Synthèse de l'analyse de 30 accords professionnels mettant en oeuvre la dérogation prévue à l'article 16 de la loi du 21 août 2003.

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- Auteur(e) : Francis Meyer

Les conventions prévoient le plus souvent la faculté de partir à 60 ans, mais aussi avant 60 pour les personnes qui peuvent bénéficier des dispositions sur les carrières longues. Cette extension permet aux salariés de quitter leur emploi avant 60 ans sans être obligé de démissionner s’ils souhaitent partir en retraite . Par contre certains accords prévoient la faculté pour l’employeur de mettre les salariés à la retraite, ce qui n’est pas prévu par le texte est contrevient donc à la loi. ( L 122 - 14 - 12 ).

 

A. Les départs à l’initiative de l’employeur :

- A partir de 60 ans du salarié s’il peut prétendre à une retraite à taux plein

- Le plus souvent sans que le salarié puisse s’y opposer, ce qui est contraire à la liberté de choix qui doit normalement lui être laissé de poursuivre sa carrière professionnelle jusqu’à 65 ans et de profiter éventuellement des majorations liées à la surcote. La convention collective peut donc autoriser un départ anticipé qui ne correspond pas au désir de tel ou tel salarié, ce qui repose la question d’une éventuelle discrimination en fonction de l’âge

- Dans plusieurs accords cette faculté pour l’employeur de mettre le salarié à la retraite est étendue aux salariés de moins de 60 qui ont les annuités suffisantes pour partir avec une retraite à taux plein

- Un accord au moins (métallurgie) a obtenu l’extension ministérielle alors que cela est contraire au texte de l’article L l22-14-13 alinéa 3

 

B. Les contreparties en terme d’emplois

- On peut évidemment se poser la question de savoir pourquoi une telle disposition a été introduite dans une loi qui vise à inciter les salariés à rester plus longtemps. Les contreparties en terme d’emploi correspondaient plutôt à une logique de partage de l’emploi présente dans les lois Aubry I et II , c’est à dire un renvoi à une solidarité intergénérationnelle fondée sur une logique de retrait du marché du travail pour laisser la place aux jeunes

- Dans les accords examinés, les contreparties en terme d’emploi sont très variables au niveau de taux de remplacement. Certains accords prévoient un remplacement de un pour un , mais la plupart sont dans des taux de remplacement de 1 à 2 ou de 1 à 3 . Ceci pose la question de savoir qui apprécie si les contreparties sont d’un niveau suffisant. Dans la mesure où les accords doivent tous passés par la procédure d’extension, c’est normalement au ministère de faire cette évaluation. L’analyse des accords montre qu’il n’a pas été particulièrement exigeant sur ce point.

 

On trouve diverses formules :

- Des contreparties qui vont de un à trois emplois remplacés

- Parfois un taux de remplacement ridicule (10 %)

- Un renvoi dominant aux contrats aidés

- Un panachage entre les obligations en terme de formation ou de remplacement

- Une indexation de l’augmentation du budget formation sur le volume des départs

- L’évitement d’un licenciement pour motif économique

 

C. Des contreparties en terme de formation

Ces contreparties viennent s’insérer souvent dans des accords qui ont été révisés sur ce point suite à la loi du 4 mai 2001 sur le dialogue social et la formation professionnelle. On y trouve :

- Soit un renvoi à la négociation sur la formation professionnelle qui va s’engager dans la branche

- La fixation d’un pourcentage du fond de la formation réservé aux plus de 45 ou 50 ans

- le dépassement du minimum légal du au titre de la contribution des employeurs

 

D. Le montant des indemnités de départ à la retraite

En cas de départ à l’initiative du salarié : le montant des indemnités est souvent identique à celui prévu par la loi de 1978 sur la mensualisation (un demi mois après 10 ans - un mois après 15 ans - un mois et demi après 20 - deux mois après 30 ans - article 6 de l’accord annexé à la loi du 19 janvier sur la mensualisation

