Nullité du licenciement pour inaptitude due à un harcèlement : la réintégration du salarié est de droit

Emploi
Gestion de l'emploi

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Dans un arrêt rendu le 19 avril 2023, la Cour de cassation clarifie l’étendue du droit à réintégration du salarié dont le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement a été jugé nul. Selon la Cour, l’existence d’un harcèlement moral étant à l’origine de cette inaptitude (et ayant conduit à la nullité du licenciement), ne prive pas le salarié de son droit à être réintégré dans l’emploi précédemment occupé ou dans un emploi équivalent.

Pour rappel :

Selon l’article L. 1152-1 du Code du travail : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Ainsi, l’article L. 1152-3 du Code du travail dispose que : « Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ».

En outre, selon l’article L. 1226-2 du même code : « Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ».

Enfin, suivant l’article L. 1235-3-1 du Code du travail : « L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13 ».

[…]

En l’espèce, un salarié engagé en qualité d'ingénieur commercial avait saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre d’un harcèlement moral. Moins de 12 mois plus tard, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Estimant que le harcèlement moral se trouve à l’origine de son inaptitude, le salarié a demandé l’annulation de son licenciement, sa réintégration et le paiement d’une indemnité d’éviction.

Les juges d’appel ont donné droit à sa demande. Ils retiennent tout d’abord que le fait d’avoir subi un harcèlement moral ne constitue pas une impossibilité matérielle permettant à l’employeur de s’exonérer de son obligation de réintégration. De même, ils remarquent que le jour où ils statuent, l’impossibilité de réintégration n’est pas caractérisée par une inaptitude, laquelle avait été constatée près de 4 ans plus tôt.

L’employeur se pourvoit en cassation en relevant qu’une impossibilité de réintégration est nécessairement caractérisée lorsque le licenciement pour inaptitude est déclaré nul en raison de l’imputabilité à un harcèlement moral.

La Cour de cassation suit pourtant le raisonnement de la cour d’appel. Tout d’abord, elle rappelle que « lorsque le licenciement est nul, le salarié doit être, s’il le demande, réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent, demande à laquelle l’employeur est tenu de faire droit sauf s’il justifie d’une impossibilité de procéder à cette réintégration ». Dans la même lignée que l’arrêt de la cour d’appel, la Haute juridiction relève que « l’existence du harcèlement moral à l’origine de l’inaptitude du salarié ayant conduit à la nullité du licenciement ne constitue pas une impossibilité de réintégration ». D’autant plus que, cette inaptitude avait été constatée plusieurs années avant que la cour d’appel statue, l’état de santé du salarié pouvant avoir évolué. In fine, elle en déduit que l’employeur devait apporter d’autres éléments qui justifieraient une impossibilité matérielle de réintégration.

 Cass., Soc., 19 avril 2023, Pourvoi nº 21-25.221