Un rapport parlementaire propose plusieurs pistes d'action pour améliorer le système de la formation professionnelle

Gestion de l'emploi

- Auteur(e) : Hakim EL FATTAH

La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a institué un ensemble de nouveaux dispositifs destinés à "changer la philosophie de la formation professionnelle" en France. Un rapport parlementaire, publié le 9 mars 2016, tendant à vérifier la mise en application de cette loi, propose plusieurs pistes d'action afin d'améliorer le système de la formation professionnelle.

 

Le compte personnel de formation : un dispositif qui gagne à être davantage connu

Concernant tout d'abord le dispositif qui est considéré comme l'innovation majeure de la loi du 5 mars 2014, à savoir le compte personnel de formation (CPF), les parlementaires, MM. Gérard CHERPION et Jean-Patrick GILLE, auteurs du rapport, indiquent, sur la base des données chiffrées recueillies auprès de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), que 2 600 000 CPF ont été ouverts par des salariés et plus de 286 000 formations ont été validées. Parmi ces formations, plus des trois quarts – 79 % – ont été suivies par des demandeurs d’emploi. S’agissant de la durée des formations, les salariés ont suivi des formations d’une durée moyenne de 148 heures en 2015. Ce qui témoigne, selon les parlementaires, du suivi de formations plus longues facilitant la qualification des actifs, par rapport à une durée moyenne plus courte auparavant avec le droit individuel à la formation (DIF). Cette durée s’élève en 2015 à 575 heures pour les demandeurs d’emploi.

 

Toutefois, les deux parlementaires appellent à manier ces données statistiques avec précaution et attirent l’attention sur plusieurs précautions méthodologiques. D’une part, le CPF n’a réellement été mis en œuvre qu’à partir du printemps 2015 ; le recul d’une année pleine fait donc défaut. D’autre part, le poids majoritaire des demandeurs d’emploi dans l’utilisation du dispositif, conforme aux objectifs fixés par le législateur, s’explique en partie par l’ouverture de CPF par les demandeurs d’emploi en vue d’abondements initiaux financés par le Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP) de 100 heures à partir du printemps 2015.

 

Quoi qu'il en soit, tout en saluant "l’application rapide des nouvelles dispositions dans les grandes entreprises", les rapporteurs relèvent néanmoins que des difficultés sont apparues "dans les entreprises de moins de 50 salariés, raisonnant parfois encore à partir de catégories anciennes", d’autant plus que la loi du 5 mars 2014 tend à introduire "un véritable changement de culture dans l’appropriation de la formation professionnelle par l’entreprise". Aussi, pour faciliter une appropriation la plus large possible du CPF qui n'est "ni un DIF amélioré, ni un CIF diminué", mais "un outil totalement neuf qui répond à sa propre logique et produit une nouvelle culture", les deux parlementaires recommandent d'engager une véritable campagne de communication audiovisuelle, rappelant à tout salarié d’ouvrir son compte.

 

Toujours concernant le CPF, le rapport propose de créer, à côté des trois grandes catégories de formations éligibles au compte que sont les formations permettant d’acquérir le socle de connaissances et de compétences, les formations conduisant à une qualification ou à une certification et inscrites sur une liste par les partenaires sociaux aux échelles nationale et régionale et les formations relatives à l’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience, unequatrième catégorie de formations correspondant auxactions de formation permettant de bénéficier de prestations de bilan de compétences.  

 

Enfin, tout en convenant que l’existence d’un système de listes de formations éligibles au CPF « répond au besoin de régulation de l’accès à la formation, afin d’assurer l’adéquation aux besoins des entreprises et aux compétences les plus recherchées, dans une dimension prospective », les rapporteurs pointent du doigt de « nombreuses incertitudes » qui « pèsent aujourd’hui sur la pertinence des listes de formations disponibles et sur leur adéquation avec les objectifs fixés par le législateur en 2014 », telles que par exemple le fait que de nombreuses formations ne sont aujourd’hui pas éligibles alors même qu’elles sont reconnues comme qualifiantes ou certifiantes ; le fait que les différences d’éligibilité à une formation selon les régions ou les branches rendent le système de liste difficilement lisible ou encore le fait que la grande diversité de listes nuit à la lisibilité de l’offre de formation et rend indispensable une fusion de certains dispositifs. Dans ces conditions, les rapporteurs estiment indispensable d’engager sans tarder une simplification de l’éligibilité des formations en fusionnant les listes et en dotant le Conseil National de l'Emploi, de la Formation et de l'Orientation Professionnelles (CNEFOP) d’une compétence de régulation du système de liste.

 

Le conseil en évolution professionnelle : un dispositif bien conçu dans les textes, mais fragile dans sa mise en œuvre

Institué par la loi du 5 mars 2014 et considéré comme l’autre outil important « au service de la qualification et de l’employabilité », le conseil en évolution professionnelle (CEP) connait un début de mise en œuvre « fragile » estiment les rapporteurs qui s’interrogent sur « la clarté de son pilotage » et « l’adéquation de ses moyens à ses missions ». Pour améliorer ce dispositif, ils recommandent d’accompagner sa mise en œuvre en favorisant l’émergence d’une culture commune aux professionnels le dispensant[1], en clarifiant son articulation avec le service public régional de l’orientation (SPRO) et en aménageant un conseil à distance. Une partie des crédits du « plan 500 000 formations » pourrait par ailleurs être consacrée au déploiement du CEP, dès lors que ce dernier en conditionne la réussite.

