Plan d'urgence contre le stress au travail : le ministre du travail dresse un premier bilan devant le Conseil d'orientation sur les conditions de travail - le 24 février 2010.

Conditions du travail

- Auteur(e) : Hakim EL FATTAH

Il y a cinq mois, le 9 octobre dernier, j’ai réuni ce Comité d’Orientation sur les Conditions de Travail (COCT) pour lancer le plan d’urgence sur la prévention du stress professionnel. J’ai décidé de lancer ce plan pour endiguer la vague de suicides dans certaines entreprises comme France Télécom, et plus largement pour inciter chacun à prendre ses responsabilités sur ce sujet essentiel, dans la ligne de l’Accord national interprofessionnel de 2008 signé par les partenaires sociaux.

Comme cela était prévu, nous allons dresser aujourd’hui un premier bilan de ce plan pour étudier les suites à lui donner. Il a vocation à s’intégrer au deuxième Plan de santé au travail 2010-2014 qui vise en particulier, comme nous l’avons établi ensemble lors du précédent COCT le 15 janvier dernier, à faire progresser dans les faits la prévention des risques psychosociaux en milieu professionnel. Je souhaite que tous les acteurs de l’entreprise aient conscience de cette priorité qui participe de la politique de revalorisation du travail voulue par le Président de la République.

C’est la raison pour laquelle j’ai lancé en septembre le Réseau francophone de formation en santé au travail avec le soutien du conservatoire national des arts et métiers (CNAM).

Je voudrais saluer le Professeur William Dab qui en est l’un des inspirateurs. J’ai tenu à ce qu’il vous présente l’état d’avancement de ce réseau dont j’ai présidé le comité directeur la semaine dernière, car j’estime nécessaire que vous puissiez être associés à ce volet important de notre action.

La mission de ce réseau, former les managers et ingénieurs en santé au travail, répond, ne serait-ce que partiellement, à plusieurs propositions du rapport Lachman, Larose et Pénicaud remis au Premier ministre sur le bien-être et l’efficacité au travail. Ce rapport rappelle que la prévention du stress est un facteur de performance et préconise de prendre en compte cet enjeu au plus haut niveau de l’entreprise. Je tiens à saluer deux des rapporteurs ici présents, Messieurs Henri Lachmann et Christian Larose, qui vont vous présenter leurs travaux.

Leur éclairage nous sera très utile pour affiner nos priorités.

Venons en maintenant à ce plan d’urgence, dont la mesure phare concernait les 1500 entreprises de plus de 1000 salariés.

Comme vous vous en souvenez, je leur avais demandé d’engager des négociations, un diagnostic et/ou un plan d’action sur le stress au plus tard d’ici février 2010. J’avais annoncé que ce bilan serait rendu public sur internet, sur le site www.travailler-mieux.gouv.fr de mon ministère.

Sans doute certains pensaient-ils que nous n’oserions pas aller jusque là.

Nous l’avons fait. Nous avons mis en ligne la liste des entreprises concernées et leur état d’avancement respectif dans la mise en oeuvre de ces objectifs, comme nous l’avions dit depuis cinq mois.

Le premier enseignement que nous pouvons en tirer d’emblée, c’est l’intérêt manifeste de nos concitoyens pour ce sujet : j’en veux pour preuve les 125 000 connections au site « travailler mieux » pour 1,2 millions de pages vues dans la seule journée du 18 février.

Nous avons constaté aussi l’émoi que cette mise en ligne a suscité auprès de certaines organisations professionnelles et entreprises qui se trouvaient dans le rouge, tandis que d’autres, à l’inverse, se félicitaient d’obtenir un feu vert. Au regard de l’atonie dans laquelle était resté ce sujet dans les entreprises après la signature de l’accord interprofessionnel de 2008, ces réactions montrent que notre méthode a porté ses fruits.

Car il faut savoir ce que l’on veut. Dès lors que nous avions décidé d’agir, et non d’attendre que la situation empire, quelle était l’alternative ? Nous aurions pu choisir, de façon classique, de renforcer la réglementation et d’ajouter encore de nouvelles dispositions dans le code du travail ou d’accentuer les sanctions financières. Que n’aurions-nous pas entendu ! Nous avons préféré faire confiance à la responsabilité sociale des entreprises, mobiliser les outils existants et miser sur la transparence, en rendant publiques des informations que les entreprises nous ont données volontairement.

Nul n’a été pris en traître car les règles étaient connues dès le départ. Le ministre du Travail n’est pas un instituteur qui distribue des bons et des mauvais points pour distinguer les brillants élèves et punir les autres. Il ne s’agit pas d’émettre un jugement de valeur mais de faire avancer les choses de façon pragmatique.

