Salariés protégés : une instruction DGT du 7 avril 2020 précise les effets de l'ordonnance n°2020-306 quant aux demandes d'autorisation pendant la pandémie Covid-19.

Organisation du travail

- Auteur(e) : Sara Klack

L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 est venue offrir la possibilité de proroger les délais échus pendant la période d’urgence sanitaire, ainsi que d’adapter les procédures pendant la même période. L’objectif principal est de garantir une sécurité juridique minimale pour les particuliers et les entreprises 

 

-L’article 1 de l’ordonnance précise que les aménagements qu’elle prévoit sont applicables «  aux délais et mesures qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ». Cette date, bien que susceptible d’être modifiée, est fixée au 24 mai 2020 par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020.

-L’article 2 dispose que tout recours qui aurait dû être accompli dans cet intervalle sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de 2 mois.

-Selon l’article 7, les délais à l’issue desquels une décision administrative peut ou doit intervenir ou est acquise implicitement, et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont suspendus, ou leur point de départ est reporté, jusqu’à la fin de la période.

 

Ces mesures ont une incidence notamment sur l’instruction des demandes d’autorisation de licenciement et de transfert des salariés protégés durant la période de l’état d’urgence, ainsi que sur les recours hiérarchiques contre les décisions des inspecteurs du travail. 

Une instruction de la DGT du 7 avril 2020 vient préciser en détail les conséquences de cette ordonnance en la matière.

 

  • Effets de l’ordonnance sur les demandes d’autorisation de licenciement ou de transfert des salariés protégés

Pour rappel

L’article R2421-1 du code du travail dispose dans son alinéa 1 que « La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué syndical, d'un salarié mandaté, d'un membre de la délégation du personnel au comité social et économique interentreprises ou d'un conseiller du salarié est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l’établissement ».

L’article R2421-11 dans son dernier alinéa ajoute que « L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de deux mois. Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Le silence gardé pendant plus de deux mois vaut décision de rejet. ». 

L’article 7 de l’ordonnance n°2020-306 a une incidence sur ce délai à l’issue duquel nait une décision implicite de rejet de la demande d’autorisation de rupture ou transfert des contrats de travail des salariés protégés. 

 

- Effet sur les demandes reçues avant le 12 mars 2020

Dans ce cas, le délai de 2 mois laissé à l’inspecteur du travail pour prendre sa décision est suspendu. La DGT souligne que le « délai n’est pas « interrompu » », ce qui signifie qu’il faudra prendre en compte dans le calcul le délai déjà écoulé avant le 12 mars afin d’obtenir le délai restant. Ce dernier ne recommencera à courir que 1 mois après la date de la fin de l’état d’urgence.

Exemple de la DGT: 

Réception de la demande d’autorisation de licenciement

20 février 2020

Début de la période de suspension des délais

12 mars 2020 (soit 3 semaines après la réception)

Date de fin de l’état d’urgence sanitaire

Jour J 

Reprise du délai restant ( 2 mois - 3 semaines déjà écoulées) 

Jour J + 1 mois

Naissance de la décision implicite de rejet si pas de décision explicite 

Jour J + 1 mois + délai restant ( 2 mois - 3 semaines)

 

Note : sont exclus du champ d’application de l’article 7 les délais expirés avant le 12 mars 2020.

 

- Effet sur les demandes reçues postérieurement au 12 mars 2020

Lorsque le délai de 2 mois aurait dû commencer à courir pendant la période se déroulant entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de 1 mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, le point de départ est reporté jusqu’à l’achèvement de cette même période.

Exemple de la DGT: 

Début de la période de suspension des délais

12 février 2020

Réception de la demande d’autorisation de licenciement 

23 mars 2020

Date de fin de l’état d’urgence sanitaire 

Jour J

Reprise du délai restant ( 2 mois )

Jour J + 1 mois 

Naissance de la décision implicite de rejet si pas de décision explicite

Jour J + 1 mois + 2 mois 

 

- La DGT recommande néanmoins d’agir sans attendre la fin de ces délais lorsque l’administration en a la possibilité. 

 

L’instruction souhaite inciter l’inspecteur du travail à statuer sur la demande sans attendre la fin de la période de suspension « dès lors qu’une demande ne nécessite par d’enquête approfondie (rupture conventionnelle individuelle) », ou encore « lorsque l’organisation interne permet de réaliser l’enquête et qu’il est en mesure de recueillir l’ensemble des éléments de fait nécessaires à sa décision ». 

Le Directeur Général du travail rappelle à ce titre qu’une instruction du 17 mars 2020 a permis d’adapter les modalités de l’enquête pendant la période d’urgence sanitaire en privilégiant les observations écrites et échanges de courriel.

Dans certaines situations, la suspension des délais est susceptible de porter une atteinte excessive aux intérêts des parties, notamment en cas de mise à pied conservatoire du salarié, ou lorsque le salarié a retrouvé un emploi dans une autre entreprise, ou encore lorsque la survie de l’entreprise est en cause en raison de l’interruption prolongée de toute activité. Il est alors important que l’inspecteur du travail agisse sans attendre. 

Cependant, « quand l’enquête n’est pas possible », malgré les modalités prévues par l’instruction du 17 mars 2020, il reste possible d’utiliser la faculté de reporter la prise de décision prévue par l’article 7 de l’ordonnance n°2020-306.

Dans tous les cas, il conviendra d’informer les parties de la naissance de la décision implicite de rejet au regard du délai restant à courir postérieurement à l’expiration du délai d’1 mois à compter de la cessation de l’urgence sanitaire, éventuellement par courriel. 

 

  • Effets de l’ordonnance sur les recours hiérarchiques :

Pour rappel

L’article R2422-1 du code du travail dispose que « Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet.

Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l’inspecteur » 

L’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 a un effet sur ces recours hiérarchiques puisqu’il permet à ceux qui auraient dû être accompli pendant la période du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration du délai d’1 mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence d’être réputés valables s’ils ont été formés dans le délai de 2 mois suivant cette période. 

La DGT souligne que cette possibilité concerne « les recours hiérarchiques formés contre les décisions des inspecteurs du travail notifiées à partir du 11 janvier 2020 ». 

Exemple de la DGT: 

Date de notification de la décision 

26 février 2020

Date à laquelle le recours aurait dû être formé pour être recevable

27 avril 2020 (2 mois après la notification)

Date limite de formation du recours pour qu’il soit recevable après application de l’article 2 de l’ordonnance

Jour J (date de cessation de l’état d’urgence sanitaire) + 1 mois + 2 mois

 

 

 

Vous trouverez ci-dessous l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, ainsi que l’instruction DGT du 7 avril 2020.