 

Financement de la formation professionnelle : accentuer la logique "investissement"

Par ailleurs, les auteurs du rapport soulignent que l'un des apports les plus importants de la loi de 2014 est d'avoir rénové le système de financement de la formation professionnelle qui "est désormais appréhendé comme un investissement, et non plus comme une dépense de fonctionnement, ni comme un moyen permettant de satisfaire une obligation légale", ils estiment néanmoins qu'il est aujourd’hui possible d’aller plus loin et proposent d'ouvrir une réflexion sur la possibilité pour une entreprise voire pour un particulier de bénéficier d’une déduction fiscale au titre de ses investissements supplémentaires en formation, à partir d’une logique incitative.

 

Les OPCA : une nécessaire clarification de leurs missions et de leurs fonctions

S’agissant des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), en dépit des adaptations apportées par le législateur à leurs compétences, à leurs obligations de financement, à leurs missions et à leurs règles de gestion, les rapporteurs attirent l’attention sur la tension résidant dans leur action entre deux types d’activités à savoir d’une part, une activité de service public, dans le cadre de leur rôle de collecteur unique des contributions dues au titre de la formation professionnelle et, d’autre part, une activité complémentaire, de nature commerciale, de prestataire de services pour les entreprises et les branches ainsi que pour les actifs. Aussi, afin d’éviter toute confusion, ils estiment nécessaire de clarifier juridiquement les missions et les fonctions des OPCA.

 

Renforcement du contrôle de la qualité des formations par une redéfinition juridique de l’acte de formation

Apparue tardivement dans les débats parlementaires, la question du contrôle de la qualité des actions de formation professionnelle mises en œuvre par les prestataires est inscrite, depuis le 5 mars 2014, dans le marbre de la loi. Un décret du 30 juin 2015 identifie six critères[2] devant être respectés en contrepartie des financements versés au prestataire. Ce dispositif « demeure toutefois inabouti » estiment les rapporteurs, car le contrôle ne doit pas « se limiter à la qualité de la seule action de formation, mais à celle de l’ensemble du parcours de formation, de l’orientation initiale au terme de la formation ». En cohérence avec l’esprit du CPF, ils considèrent que « la formation professionnelle doit aujourd’hui relever d’une approche par parcours et, dès lors, être conçue comme un processus sur la durée ». Ils proposent, par conséquent, de travailler à une redéfinition juridique de l’acte de formation en le construisant comme un parcours allant du positionnement à la validation, permettant ainsi de faire évoluer les financements et l’évaluation de la qualité.

 

Le droit à la formation : pièce maîtresse de la sécurisation des parcours professionnels

Alors qu’il est « longtemps demeuré virtuel », le droit d’accès à la formation devient ainsi progressivement une des pièces maîtresses de la sécurisation des parcours professionnels et plus largement de la protection sociale de demain. A cet égard, si le dispositif du compte personnel d’activité (CPA), prévu par la loi Rebsamen du 17 août 2015 et qui a vocation à rassembler pour chaque personne « indépendamment de son statut, les droits sociaux personnels utiles pour sécuriser son parcours professionnel », se concrétise et voit le jour, comme c’est prévu, le 1er janvier 2017, il constituera à coup sûr une étape importante sur cette voie. Dans cette perspective, les deux rapporteurs « insistent sur la nécessité de faire des outils de formation le pivot du futur compte personnel d’activité en instaurant des mécanismes de fongibilité à l’intérieur du compte ». Toutefois, cette fongibilité pourrait être « différenciée afin de valoriser certaines actions et d’inciter à la qualification. À titre d’exemple, l’utilisation d’un point issu du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) au titre de la formation pourrait générer un point supplémentaire sur le CPF. À l’inverse, les points accumulés au titre du CPF ne pourraient être utilisés pour modifier les conditions de liquidation de sa retraite dans le cadre du C3P ». Nous verrons si le législateur, à travers le débat parlementaire qui s’engage sur le CPA, dans le cadre du projet de loi visant à instituer de "nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs", fera siennes ses pistes d’action.  

 

Vers un code autonome de la formation professionnelle?

Enfin, au terme de leurs travaux, et dans une dimension plus prospective, les rapporteurs invitent le législateur à identifier les principes fondamentaux qui régissent la formation professionnelle et l’apprentissage. À l’instar du rapport remis par la « Commission Badinter » en janvier 2016 sur le code du travail, ces principes pourraient servir de prolégomènes à l’élaboration d’un code autonome de la formation professionnelle. Un tel code allégerait en outre d’autant le code du travail, et ferait donc œuvre de simplification.

 

 

 

 

[1] Pôle emploi, les Cap emploi, l'Association pour l'emploi des cadres, les missions locales et les organismes paritaires agréés au titre du congé individuel de formation ; les organismes désignés par la région comme opérateurs régionaux du CEP, après concertation au sein du bureau du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles

 

 

 

 

[2] L’identification précise des objectifs de la formation et son adaptation au public formé ;  l’adaptation des dispositifs d’accueil, de suivi pédagogique et d’évaluation aux publics de stagiaires ; l’adéquation des moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement à l’offre de formation ; la qualification professionnelle et la formation continue des personnels chargés des formations ; les conditions d’information du public sur l’offre de formation, ses délais d’accès et les résultats obtenus ; la prise en compte des appréciations rendues par les stagiaires.