Le ministre du travail, M. Michel Sapin, a présenté le 12 décembre 2012, au Conseil des ministres, le projet de loi relatif au contrat de génération. Engagement phare de M. François Hollande, le contrat de génération a « pour objet de répondre à la situation actuelle qui écarte du marché du travail les jeunes et les salariés âgés, privant ainsi les entreprises de compétences et de ressources utiles à leur compétitivité »[1]. Il vient en complément de la loi du 26 octobre 2012 relatif aux emplois d’avenir et reprend l’essentiel des dispositions de l’accord national interprofessionnel conclu le 19 octobre 2012.
Contrat de génération : un dispositif à trois dimensions
Le projet de loi prévoit que le contrat de génération a pour objectif de faciliter l’intégration des jeunes dans l’emploi par leur accès à un contrat à durée indéterminée, de favoriser l’embauche et le maintien en emploi des salariés âgés et d’assurer la transmission des savoirs et des compétences. Il est mis en œuvre, en fonction de la taille des entreprises.
Déploiement en fonction de la taille des entreprises
Pénalité pour les entreprises de 300 salariés et plus
Les entreprises employant au moins 300 salariés ou appartenant à un groupe dont l’effectif comprend au moins 300 salariés, ainsi que les établissements publics à caractère industriel et commercial dont l’effectif comprend au moins 300 salariés devraient négocier et conclure un accord collectif relatif au contrat de génération. A défaut d’accord, attesté par un procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de délégué syndical, l’employeur devrait élaborer un plan d’action relatif au contrat de génération.
Les entreprises qui ne se conformeraient pas à cette obligation s’exposent à une pénalité dont le montant est plafonné à 10% de la réduction des cotisations sociales sur les salaires inférieurs à 1,6 fois le Smic (réduction dite Fillon, voir article L. 241-13 du code de la sécurité sociale) ou, lorsqu’il s’agit d’un montant plus élevé, à 1% de la masse salariale.
Incitation financière pour les entreprises de moins de 300 salariés
Les entreprises dont l’effectif est inférieur à 300 salariés pourraient bénéficier d’une aide financière, dès lors, qu’elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :
- elles embauchent en contrat à durée indéterminée, et maintiennent dans l’emploi pendant la durée de l’aide, un jeune âgé de moins de 26 ans ou un jeune âgé de moins de 30 ans reconnu dans sa qualité de travailleur handicapé ;
- elles maintiennent dans l’emploi, pendant la durée de l’aide ou jusqu’à son départ en retraite :
- un salarié âgé de 57 ans ou plus ;
- ou un salarié âgé d’au moins 55 ans au moment de son recrutement ;
- ou un salarié âgé d’au moins 55 ans reconnu dans sa qualité de travailleur handicapé.
Les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 299 salariés doivent, en outre, pour bénéficier de l’aide financière, être couvertes par un accord collectif d’entreprise ou de groupe relatif au contrat de génération. A défaut d’accord, attesté par un procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de délégué syndical, elles doivent se doter d’un plan d’action relatif au contrat de génération.
A défaut d’accord collectif ou de plan d’action, les entreprises doivent être couvertes par un accord de branche étendu relatif au contrat de génération.
Le projet de loi prévoit que l’aide ne pourrait être accordée lorsque l'entreprise a procédé, dans les six mois précédents, à un licenciement économique sur le poste pour lequel est prévue l'embauche, ni lorsque l'entreprise n'est pas à jour de ses obligations déclaratives et de paiement à l'égard des organismes de recouvrement des cotisations et des contributions de sécurité sociale ou d'assurance chômage.
Le licenciement d’un salarié âgé de 57 ans et plus ou d’un salarié âgé de 55 ans et plus reconnu dans la qualité de travailleur handicapé entraînerait la perte de l’aide financière.
Contenu des accords et plans d’action
Les entreprises concernées devraient, préalablement à la négociation, réaliser un diagnostic portant sur la situation de l’emploi des jeunes et des salariés âgés. Ce diagnostic devrait être, par la suite, être joint à l’accord ou, le cas échéant, au plan d’action.
Les accords d’entreprise, de groupe ou de branche et les plans d’action, dont la durée serait au maximum de trois ans, devraient comporter :
- des engagements en faveur de l’insertion durable des jeunes, de l’emploi des salariés âgés et de la transmission des savoirs et des compétences. Ces engagements relèvent de domaines d’action auxquels sont associés des objectifs et, le cas échéant, des indicateurs chiffrés, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État ;
- le calendrier prévisionnel de mise en œuvre des engagements pris, ainsi que les modalités de suivi et d’évaluation de leur réalisation ;
- les modalités de publicité de l’accord, notamment auprès des salariés.
L’accord de branche comporterait, en outre, des engagements visant à aider les petites et moyennes entreprises à mettre en œuvre une gestion active des âges.
Par ailleurs, l’accord collectif d’entreprise, de groupe ou de branche prendrait en compte les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et de mixité des emplois.
L’administration, partie prenante du dispositif "contrat de génération"
Le rôle de l’autorité administrative compétente consisterait, d’une part, à contrôler la conformité aux dispositions légales de l’accord d’entreprise ou de groupe, ou le plan d’action relatif au contrat de génération, et le diagnostic annexé, d’autre part, lorsqu’elle constaterait qu’une entreprise de 300 salariés et plus n’est pas couverte par un accord collectif ou un plan d’action, ou est couverte par un accord ou un plan d’action non conforme aux dispositions légales, elle met en demeure l’entreprise concernée de régulariser sa situation.
