitre de la recherche propose une typologie des modes d’articulation entre les niveaux branche/entreprise dans la définition des normes d’emploi et de travail, afin d’examiner d’un point de vue statistique la dynamique des négociations collectives. Quatre profils d’articulation sont identifiés, illustrés par des enquêtes monographiques :
- Le premier profil de « normalisation mixte » (43 % des établissements et 41 % des salariés) regroupe des branches au sein desquelles les établissements mobilisent des références multiples : ils sont moins nombreux à ne faire référence à aucun niveau mais le poids donné aux accords de branche ou d’entreprise n’est jamais primordial. La branche du BTP illustre la complexité de ce profil : au-delà des poids relatifs des accords d’entreprise et de branche, d’autres niveaux de définition des normes jouent un rôle primordial dans la régulation collective, à savoir les conventions collectives régionales et catégorielles ainsi que les accords de groupe.
-Le deuxième profil de « normalisation forte au niveau de la branche » (22 % des établissements et 24 % des salariés) se réfère aux cas où la convention collective de branche participe activement à la production des normes de relations d’emploi dans les établissements. La branche de la propreté est illustrative de ce profil.
-Le troisième profil de « normalisation forte au niveau de l’entreprise » (21 % des établissements et 23 % des salariés) comprend les cas d’une mobilisation prioritaire des accords d’entreprise pour la définition des conditions d’emploi et de travail et ce, sur l’ensemble des thèmes. Ce profil doit être lu au regard du fait que les intérêts de la branche et des entreprises se superposent.
-Le quatrième et dernier profil de « faible normalisation collective » (14 % des établissements et 13 % des salariés) regroupe les établissements qui déterminent les conditions d’emploi et de travail en dehors du champ de la négociation collective. Le faible poids des accords d’entreprise et de branche apparaît lié à la spécificité de la main-d’œuvre et à la difficulté des acteurs à faire vivre la branche.
Enfin, le troisième chapitre questionne les effets des ordonnances de 2017. Du côté de la branche, l’analyse révèle que le nouveau cadre institutionnel posé par les ordonnances a peu modifié la conception qu’ont les acteurs des rôles historiquement dévolus à la branche : un rôle de régulation de la concurrence par les salaires et un rôle de mise à disposition des ressources auprès des entreprises. Toutefois, ces rôles se trouvent potentiellement fragilisés pour le premier ou bousculés pour le second. Du côté des entreprises, le basculement de la branche vers l’entreprise, tel que voulu par le législateur, n’a pour le moment pas encore produit d’effets notables, « même s’il convient de rester prudent du fait d’un manque de recul temporel et de l’installation récente des CSE », suggèrent les chercheurs.
Vous trouverez, ci-après, l’étude de l'IRES, Orseu, Université de Lille, Vers un basculement de la branche vers l’entreprise ? Diversité des pratiques de négociations collectives et pluralité des formes d’articulation entre entreprise et branche, Mai 2021.