Quel avenir pour le travail et le salariat à l'ère des incertitudes?

Gestion de l'emploi

- Auteur(e) : Hakim EL FATTAH

Travail emploi numérique : les nouvelles trajectoires. Rapport du Conseil national du numérique, janvier 2016

Saisi en décembre 2014 par le ministère du travail afin de formuler des propositions sur les problématiques liées à la transformation numérique des entreprises, aux pratiques numériques des services publics de l'emploi dans le monde et aux effets de l'automatisation des activités sur le travail et ses conditions, le Conseil national du numérique a rendu son rapport le 6 janvier dernier. 

 

A partir du postulat que « la période que nous vivons est celle d’une évolution systémique, exceptionnelle et rarement connue dans l’histoire de l’humanité », les auteurs du rapport estiment que nous vivons non pas une crise mais une métamorphose, caractérisée par l'entrée dans "une ère d'incertitudes" et  "l’installation dans l’inconnu" et qui commanderait de "modifier les conditions d’analyse" des enjeux et d’"entreprendre une révolution épistémologique". Aussi, la première partie du rapport est constituée d'"une cartographie des controverses" tendant à éclairer les lecteurs sur l'état des débats sur le futur de l'emploi, la transformation des concepts de travail, d'emploi, d'activité à l'heure du numérique. 

 

Cette cartographie, loin d'inciter à la résignation, suggère au contraire que "des formes résilientes de gestion de l'incertitude et des outils nécessaires pour vivre dans un monde fondamentalement incertain" sont possibles. A cette fin, un ensemble de recommandations proposant des "pistes de méthodes à adopter pour anticiper les effets de la révolution numérique sur notre modèle social" sont formulées. Certaines actions ont été identifiées comme étant prioritaires afin notamment d'accompagner des parcours professionnels en transition, de redynamiser la formation tout au long de la vie, de reconstruire du lien collectif dans les organisations et de renforcer la redistributivité du modèle social français. 

 

Reconnaissance d'un droit individuel à la contribution

Dans ce cadre, il est préconisé notamment de reconnaître en faveur des travailleurs d'un droit individuel à la contribution qui leur ouvrirait la possibilité de participer à des projets en dehors de leur organisation principale (activités associatives, création d’entreprises, projet de recherche, projets d’intérêt général, etc.). Il pourrait s’appliquer aux salariés du secteur privé, aux contractuels de la fonction publique ainsi qu’aux fonctionnaires (toutes fonctions publiques confondues).

 

Les projets en question pourraient inclure la participation à des projets de création et de développement d’entreprises, l’engagement dans une association, la participation à des activités de recherche librement accessible, la production de biens communs et la réalisation de missions de médiation numérique, de solidarité, etc.

 

La création de ce droit pourrait permettre selon ses promoteurs de rassembler, de simplifier et de moderniser plusieurs dispositifs existants, comme le congé pour création ou reprise d’entreprise ou la participation à la direction d’une jeune entreprise innovante, le congé de solidarité internationale ainsi que certaines modalités de temps partiel.

 

Faire du compte personnel d’activité, un outil d’"empouvoirement" individuel

Dans la lignée des travaux de France Stratégie, le Conseil national du numérique "souscrit totalement à l’objectif global porté par le Compte personnel d’activité, en ce qu’il permettrait de réduire les risques de la mobilité professionnelle, de sécuriser les transitions et offrirait à l’individu la possibilité de se constituer un “portefeuille” de droits sociaux, portables et vecteurs d’encapacitation". Dans cette perspective, le CNNum recommande d'"organiser la construction du compte personnel d’activité en utilisant des méthodes agiles et de design thinking, afin de penser cet outil de manière évolutive et collective". A cette fin, il conviendrait de partir directement des “besoins” des individus, et de penser le développement de l’outil comme une réponse à une problématique donnée, puis progressivement élargir les problèmes traités.

 

Mise en place de contrats de génération numérique

Le CNNum invite à '"imaginer des contrats de génération numérique pour développer le mentorat inversé dans les entreprises" qui pourraient offrir la possibilité à des jeunes, formés et compétents dans le domaine du numérique (développeur, designer, architecte, fondateur d’une startup), d’être embauchés dans une organisation, au même niveau que les décideurs, pour les conseiller dans leur transformation. A plus long terme, ce dispositif permettrait d’orienter les jeunes vers des formations numériques et d’inciter les entreprises à diversifier leur recrutement.