Pour rappel : à propos du représentant syndical à l’instance de représentation du personnel
Dans les entreprises de moins de 300 salariés: | Dans les entreprises de 300 salariés et plus: |
L2143-22* al 1 code du travail : Dans les entreprises de moins de trois cents salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical est, de droit, représentant syndical au comité social et économique. | L2314-2* code du travail : Sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, prévues à l'article L. 2143-22, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité. Il assiste aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au comité social et économique fixées à l'article L. 2314-19. |
*L’article L2143-22 al 1 est resté inchangé suite à l’ordonnance du 22 septembre 2017, si ce n’est pour le terme « comité social et économique » qui vient remplacer « comité d’entreprise ou d’établissement ».
*L’article L2314-2 a été créé avec l’ordonnance du 22 septembre 2017; il reprend cependant à l’identique l’ancien article L2324-3, adapté au comité social et économique.
Dans un arrêt du 17 juillet 1990 n°89-60729, la chambre sociale de la cour de cassation avait pour la première fois posé le principe selon lequel « le même salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité d'établissement en qualité à la fois de membre élu et de représentant syndical auprès de celui-ci, les pouvoirs attribués par la loi à l'une et à l'autre de ces fonctions étant différents ».
Plus récemment, cette jurisprudence a été transposée au comité social et économique suite aux ordonnances Macron dans un arrêt du 11 septembre 2019 n°18-23764 qui réaffirme que « un salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité social et économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant et de représentant syndical auprès de celui-ci, dès lors qu’il ne peut, au sein d’une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d’élu, et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu’il est désigné par une organisation syndicale ».
Note: On aurait pu s’interroger sur la transposition de cette jurisprudence après les ordonnances, notamment en ce qui concerne les membres élus suppléants du CSE. En effet, l’ancien article L2324-1 al 2 posait que « Les suppléants assistent aux séances du comité avec voix consultative.». Il était donc pertinent d’interdire le cumul des qualités de suppléant et de représentant syndical afin d’éviter qu’ils siègent au CSE avec la double casquette. Mais désormais, selon le nouvel article L2314-1 al 2, « Le suppléant assiste aux réunions en l'absence du titulaire. ». Il y a donc peu de risque de siéger simultanément dans le même CSE en qualité de membre élu suppléant et de représentant syndical, sauf lorsque le suppléant doit remplacer un titulaire. La chambre sociale a tout de même décider d’exclure le cumul des mandats pour ces membres suppléants également.
Il y a donc un principe de non-cumul des mandats de membre élu (titulaire ou suppléant) et de représentant syndical du Comité Social et Économique.
Le 22 janvier 2020, la chambre sociale de la cour de cassation est venue ajouter une précision à ce principe.
Cass. Soc. 22 janvier 2020 n°19-13269 PB
FAITS:
En l’espèce, un salarié a été désigné le 19 novembre 2018 par le syndicat CGT plateforme Total de Donges en qualité de représentant syndical au CSE d’établissement de Donges sur le fondement de L2314-2 du code du travail (entreprises de 300 salariés et plus). La société Total raffinage France a saisi le tribunal d’instance pour contester cette désignation incompatible avec le mandat d’élu suppléant détenu par ce salarié aux sein du même CSE.
PROCÉDURE:
Le tribunal d’instance de Saint-Nazaire a rendu un jugement le 26 février 2019 disant que le salarié devra opter pour l’un de ses deux mandats dans un délai de 15 jours à compter de la notification de sa décision; à défaut, son mandat de représentant syndical au sein du CSE de l’établissement de Donges sera caduc. Le syndicat et le salarié se pourvoient donc en cassation.
MOYENS DU POURVOI:
Dans la première branche du moyen, le syndicat et le salarié se prévalent de l’absence de disposition légale faisant obstacle à la désignation par le syndicat d’un salarié élu au CSE en qualité de représentant syndical au même comité.
De plus, selon les demandeurs, interdire le cumul des mandats d’élu et de représentant syndical dans le même CSE reviendrait à enfreindre le principe de la liberté syndicale qui permet aux organisations syndicales de choisir librement leurs représentants, sauf disposition légale en restreignant l’exercice.
Dans la 3ème branche du moyen, les demandeurs se prévalent de l’article 4 de l’accord relatif au dialogue social et économique du 13 juillet 2008 applicable dans le groupe Total en disant qu’il ne comporte aucune exclusion ni distinction et donc permet potentiellement qu’un salarié élu au CSE soit également désigné en qualité de représentant syndical à ce comité.
Enfin, ils avancent que l’employeur n’a auparavant pas contesté la désignation en qualité de représentants syndicaux de plusieurs autres salariés élus du CSE.
QUESTION DE DROIT:
Un salarié peut-il siéger simultanément dans le même CSE en qualité à la fois de membre élu et de représentant syndical lorsque l’accord collectif applicable ne l’exclut pas?
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION:
Elle répond par la négative et rejette le pourvoi.
La chambre sociale rappelle d’abord l’attendu qu’elle avait posé dans l’arrêt du 11 septembre 2019 en le complétant :
« attendu qu’un salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité social et économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant, et de représentant syndical auprès de celui-ci, dès lors qu’il ne peut, au sein d’une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d’élu et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu’il est désigné par une organisation syndicale sans qu’un accord collectif puisse y déroger ».
Le principe de non-cumul des mandats de membre élu, titulaire ou suppléant, et représentant syndical au même CSE est donc maintenu, et ce, même lorsqu’un accord collectif ne prévoit pas d’exclusion ou de distinction (et donc implicitement autorise le cumul). Un accord collectif ne peut donc pas déroger à ce principe. Il n’y a donc aucun tempérament admis.
De plus en l’espèce, elle a constaté l’absence de disparité de traitement entre organisations syndicales par une recherche faite au sein de la même UES, ce qui permet d’écarter la 4ème branche du moyen.
Il faut souligner que l’interdiction du cumul entre ces deux qualités pour le même CSE s’explique par la divergence de finalité des fonctions d’élu se prononçant au nom des salariés (délibératives) et de représentant syndical (consultatives).
Dans cette affaire, le salarié n’avait qu’un mandat d’élu suppléant -donc ne siégeant pas de droit au CSE sauf lorsqu’il doit suppléer un titulaire- mais cela n’a fait aucune différence.
La chambre sociale valide alors le jugement du tribunal d’instance qui précise que le salarié dispose d’un délai de 15 jours à compter du jugement pour opter pour l’un de ses deux mandats, à défaut de quoi son mandat de RS au sein du CSE sera caduc.