En cas de départ à l’initiative de l’employeur

- un montant majoré à mi chemin entre l’indemnité conventionnelle de licenciement et l’indemnité légale de départ en retraite

- une indemnité dégressive qui se réduit à l’approche des 65 ans

- bonification de l’ancienneté ( indemnités toujours calculées comme si le départ s’opérait à 60 ans )

- l’étalement du paiement des indemnités par l’employeur sur plusieurs mois

 

E. L’information du salarié

Ce dernier n’est pas forcément au fait des droits qui lui sont ouverts au regard des nouvelles règles de calcul introduites par la loi d’août 2003. C’est pourquoi de nombreux accords prévoient que l’employeur doit lui fournir des informations sur :

- les conséquences sociales et fiscales de sa situation

- un droit à un entretien préalable avec délai de préavis variable avant mise en œuvre (3 -6 mois) de la rupture du contrat avec parfois communication du nom de la personne remplacée

Le plus souvent le départ est imposé sauf quelques accords qui reconnaissent le droit au refus du salarié qui peut alors poursuivre le contrat jusqu’à ce qu’il souhaite partir ou jusqu’à 65 ans. Parfois est prévu un doublement du délai autorisant la mise en œuvre si le salarié a encore des personnes à charge

 

F. Le contrôle du respect des engagements de l’employeur

- Le salarié partant est informé - parfois seulement à sa demande - du nom de la personne qui le remplace

- Information également du CE ou des DP

- L’employeur doit transcrire sur le registre du personnel le nom de la personne remplacée

- Le bilan des mises à la retraite et contreparties communiqué annuellement aux IRP

 

G. Les clauses d’impérativité

Suite à l’adoption de la loi 2004-391 du 4 mai 2004, il est désormais possible de déroger par accord d’entreprise aux dispositions plus favorables d’un accord de branche, sauf en matière de salaire minimum et de classification et de garanties collectives (L 132-23) à moins qu’il y ait une clause dite d’impérativité qui maintient tout ou partie des avantages figurant dans la norme de niveau supérieur. Dans le domaine des départs anticipés, il ne semble pas possible de revenir sur un avantage lié à la contrepartie en terme d’emploi ou de formation professionnelle puisqu’il s’agissait d’une condition nécessaire à l’extension. Mais les niveaux d’indemnités pourraient être remis en cause et être diminués par accord d’entreprise si la majorité des organisations syndicales ne s’y est pas opposé. C’est pourquoi on trouve des clauses :

- Qui indiquent expressément que l’on ne peut déroger aux dispositions prises par l’accord de branche

- Qui rappellent l’existence d’un droit d’opposition pour les syndicats non signataires

 

H. Le renvoi à une politique de gestion des âges

Souvent, l’affirmation d’une obligation de pratiquer une gestion prévisionnelle de l’emploi qui intègre les seniors figure dans les préambules. L’accès des seniors aux formations professionnelles et aux évolutions de carrière est précisé : entretien avec bilan des acquis professionnels, élaboration d’un projet de formation. Certaines clauses sont ambiguës : elles prévoient d’assurer la gestion de la carrière des salariés les plus âgés en vue de permettre à certains d’entre eux de partir en retraite avant 65 ans. D’autres organisent un droit à une période de « découverte » en cas de changement professionnel pour voir si les acquis sont transposables.


I. Le renvoi à la négociation sur la pénibilité avec prise en compte des questions d’inaptitude au travail et la lutte contre la désinsertion professionnelle

Peu d’accords abordent la question alors qu’il s’agit d’une question cruciale. Ceux qui en traitent prévoient des mesures destinées à éviter la survenance de l’inaptitude : réduction du travail de nuit, polyvalence dans les tâches et les gestes, gestion des conflits avec la clientèle... D’autres organisent un accompagnement des avis du médecin conseil ou du médecin du travail afin qu’ils soient pris en compte par les différentes structures de l’entreprise.