Soft skills : un outil majeur pour accompagner les processus d’innovation et de transformation des entreprises

Emploi
Gestion de l'emploi

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Face à l'accélération des processus d'innovation et de transformation, les entreprises s’engagent dans une démarche de révision de leurs référentiels des métiers et des compétences. Or, « la solution est souvent recherchée à travers les outils, les processus et les organigrammes, alors qu’il s’agit avant tout d’une démarche collective de femmes et d’hommes ». Tel est le principal enseignement qui ressort du document de travail de France Stratégie, publié le 3 mai 2022, qui synthétise les travaux de l’Institut pour la transformation et l’innovation (ITI) sur les compétences transversales ou soft skills[1].

En adoptant une approche qualitative et quantitative[2], l’étude « vise à mieux identifier les soft skills qui sous-tendent la capacité d’innover, ainsi qu’à comprendre le rôle qu’elles jouent dans les activités d’innovation et de transformation des organisations et leur articulation avec des contextes d’activité plus ou moins fertiles ». Elle propose, par ailleurs, une série de recommandations « afin de développer dans les organisations les soft skills permettant d’accompagner les processus d’innovation et de transformation des organisations du secteur public comme du secteur privé ».

  • Soft skills : un réinvestissement dans le capital humain

Une meilleure connaissance du processus de l’innovation et de son fonctionnement « suppose de considérer une palette de compétences (individuelles et collectives) complexes et multidimensionnelles qui vont au-delà de la technique », soulignent les auteurs. C’est dans cette démarche que s’inscrivent les entreprises innovantes pour lesquelles l’importance majeure des compétences transversales est établie. Il ressort en effet de l’enquête qualitative menée auprès des entreprises innovantes que celles dernières mettent en avant, dans leur totalité, des qualités et compétences transversales telles que la curiosité, l’ouverture d’esprit, la capacité à travailler en équipe, la persévérance, la créativité et l’empathie.

Les motifs des entrepreneurs pour soutenir une telle démarche sont liés à certains traits concernant leurs parcours académiques et professionnels. Il s’avère que ces innovateurs font état de parcours d’excellence dans l’enseignement supérieur, ce qui leur a permis de développer plus que la moyenne certaines soft skills. De plus, ils mettent l’innovation au centre de leur activité, que ce soit dans la pratique d’un management par les compétences, la création de départements de recherche et développement au sein de leur structure ou même le poids donné à l’apprentissage.

  • Les environnements de travail propices aux soft skills

Le volet quantitatif de l’étude a permis de dégager une typologie des soft skills, ainsi qu’une classification des environnements de travail qui y sont plus ou moins favorables. Sont ainsi identifiées 25 compétences transversales, à savoir : 8 compétences de l’organisation pour un environnement capacitant (coordination d'équipe, collaboration d'équipe, cohésion d'équipe, cohésion inter-équipes, autonomie dans l’organisation, organisation du travail, soutien de l’organisation, soutien de l'équipe au changement) ; 2 compétences relationnelles pour engager les collectifs (collaboration, communication) ; 5 capacités cognitives pour penser le changement (pensée divergente, pensée convergente, flexibilité mentale, pensée logique, pensée rationnelle) ; 8 capacités conatives pour passer à l’action (extraversion, motivation, ouverture à la nouveauté, pensée intuitive, prise de risque, tolérance à l’ambiguïté, conciliation, persévérance) ; 2 capacités émotionnelles (empathie affective, empathie cognitive).

Ces compétences s’articulent différemment selon que le contexte de travail est favorable ou défavorable à l’innovation et la transformation. Parmi les quatre types d’environnement de travail identifiés, ceux qui sont les plus favorables aux changements, dénommés "fertiles", sont ceux qui font preuve de plus hauts niveaux de collaboration, de cohésion, d’autonomie, mais aussi de soutien de l’organisation. Dans une moindre mesure, l’environnement de travail dit "arable" reste favorable à la transformation, avec un niveau de soutien de l’organisation quasiment aussi élevé que dans un contexte "fertile", mais présente des niveaux de soutien de l’équipe et de collaboration relativement plus faibles.

