Mise à jour le 23 juin 2015
Par lettre du 7 novembre 2014, la Ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et le Ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ont confié à trois personnalités, Monsieur le député Michel ISSINDOU, Monsieur Christian PLOTON, membre de la Direction des Ressources humaines (DRH) de Renault et Madame le Professeur Sophie FANTONI-QUINTON, ainsi qu’à l’IGAS une mission ayant pour objet "d’évaluer la pertinence des notions d’aptitude et d’inaptitude médicales au poste de travail et de leur vérification systématique à l’occasion des visites médicales obligatoires pour les salariés et de proposer des évolutions du système de surveillance de l’état de santé dans une visée préventive".
Après avoir procédé à de nombreuses auditions des acteurs de la santé au travail et recueilli un grand nombre de contributions écrites en provenance notamment des médecins du travail, mais aussi de plusieurs conseillers sociaux d’ambassade, des médecins inspecteurs régionaux du travail et d’organisations patronales et syndicales, la mission a remis un rapport au gouvernement en mois de mai dernier, dans lequel elle fait le constat que l'actuel dispositif de surveillance de l'état de santé des salariés au travail générerait des "difficultés pratiques pénalisantes liées" à l'ambiguïté des notions d'aptitude et d'inaptitude et conduirait à "l'asphyxie du système" du fait "d'un ciblage très insuffisant de cette surveillance sur les travailleurs exposés à des risques liés au poste de travail ou à leur état de santé dans un contexte de raréfaction de la ressource médicale".
Aussi, pour faire face à ces problématiques, la mission propose notamment, en substitution de la visite d’embauche actuelle, l’instauration d’une visite obligatoire d’information et de prévention pour tous les salariés en contrat depuis 3 mois ou plus, réalisée par l’infirmier de santé au travail sous l’autorité fonctionnelle du médecin du travail et donnant lieu à une attestation nominative de suivi de santé. La mission recommande que cette visite d’information et de prévention ait lieu dans les 3 mois pour les salariés occupant un poste à risque et dans les 6 mois pour les autres.
Pour les salariés intérimaires et en contrat à durée déterminée de moins de trois mois, la mission recommande la création d’un fichier régional qui doit permettre de réaliser une seule visite obligatoire d’information et de prévention. Celle-ci serait suivie d’une visite à 5 ans sauf cas particuliers et quelles que soient les interruptions du parcours professionnel du salarié entre temps.
Dans ce même esprit, la mission recommande une visite médicale périodique au minimum tous les cinq ans pour les salariés, en dehors des situations justifiant une surveillance médicale renforcée ou des salariés occupant un poste de sécurité. Pour ce qui est des salariés occupant un poste à risque, la mission suggère de les faire bénéficier, sauf précision réglementaire spécifique, d’une visite infirmière au minimum tous les 2 ans et d’une visite médicale au minimum tous les cinq ans.
Estimant que le suivi des travailleurs de nuit n’est pas adapté, la mission propose de remettre à plat la disposition légale (article L. 3122-42 du code du travail) prévoyant une périodicité maximale de six mois pour la surveillance médicale particulière dont cette population doit bénéficier, et suggère de fixer par décret la périodicité des visites médicales sur la base de recommandations validées par la Haute Autorité de Santé.
En revanche, la mission recommande, pour les postes de sécurité qu’elle définit comme ceux comportant « une activité susceptible de mettre gravement et de façon immédiate en danger, du fait de l’opérateur, la santé d’autres travailleurs ou de tiers » et qui ne font pas l’objet de mesures réglementaires, un contrôle périodique de l’aptitude des salariés qui les occupent. Elle propose pour ces postes un contrôle de l’aptitude avant l’embauche ainsi qu’un contrôle périodique de cette aptitude par un médecin distinct du médecin du travail assurant le suivi habituel du salarié. En complément des textes réglementaires qui peuvent les recenser dans certains secteurs d’activité économique, la mission propose un mode d’identification de ces postes par l’employeur après avis du médecin du travail et du CHSCT ou des délégués du personnel. Elle suggère une énumération de ces postes dans le règlement intérieur, document soumis au contrôle de l’inspecteur du travail.
Par ailleurs, jugeant que les critères qui ont conduit à considérer certaines situations (exposition au bruit par exemple) comme relevant de la surveillance médicale renforcée ne reposent pas sur des recommandations médicales, la mission invite les pouvoirs publics à réfléchir à une nouvelle définition des situations nécessitant ce type de surveillance en s’appuyant sur des recommandations de la Société Française de Médecine du Travail, validées par la Haute Autorité de Santé.
La mission est d’avis que la visite de pré-reprise est décisive pour préparer les conditions du retour du salarié dans son emploi dans l’entreprise ou éventuellement pour envisager la réorientation professionnelle que son état de santé exige. Aussi, elle suggère de supprimer certains freins au développement cette visite en ouvrant la possibilité qu’elle se tienne avant le terme des trois mois prévus actuellement, en donnant la possibilité à l’employeur d’en prendre l’initiative via le médecin du travail, en instaurant un entretien entre l’employeur, le médecin du travail et le salarié s’il le souhaite après cette visite et en prévoyant que les efforts de reclassement de l’employeur devraient être appréciés par le juge du contrat de travail à compter de la visite de pré-reprise.
Enfin, eu égard à son caractère peu protecteur pour les salariés et compte tenu de ses complexités pour les entreprises et les services de santé au travail, la mission est favorable à une évolution du droit de l’inaptitude dans une double direction : renforcement des garanties offertes aux salariés d’une part, et simplification de la procédure d’autre part. A cette fin, la mission recommande de :
- modifier les conditions de constatation de l’inaptitude en introduisant des conditions de fond à la possibilité de constatation de l’inaptitude concernant la recherche du consentement du salarié, sauf danger grave pour sa santé ou celle de tiers, et celle des solutions de maintien dans l’emploi du salarié, en exonérant l’employeur de toute recherche de reclassement lorsque l’inaptitude correspond à une mesure thérapeutique d’éloignement de la situation de travail. L’inaptitude temporaire devrait être encadrée juridiquement ;
- modifier les modalités de recours de l’employeur ou du salarié contre les préconisations du médecin du travail ou son avis d’inaptitude en le confiant plutôt à une commission médicale régionale, composée de médecins du travail, et non plus à l’inspecteur du travail ;
- retenir le principe de la constatation de l’inaptitude en une seule visite, sauf si le médecin du travail en décide autrement. Auquel cas, la seconde visite a lieu dans un délai maximum de 15 jours ;
- considérer que le refus par le salarié des propositions d’adaptation du poste de travail ou de reclassement de l’employeur, lorsqu’elles sont conformes aux préconisations du médecin du travail et qu’elles n’entraînent pas de modification du contrat de travail constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement et, si le salarié est licencié pour inaptitude, qu’en raison de ce refus l’employeur soit présumé avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement.