Mise à la retraite d’office : l’argument tiré de la préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs est à manier avec prudence

Conditions du travail

- Auteur(e) : Hakim EL FATTAH

Cass. soc. 9 mars 2016 n°14-25840

 

Un ancien agent d'EDF qui a été mis à la retraite d'office au lendemain de ses 55 ans a saisi les prud'hommes afin d'obtenir des dommages-intérêts en considérant la rupture de son contrat de travail comme étant nulle car elle aurait été, selon lui, prononcée au mépris du principe de non-discrimination à raison de l'âge. Cette mise à la retraite lui avait été notifiée alors qu’il ne pouvait pas encore bénéficier d'une pension de retraite au taux maximal, la société EDF ne lui avait pas remis non plus le formulaire ASSEDIC lui permettant une indemnisation au titre du chômage.

Le Conseil de prud’hommes saisi a jugé que cette mise en inactivité d'office n'était pas discriminatoire et s’est limité à condamner l'employeur au paiement de la somme de 10 273,95 euros pour non remise de l'attestation ASSEDIC. Ce jugement a été confirmé en appel, les juges du fond ont estimé que « l'employeur a mis en œuvre la mesure de départ à la retraite anticipée afin de satisfaire à l'objectif de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs occupant les fonctions physiquement les plus pénibles, ce qui constitue le moyen approprié prévu par l'article L.1133-1 du code du travail, étant observé que cette mesure n'a généré aucun préjudice financier au salarié qui perçoit le taux maximal de 75 % de pension de retraite ».

Mais ces arguments n’emportent pas la conviction de la Cour de cassation qui casse, sur le fondement des dispositions du droit communautaire relative à l’égalité de traitement en matière d’emploi[1], l’arrêt de la cour d’appel. En effet, dans un arrêt rendu le 9 mars 2016, la Haute juridiction relève d’une part que celle-ci avait elle-même constaté « que le salarié occupait depuis au moins cinq ans un poste administratif et que son médecin traitant l’avait déclaré en mesure de poursuivre une activité professionnelle » et d’autre part qu’elle n’a pas recherché « si la mise en inactivité était un moyen approprié et nécessaire ». Les juges du fond s’étaient, semble-t-il, contentés de reprendre à leur compte l’argumentation de l’employeur sans en vérifier la pertinence.

 

 

[1] La directive 2000-78 prévoit que « les Etats membres [de l’Union européenne] peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires »