L’octroi d’un jour férié aux seuls membres d’un culte minoritaire est une discrimination directe fondée sur la religion : CJUE grande Chambre 22 janvier 2019

Non-discrimination

- Auteur(e) : Khalida BENZIDOUN

Le 22 janvier 2019, la CJUE réunie en Grande Chambre a rendu un arrêt dans lequel elle affirme qu’il n’est pas possible d’octroyer un jour férié supplémentaire aux seuls membres d’une congrégation religieuse minoritaire sans que cela ne soit constitutif d’une discrimination directe non justifiée au sens de la Directive n°2000/78/CE portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

LES FAITS :

Les faits se déroulement en Autriche où la législation confère au Vendredi Saint le statut de jour férié supplémentaire. Il est accordé aux seuls salariés de l’Eglise protestante (culte minoritaire parmi les 15 cultes reconnus par la législation autrichienne.

Dès lors, si un salarié appartenant à cette confession travaille le Vendredi Saint, il bénéficiera d’une rémunération doublée alors que ceux étant de confession différente n’auront aucune rémunération supplémentaire.

Monsieur Markus ACHATZI, salarié de l’entreprise CRESCO INVESTIGATION Gmbh qui est une agence de détective privés, saisit les juridictions autrichiennes au motif que la législation visée comporte une discrimination directe en raison de l’appartenance religieuse.

En effet, il affirme ne pas bénéficier de rémunération complémentaire pour le travail le Vendredi Saint car il n’est membre d’aucune congrégation religieuse.

Il sollicite ainsi le bénéficie de la compensation financière pour le travail du Vendredi Saint.

LA PROCEDURE :

N’ayant pas obtenu gain de cause devant les juges de premières instance, le demandeur saisit alors la Cour Suprême autrichienne.

En outre, cette dernière saisit la CJUE d’une question préjudicielle qui se décompose en deux étapes :

-   L’octroi d’un jour férié supplémentaire aux seuls membres d’un culte minoritaire constitue-t-il une discrimination directe au sens de la Directive du 27 novembre 2000 ?

-    Cette discrimination peut-elle être justifiée au sens de cette même Directive ?

LA SOLUTION :

Pour la CJUE, réunie en Grande Chambre, énonce que la législation autrichienne a pour effet de créer une discrimination directe liée à l’appartenance religieuse, non justifiée au sens de la Directive du 27 novembre 2000

LA MOTIVATION :

La motivation de la Grande chambre de la CJUE se décompose en 5 points :

1.  «La législation en cause au principal instaure une différence de traitement qui est directement fondée sur la religion des travailleurs. Il convient dès lors d’examiner si une telle différence de traitement concerne des catégories de travailleurs se trouvant dans des situations comparables.

2.    Or l’octroi d’un jour férié le Vendredi saint à un travailleur membre de l’une des églises n’est pas soumis à la condition de l’accomplissement, d’une obligation religieuse déterminée au cours de cette journée, mais est soumis uniquement à l’appartenance formelle dudit travailleur à l’une de ces églises. Il s’ensuit que la législation nationale a pour effet de traiter différemment, en fonction de la religion, des situations comparables.

3.  La directive 2000/78, celle-ci ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui sont nécessaires à (…) la protection des droits et des libertés d’autrui ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

4.   La directive 2000/78 autorise des mesures qui, tout en étant discriminatoires selon leurs apparences, visent effectivement à éliminer ou à réduire les inégalités de fait pouvant exister dans la vie sociale ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque les travailleurs appartenant à d’autres religions, dont les fêtes importantes ne coïncident pas avec les jours fériés prévus par la législation nationale ne peuvent, en principe, s’absenter de leur travail pour accomplir les rites religieux afférents à ces fêtes qu’en vertu d’une autorisation accordée par leur employeur dans le cadre du devoir de sollicitude.

5.    Le juge national est tenu d’écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par le législateur, et d’appliquer aux membres du groupe défavorisé le même régime que celui dont bénéficient les personnes de l’autre catégorie ».

Vous trouverez ci-après l’arrêt de la CJUE dans son intégralité.