C’est pourquoi il n’y a ni bonnet d’âne, ni félicitations du jury qui tiennent. Le positionnement en vert résulte d’informations factuelles données par les entreprises et ne constitue en aucune manière un label social. Je sais combien il serait naïf et même dangereux de nourrir de telles illusions. Comme dans d’autres domaines de la prévention, tous les efforts mis en oeuvre n’empêchent pas un accident de survenir à un moment donné. Je veux donc rappeler que la mobilisation comme la vigilance restent de mise même pour des entreprises classées en vert.

Si une entreprise a obtenu ce feu vert, c’est qu’elle a mis en place un accord ou un plan d’action qui a fait l’objet de concertations avec les représentants du personnel. C’est donc aux acteurs de l’entreprise de veiller à la qualité de ces accords ou de ces plans d’actions et j’insiste sur votre rôle en ce domaine. S’il y a des négociations en cours, à vous d’être réactifs et de faire la part du travail qui vous revient.

Après cet « arrêt sur image » jeudi dernier, le site montre désormais la seule liste des entreprises classées en vert. C’est tout l’intérêt d’un site évolutif. Les entreprises ont joué le jeu jusqu’à présent mais certaines n’ont pas eu ou pas pris le temps d’aborder ce sujet complexe. Le contexte de crise a pu conduire une partie d’entre elles à en sous estimer l’urgence. Nous leur laissons donc le temps de retravailler sur ce sujet et de prendre rapidement les mesures nécessaires. Nous publierons intégralement le moment venu une nouvelle photo qui montrera les avancées des unes et des autres. Cela nous permettra de poursuivre ce chantier avec efficacité et sérénité.

Je suis convaincu en effet que dans les semaines qui viennent le positionnement en « creux » des entreprises qui ne font pas partie de la liste verte aura sur ces dernières un effet d’entraînement, qu’elles se soient déjà engagées dans la démarche ou qu’elles soient restées en dehors.

C’est l’ensemble de ces entreprises que j’ai demandé à la cellule stress de la DGT et aux DIRECCTE de recontacter en priorité. Mes services procèderont à une mise à jour de la liste au fil du temps sur la base des données fournies par les entreprises.

Il serait faux de croire, comme j’ai pu l’entendre ici ou là, que nous laissons les PME et TPE à l’écart de notre action. Les séminaires régionaux que nous avons organisés sur l’ensemble du territoire pour accompagner les entreprises dans leur démarche de prévention les concernaient au même titre que les grandes entreprises.

Dans chaque région, nous avons fait en sorte d’ouvrir un débat, auquel les partenaires sociaux ont été conviés, sur différents sujets, le stress, les restructurations, la conciliation vie familiale-vie professionnelle.

Près de 5500 personnes ont participé à l’un des 22 séminaires qui se sont tenus en moins de six semaines avec les grands réseaux de préventeurs du deuxième Plan santé au travail : l’ANACT, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) pour la branche AT-MP, les services de santé au travail. Ces réunions ont contribué à un réel sursaut de mobilisation sur ce sujet dans notre pays, dont attestent tous les spécialistes de ces questions.

J’ajoute que le site « travailler mieux » contient des outils pratiques à destination de toutes les entreprises et que le deuxième plan santé au travail comporte un volet spécialement consacré aux PME.

J’ai noté par ailleurs dans le rapport Lachman, Larose et Pénicaud des expériences intéressantes, en particulier dans le secteur agricole, ce qui prouve que l’on peut prendre des initiatives intéressantes aussi dans les petites structures.

Nous verrons en outre cette année l’aboutissement du travail d’expertise collective piloté par l’INSEE pour disposer d’un indicateur national sur le stress, ce qui répond à l’une des propositions du rapport Nasse-Légeron.

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Mesdames et Messieurs,

Nous avons mis en oeuvre une méthode innovante dont notre culture latine n’est pas familière mais qui a mis l’ensemble des acteurs en mouvement, à droit constant je le rappelle. J’ai eu l’occasion d’échanger avec des ministres d’autres pays qui m’ont fait part de leur intérêt pour cette stratégie. Tout l’intérêt de cette liste est de susciter une émulation, un encouragement mutuel à agir. Je souhaite que cela soit le point de départ d’une dynamique vertueuse pour améliorer concrètement la prévention des risques psychosociaux dans le monde du travail et je compte sur vous pour y contribuer.

Je vous remercie.