Quel avenir pour le e-dialogue social ?

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Comment le dialogue social d’entreprise s’est adapté au contexte particulier de la pandémie ? Comment les représentants et les directions perçoivent-ils le dialogue social à distance ? Et comment s’annonce le dialogue social de demain ? Tant de questions auxquelles l’étude de l’Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean-Jaurès vise à apporter une réponse. Publiée le 7 octobre 2021, l’étude repose sur une enquête menée auprès des représentants des salariés et des directions d’entreprises[1], accompagnée de sept monographies d’établissements et cinq entretiens avec des grands témoins issus du monde patronal, syndicaliste et administratif. 

  • Le e-dialogue social comme conséquence de la crise sanitaire : une inventivité des acteurs constatée

Aussi appelé « dialogue social connecté » ou « dialogue social dématérialisé », le e-dialogue social constitue la forme qu’a prise le dialogue social à la suite du confinement de mars 2020. Pour les auteurs, ce nouveau cadre peut être assimilé à « une expérimentation à marche forcée ». En effet, si l’utilisation des outils numériques dans le dialogue social « n’est pas un fait nouveau », leur utilisation systématisée pour la conduite des réunions entre les représentants et les directions « était rare voire inexistante ». Face aux contraintes sanitaires, ces acteurs ont dû se familiariser avec le numérique et adapter leurs pratiques « pour mener les réunions et préserver le dialogue social », et cela « en fonction de leurs besoins ».

C’est ainsi que les auteurs recensent des diverses pratiques ainsi que utilisations des outils numériques. Pendant la crise, les réunions des IRP se sont déroulées suivant des formes variées : 100% visioconférence, hybride, appel téléphonique, présentiel, conférence téléphonique. Quant aux réunions informelles entre la direction et les élus, celles-ci ont été menées généralement sur site ou par appel téléphonique (notamment dans les grandes entreprises). Des nouveaux moyens ont été aussi pensés par les acteurs pour maintenir le lien avec les salariés : des webradio d’entreprise pour diffuser des points d’informations sur l’activité de l’entreprise, des groupes privés sur les réseaux sociaux, des « cercles restreints » ou « cellules de crise » régulièrement tenus. En outre, certains interlocuteurs affirment que « les directions de certaines entreprises ont fermé les yeux » quant à l’utilisation des listes de diffusion pour communiquer avec les salariés. Même chose pour l’octroi des heures de délégations où « les directions n’ont pas réellement compté les heures des élus pour qu’ils puissent assurer un rôle de relais avec le terrain ».

  • Le e-dialogue social comme réponse à la crise sanitaire : des avis contrastés

Selon les auteurs, l’ensemble de ces modifications influent sur la qualité et l’efficacité du dialogue social ainsi que sur les rapports entre les salariés, leurs représentants et les équipes de directions. Or, des avis convergents se dessinent selon la fonction occupée par les interlocuteurs interviewés, « quand bien même les constats sont les mêmes ».  

Incontestablement, par le biais de ce nouveau mode de fonctionnement du dialogue social, les acteurs ont continué à faire vivre la démocratie sociale. L’utilisation du numérique leur a permis d’être beaucoup plus flexibles et réactifs pour répondre aux urgences du moment. Sans oublier que les réunions en distanciel ont permis le respect des règles sanitaires.

Il n’en reste pas moins que la scène habituelle du dialogue social et la morphologie des échanges ont été complètement revues. Certains interlocuteurs estiment que le 100% distanciel réduit la dimension collective et génère des effets paradoxaux : « soit l’informel est plus compliqué à mettre en œuvre, soit il est renforcé car il est plus facile de se réunir à distance entre deux réunions ». D’autres constatent une dégradation de la qualité des échanges avec, notamment, une perte des signaux faibles qui font partie du propos (postures, vision des interlocuteurs, etc.).

En tenant compte de l’ensemble de ces constats, les auteurs concluent que les nouvelles organisations du travail et du dialogue social interrogent la façon d’assurer la proximité nécessaire entre les salariés et leurs représentants. Si le e-dialogue social est amené à perdurer, c’est « à condition qu’il soit articulé avec des réunions en présentiel afin de créer et maintenir le lien entre tous les acteurs du dialogue social ».

Vous trouverez, ci-après, l’intégralité de l’étude de la Fondation Jean-Jaurès sur le e-dialogue social, phénomène conjoncturel ou nouvelles pratiques durables ?, Octobre 2021.

 

[1] Entre début avril 2021 et fin juin 2021 auprès des acteurs du dialogue social des représentants des salariés (élus CSE ou délégués syndicaux) et représentants des directions d’entreprises (DRH, DG...). Elle a recueilli 122 réponses émanant de 112 entreprises issues de secteurs, de tailles et de territoires différents.