En cas d’absence de régularisation par l’entreprise (de 300 salariés et plus), l’autorité administrative fixe le montant de la pénalité financière en fonction des efforts constatés pour établir un accord collectif ou un plan d’action conformes aux dispositions légales et de la situation économique et financière de l’entreprise.
S’agissant des accords de branche, leur conformité aux dispositions légales serait examinée à l’occasion de leur extension.
Par ailleurs, les entreprises de 300 salariés et plus seraient tenues de transmettre chaque année à l’autorité administrative compétente, à compter de la date d’entrée en vigueur de l’accord collectif ou du plan d’action, un document d’évaluation sur la mise en œuvre de l’accord collectif ou du plan d’action, dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État.
A défaut de transmission ou en cas de transmission incomplète, l’entreprise serait mise en demeure de communiquer ce document ou de le compléter.
A défaut d’exécution de la mise en demeure, l’autorité administrative compétente prononcerait une pénalité dont le montant est de 1 500 € par mois de retard de transmission.
A l’instar des entreprises de 300 salariés et plus, les branches couvertes par un accord étendu devraient transmettre au ministre chargé de l’emploi, à son échéance, un document d’évaluation sur la mise en œuvre de l’accord.
Pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 299 salariés, l’aide financière serait accordée après validation par l’autorité administrative compétente de l’accord collectif ou du plan d’action, pour les embauches réalisées à compter de la date de la conclusion de cet accord ou de l’établissement de ce plan d’action. Pour ces mêmes entreprises couvertes par un accord de branche étendu, elle serait accordée pour les embauches réalisées après la transmission à l’autorité administrative compétente d’un diagnostic portant sur la situation de l’emploi des jeunes et des salariés âgés dans l’entreprise dont le contenu sera précisé par décret.
Gestion des âges
Le dispositif « contrat de génération » à venir se veut « une opportunité innovante d’adopter durablement une gestion dynamique et active de tous les âges »[2]. Que recouvre le vocable « gestion des âges » ? A qui s’adresse la gestion des âges ? Aux jeunes ? Aux seniors ? Aux âges intermédiaires ?
Le concept[3] de gestion des âges regroupe, d’après Madame Régine Monti, deux phénomènes : « la gestion des âges ex ante » et « la gestion des âges ex post ». La première dimension du concept « concerne les décisions et les actions qui concourent à façonner les structures par âge des entreprises sur le plan quantitatif et qualitatif, comme le choix de l’âge des personnes recrutées, la sélectivité de la formation sur des critères d’âge ou l'éviction des salariés les plus âgés, etc. »[4]. La seconde recouvre « l'ensemble des mesures que les entreprises sont amenées à prendre face à une pyramide des âges donnée, comme la gestion de la deuxième carrière, la gestion des salariés âgés, etc. »[5].
Le vocable « gestion des âges » reste relativement étranger au code du travail[6], qui ne le définit pas, mais pas les leviers qui peuvent y être mobilisés (ex. dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, dispositifs d’aménagement des fins de carrière»). D’ailleurs, le concept de gestion des âges ne s’inscrit pas, en tout cas pas toujours, dans une démarche de maintien dans l’emploi. En effet, il fut un temps où la préretraite était considérée comme un levier de gestion des âges dans les entreprises[7]. Donc, en fonction de la politique RH de l’entreprise, la gestion des âges peut être inclusive mais aussi exclusive (on parle à cet égard de la gestion par l’âge).
Quoi qu’il en soit, le vocable gestion des âges serait, si le projet de loi est adopté en l’état, mentionné deux fois dans le code du travail. D’abord, le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail s’intitulerait « Aides au maintien et à la sauvegarde de l’emploi, et à la gestion des âges ».
Ensuite, les accords de branches relatifs au contrat de génération comporteraient, aux termes du futur article L. 5121-11 du code du travail, « des engagements visant à aider les petites et moyennes entreprises à mettre en œuvre une gestion active des âges ».
L’accord GPEC peut valoir accord "contrat de génération"
Partant du postulat que l’anticipation du « renouvellement des compétences est une nécessité économique et sociale»[8], le projet de loi relatif au contrat de génération prévoit que la négociation triennale sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les branches et les entreprises d’au moins 300 salariés peut également porter sur le contrat de génération. Dans ce cas, l’accord GPEC pourrait valoir accord "contrat de génération", si le cadre juridique définissant ce dernier est respecté.
Le projet de loi sur le contrat de génération sera le premier à être examiné à l’Assemblée Nationale en janvier. Après examen au Sénat, il devrait être voté et entrer en application très rapidement, avant la fin du premier trimestre 2013.
[1]Etude d’impact relatif au projet de loi portant création du contrat de génération, 11 décembre 2012, p.2.
[2] Etude d’impact relatif au projet de loi portant création du contrat de génération, 11 décembre 2012, p.2.
[3] Régine Monti, « La gestion prospective des âges », Travaux et recherches de prospective n° 23, novembre 2004, p. 12.
[6] Il semble que seul l’article D5121-8 le mentionne explicitement, sauf à considérer, eu égard à la définition de ce concept, que le code du travail incite implicitement, à travers notamment les dispositifs GPEC, les employeurs à faire de la gestion des âges.