  • Mieux accompagner les entreprises dans le développement des soft skills

Pour accompagner les entreprises dans la démarche du développement des soft skills, l’étude propose une série de recommandations articulées autour de trois axes majeurs : la formation des individus aux compétences transversales, le soutien du management dans les processus d’intégration des compétences transversales et le développement d’un contexte de travail propice à leur déploiement.

S’agissant de la formation et l’accompagnement des individus, l’étude insiste sur la sensibilisation et l’accompagnement des acteurs tant du secteur privé que public dans la conception et la poursuite des actions de formation sur les compétences transversales. Elle propose, par ailleurs, de compléter les cycles de formations techniques comme managériales par des formations tournées vers les soft skills pour tous les métiers.

En matière de management, les auteurs insistent sur la recherche d’un équilibre entre soft skills et hard skills (ou compétences techniques). Ce qui nécessite, selon eux, un important travail de compréhension et de légitimation de l’individu de la part du management, permettant ainsi l’intégration d’une diversité de profils socioculturels, professionnels et/ou en termes de formation(s) antérieure(s) dans les services, les équipes et en amont des projets.

Sous cette optique, l’accompagnement des managers dans le développement des soft skills et leur prise en compte lors des recrutements s’avère primordial. Ce qui permettrait aux managers de cerner le potentiel de compétences de leurs collaborateurs, mais aussi de les inciter à explorer eux-mêmes les compétences acquises lors des expériences professionnelles et extraprofessionnelles. Pour ce faire, des programmes de formation et/ou de certification de soft skills pourraient être mis en place, avec pour horizon l’évolution de France Compétences et de son actuel Répertoire.

In fine, les auteurs mettent en exergue l’importance de l’environnement de travail dans la capacité à innover et à transformer les individus et les équipes. Les possibilités d’aménagement du poste de travail, l’encouragement d’initiatives individuelles en termes de construction de contenus, les possibilités de rencontres extérieures et de constitution de réseaux, le retour d’expérience entre pairs figurent, entre autres, parmi les dispositifs permettant un environnement de travail favorable à l’innovation et aux soft skills. A ce titre, le management de proximité a un rôle primordial à jouer.

De manière plus concrète encore, les auteurs proposent la création d’un centre de ressources sur les soft skills pour les professionnels, avec pour objectif : la sensibilisation aux compétences transversalesface aux défis d’innovation et de transformation sociétales, la production d’orientations et de ressources pour les formations et les organisations, l’accompagnement des organisations et des individus.

Vous trouverez, ci-après, l’intégralité du document de travail de France Stratégie, Les soft skills pour innover et transformer les organisations, Mai 2022

 

[1] Brieuc du Roscoät, Romaric Servajean-Hilst, Sébastien Bauvet et Rémi Lallement (2022), Les soft skills liées à l’innovation et à la transformation des organisations. Comment agir dans l’incertitude ?, Institut pour la transformation et l’innovation, Mars 2022.

Selon l’étude, la notion de soft skills renvoie ici à la partie comportementale des compétences transversales sans s’y substituer totalement. Les compétences transversales recouvrent à la fois des savoirs faire comme résoudre des tâches complexes de littératie, numératie et numériques, savoir encadrer ou respecter des consignes et règles, et des compétences comportementales comme la capacité à communiquer, le sens de l'écoute ou la réactivité.

[2] Dans son volet qualitatif, l'étude se fonde sur des entretiens semi-directifs menés auprès de personnes considérées comme des « innovateurs » : 93 intrapreneurs et 33 start-upers. Dans son volet quantitatif l'étude utilise la typologie de 25 compétences identifiées avec une enquête en ligne réalisée auprès de 269 individus répartis en trois catégories : intrapreneurs (du privé et du secteur public), start-upers et managers « classiques » (hors postes centrés sur l’innovation).