Réflexions critiques sur le maintien en emploi de travailleurs vieillissants faiblement qualifiés : responsabilité sociale ou individuelle ?

Conditions du travail
Publics prioritaires

- Auteur(e) : Hakim EL FATTAH

Etude de la revue électronique Perspectives Interdisciplinaires Sur le Travail et la Santé. Mai 2009.

Face à la floraison des rapports, enquêtes et études encourageant l’emploi des seniors, la présente étude a l’intérêt de mettre en lumière les contradictions et les paradoxes qui émaillent les politiques et les dispositifs relatifs à l’emploi des travailleurs vieillissants faiblement qualifiés.

Ainsi, par exemple les taux d’emploi des travailleurs vieillissants cachent, selon les auteurs de l’étude, des situations contrastées. Puisque, en effet il existe une forte corrélation entre niveau de formation et probabilité de rester en emploi jusqu’à des âges plus avancés : les taux d’emploi des travailleurs les plus diplômés sont toujours supérieurs à ceux des moins diplômés.

Par ailleurs, le constat selon lequel des actions fortes s’imposeraient en matière d’emploi des seniors en raison de la « pénurie de main d’œuvre », doit, jugent les auteurs de l’étude, être nuancés, puisqu’il s’agit en réalité de pénurie de main d’œuvre « qualifiée » sur des marchés particuliers. D’où un paradoxe pour les politiques de maintien en emploi des travailleurs vieillissants : encourager l’emploi de tous les individus, alors qu’en pratique le marché du travail reste une machine à sélectionner, une « machine à exclure ».


Quant aux moyens mis en œuvre par les entreprises, pour permettre à leurs salariés de prolonger leur carrière, les auteurs de l’étude relèvent que les mesures cherchant à promouvoir le maintien en emploi des salariés vieillissants ne s’adressent que très indirectement aux travailleurs très peu qualifiés.

L’étude présente par ailleurs un intérêt empirique, puisque ses auteurs ont étudié et analysé le cas de deux entreprises (Cleanbel et Distribel) confrontées à la problématique du maintien en emploi de travailleurs vieillissants faiblement qualifiés.

Ainsi, Cleanbel, qui est une entreprise publique de traitement des déchets ménagers située dans une grande ville belge, compte un personnel d’exécution (77%de l’effectif global) très peu qualifié. Distribel quant à elle, est un réseau de supermarchés. La population opérationnelle de ces derniers est essentiellement composée de caissières et de manutentionnaires. Ce personnel est également peu ou très peu qualifié et effectue un travail peu ou guère valorisé.

Les auteurs de l’étude relèvent que pour ces personnels faiblement qualifiés, la problématique du maintien au travail ne se posait pas d’entrée de jeu. Ils étaient davantage, ceci est dû à la pénibilité de leurs métiers, concernés par celle du maintien en « bonne santé ».

Ainsi, chez Cleanbel, face à un travail pénible et physiquement dangereux, les chargeurs sont mutés de facto à 50 ans de la charge vers le balayage pour des raisons de sécurité. Ce qui ne règle, selon les auteurs de l’enquête, en aucun cas le problème, à savoir les limites au maintien dans l’activité initiale pour raison physique.

Un autre élément est mis en évidence par l’étude: la rotation du personnel particulièrement élevée chez cleanbel, qui est de l’ordre de 350 unités en 2006, 420 unités en 2008, soit entre 17 et 20%. L’étude suggère qu’une fois les statutaires plus âgés partis à la retraite, il est possible que l’âge moyen diminue et que l’on fasse de moins en moins carrière dans ce type d’entreprise.

Chez Distribel, les pathologies les plus fréquentes rencontrées sont les troubles musculo- squelettiques (TMS) et les troubles anxio-dépressifs. Ces pathologies, qui sont liées à l’organisation du travail (intensité du travail, répétitivité des gestes, postures contraignantes, etc.), entravent la poursuite de la carrière.

Enfin, l’étude met en valeur les différentes mesures et actions, qui peuvent être mises en œuvre dans les deux entreprises pour aménager les fins de carrière : par exemple en agissant à la fois sur les conditions de travail, sur les individus et sur les mentalités au sein de Cleanbel.


Chez Distribel, l’idéal, selon les auteurs de l’étude, serait de reconsidérer de façon radicale l’organisation du travail en supermarché (polyvalence structurée, collectif de travail fonctionnel dans chaque unité).