Télétravail : un intérêt réaffirmé par les salariés, mais pas sans conditions (Enquête Ugict-CGT)

Organisation du travail

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Travailler à distance n'est pas sans écueils. Fortement plébiscité après dix-huit mois de crise sanitaire, le télétravail reste pourtant critiqué par de nombreux salariés. Tels sont les principaux enseignements tirés par la dernière enquête réalisée par l'Union des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT (UGICT) et ayant recuilli 14 830 réponses issues de milieux professionnels[1]. L’enquête confirme les tendances d’une installation durable du télétravail dans le paysage français et appelle à son encadrement renforcé.

  • Le télétravail hybride favorisé  

83 % des répondants indiquent bien vivre le télétravail et 98 % affirment vouloir continuer à le pratiquer après la crise. Pour 71% des sondés, le télétravail est plébiscité comme vecteur de temps libéré et d’autonomie au travail :  diminution du temps de trajet, meilleur équilibre entre la vie professionnelle et personnelle, meilleure concentration et souplesse sur les horaires de travail, restent les principales motivations pour y recourir.

Pour autant, seuls 14 % des répondants souhaitant continuer à travailler à temps plein et favorisent une formule mixte avec 2 à 3 jours de télétravail.

  • Un temps et une charge de travail en augmentation

L’enquête souligne une forte augmentation du temps, de la charge et de l’intensité du travail des salariés en télétravail. Or, elle révèle que 60 % des employeurs n’ont pas mis en place de dispositif pour garantir le droit à la déconnexion, pourtant inscrit dans le Code du travail, 55 % n’ont pas défini les plages horaires durant lesquelles les salariés en télétravail sont joignables, et 75 % n’évaluent ni la charge de travail ni le temps de travail des salariés en télétravail.

Cela étant, l’équilibre entre la vie privée et professionnelle, « grand défi du télétravail », reste fragile : 2/3 des sondés déclarent recevoir des sollicitations durant leurs périodes de congé, 2/3 estiment qu’avec le télétravail leurs objectifs ont été augmentés et même 60 % indiquent avoir déjà connu des tensions pour équilibrer vie personnelle et vie professionnelle.

  • Des inégalités persistantes

Il ressort de l’enquête que le cumul télétravail et garde d’enfant pénalise doublement les femmes : D’un côté, elles sont un quart à signaler que le cumul télétravail et garde d’enfant était fréquent (contre 20 % des hommes) et 61 % à avoir dû assumer cette charge seules, (contre 31 % des hommes).  De l’autre côté, elles sont 33 % à ne pas avoir la possibilité d'adapter leurs horaires lorsqu'elles télétravaillent (contre 21 % des hommes).

La CGT soulève également les inégalités dans la régulation du télétravail, entre les petites entreprises, avec peu ou pas de représentants du personnel, et les plus grosses.

  • Santé et conditions de travail dégradées

La CGT alerte sur les indicateurs en matière de santé mentale des télétravailleurs. D’après les réponses recueillies et suivant l’échelle de bien-être élaborée par l’OMS (ou WHO 5), 45 % des répondants devraient faire l'objet d'un suivi pour savoir s’ils/elles font l'objet d'une dépression et 19 % présentent un symptôme dépressif, avertit la CGT.

Les conditions matérielles qui entourent la pratique du télétravail constituent un autre point d’inquiétude. La régulation par les employeurs « se limite souvent à la prise en charge de l'ordinateur portable », pointe l’enquête. Ils sont seulement 10 % des sondés à disposer d’un siège ergonomique et 40 % d’un écran adapté, financés par leur employeur. Conséquemment, la santé physique des télétravailleurs se dégrade : près de 40 % d'entre eux se plaignent de troubles musculo-squelettiques (TMS) ou de migraines oculaires.

Les répercussions organisationnelles du télétravail sont aussi de taille : pour la majorité des sondés, un délitement du lien collectif se remarque. Ce qui pèse plus fortement sur les manageurs : seuls 8 % d’entre eux s’estiment tout à fait sûrs de pouvoir détecter une situation de mal-être ou de difficulté de leur équipe.

Par ailleurs, les représentants du personnel s’estiment marginalisés : près de la moitié déclarent que leur employeur leur interdit d’adresser des informations par mail aux salariés et plus d’un tiers considère que leur avis n’a pas été pris en compte lors de la négociation des accords télétravail.

  • Des pistes d’amélioration

Pour la CGT, « il y a urgence de mettre en place des régulations collectives pour prévenir les risques sur la santé, empêcher le délitement du collectif de travail, et garantir le respect du droit ». Elle insiste ainsi sur l’obligation de négocier préalablement un accord télétravail au niveau de l’entreprise avant la mise en place du dispositif. Additionnement, elle propose des leviers d’amélioration et d'encadrement : la mise en place de critères clairs d’accès et de réversibilité, la garantie du droit à la déconnexion, le décompte du temps de travail et d’évaluation de la charge de travail, la formation des salariés, des mesures pour garantir l’égalité professionnelle, etc.

Vous trouverez, ci-après, le rapport d’enquête de l'Ugict-CGT, Télétravail, un an après, 6 septembre 2021 :

 

https://ugictcgt.fr/dossier-presse-enquete-teletravail/

 

[1] Ugict-CGT, Télétravail, un an après, 6 septembre 2021. Cette seconde enquête de l'Ugict-CGT (après celle relative au monde du travail en confinement) a été construite et traitée avec des statisticiens de la CGT de la DARES et de la DREES et repose sur un questionnaire de plus de 100 questions accessible pendant 4 semaines en ligne (17 mai au 14 juin 2021).