La dissimulation d’une relation amoureuse par un salarié avec un(e) collègue de travail est-elle de nature à justifier un licenciement disciplinaire ? C’est la question à laquelle la Cour de Cassation a été invitée à répondre par un arrêt rendu le 29 mai 2024.
En l’espèce, un salarié engagé en qualité de responsable de site, chargé de la gestion des ressources humaines et des institutions représentatives du personnel, a été licencié pour faute grave. Au fondement de ce licenciement se trouve la décision du salarié de ne pas informer son employeur de la relation amoureuse que ce premier entretenait avec une de ses collègues de travail qui était titulaire de mandats syndicaux et de représentation du personnel dans l'entreprise. Selon la lettre de licenciement, ce fait place le salarié dans une situation de conflit d’intérêts et constitue un manquement à l’obligation de loyauté découlant du contrat de travail.
Le salarié saisit le juges prud’homaux d’une demande en annulation de son licenciement et en contestation du bien fondé de la rupture de son contrat de travail ainsi qu'en paiement de diverses sommes. Il soutient que cette circonstance relevait de la plus stricte intimité de sa vie privée et ne peut pas constituer une méconnaissance des obligations découlant du contrat de travail. Par ailleurs, selon lui, l’entreprise ne démontre pas la survenance d’un quelconque préjudice.
Pourtant, la cour d’appel le déboute de ses demandes. Elle retient que l'absence d'information donnée par le salarié sur sa relation avec sa collègue, caractérise un manquement à obligation née du contrat de travail et a fortiori une faute grave. Le salarié se pourvoit donc en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel. Tout en rappelant le principe jurisprudentiel selon lequel « un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail », la Cour retient :
- Une dissimulation fautive au regard de l’obligation de loyauté
Pour la Cour de cassation, c’est la présence d’un conflit d’intérêts qui intéresse la sphère professionnelle. En effet, la Cour s’attarde sur le fait que les salariés en couple, compte tenu de leurs fonctions en tant que représentant de la direction et représentant du personnel respectivement « avaient participé conjointement à diverses réunions, y compris sur des sujets sensibles ». La Cour note par ailleurs que la campagne du salarié s’était investie dans des mouvements de grève et d’occupation d’un des établissements de l’entreprise. Au regard de ces aspects, cette relation ne pouvait pas constituer un strict élément de la vie privée. C’est donc la dissimulation par le salarié de cette relation intime « en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice » qui établit un manquement à l’obligation de loyauté.
- Pas besoin de justifier d’un préjudice pour se prévaloir du manquement à l’obligation de loyauté du salarié
Selon la Haute juridiction, le manquement du salarié à son obligation de loyauté « rendait impossible son maintien dans l'entreprise, peu important qu'un préjudice pour l'employeur ou pour l'entreprise soit ou non établi ».
Cass., Soc., Pourvoi nº 22-16.218