L’IGAS met en évidence les insuffisances du dispositif de la pénalité prévue en matière d’égalité professionnelle

Égalité dans le travail
Égalité professionnelle F/H

- Auteur(e) : Hakim El Fattah

Si les vertus de la négociation collective ne sont plus à démontrer : appropriation des sujets et des enjeux par les acteurs, leur meilleure connaissance des problématiques, réponses plus adéquates et mieux ciblées …, il n’est pas avéré que cette voie d’élaboration des normes sociales soit, toujours, privilégiée par les acteurs économiques et sociaux.

C’est pourquoi, dans le cas de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (à l’instar de ce qu’est prévu, avec quelques différences, pour l’emploi des salariés seniors et pour la pénibilité au travail), la loi portant réforme des retraites de 2010 prévoit l’obligation pour les entreprises de 50 salariés et plus de conclure un accord ou, à défaut, d’élaborer un plan d’action prévoyant des mesures et leviers de correction des inégalités existantes. Depuis le 1er janvier 2012,  les entreprises ne respectant pas cette obligation risquent une sanction financière qui peut être au maximum égale à 1% de la masse salariale

Quel est l’impact de ce mécanisme de sanction sur la production normative? Sollicitée par la ministre des droits des femmes et le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pour réaliser une mission d’évaluation du dispositif de sanction ainsi mis en place, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a rendu une note d’étape en mois de septembre.

En effet, les investigations menées par l’IGAS révèlent un certain nombre de « défauts de conceptions » du dispositif qui réduisent son efficacité :

  • les entreprises ont l’obligation formelle d’être couvertes par un accord ou un plan d’action en matière d’égalité professionnelle, mais non d’améliorer leurs résultats ;
  • si l’article 99 de la loi prévoit que les entreprises doivent être couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle « ou, à défaut, d’accord, par les objectifs et les mesures constituant un plan d’action », la rédaction des textes d’application ne permet pas de faire primer effectivement la négociation d’un accord d’entreprise sur l’adoption d’un plan unilatéral par l’employeur. L’obligation par exemple de produire un procès-verbal de désaccord à l’appui du plan d’action ne figure ni dans le décret, ni dans la circulaire. Alors même que la négociation est plus à même de favoriser l’appropriation d’un sujet par l’ensemble des acteurs, la priorité donnée à l’accord collectif a été interprétée a minima par les textes ;
  • le suivi des actions menées par les entreprises ne peut pas être exhaustif : les accords d’entreprise sont centralisés par les unités territoriales des DIRECCTE, mais non les plans d’action, qui sont soit adressés à l’inspecteur du travail pour les entreprises de 300 salariés et plus, soit tenus à sa disposition pour celles de moins de 300 salariés. L’administration n’a donc pas de vision exhaustive des actions menées par les entreprises ;
  • la procédure de contrôle est entourée de fortes incertitudes. La stratégie de contrôle est ambiguë en ce qui concerne à la fois la fréquence des contrôles et leurs modalités. Le nouveau dispositif côtoie deux autres dispositifs de sanction financière (1% seniors et 1% pénibilité) dont les modalités de fonctionnement ne se recoupent pas entièrement, ce qui pose la question de leur articulation et de leur lisibilité pour les entreprises comme pour les agents de contrôle ;
  • le dispositif de contrôle apparaît juridiquement fragile s’agissant des accords ou plans d’action existants mais incomplets ou non conformes : si le décret prévoit qu’une mise en demeure s’applique en cas d’absence de plan ou d’accord, la circulaire évoque pour sa part la possibilité de mettre en demeure une entreprise ne respectant pas les « exigences de fond » fixées par le décret (présence de domaines d’action requis, d’objectifs de progression, d’action d’amélioration et d’indicateurs chiffrés), donnant ainsi une interprétation extensive des dispositions de la loi et du décret ;
  • la conjonction d’une possibilité de sanction uniquement en cas de contrôle et d’un délai de mise en demeure de 6 mois fait peser le risque d’un certain attentisme de la part des entreprises.

A partir des investigations conduites dans trois régions, l’IGAS indique que la mise en œuvre du dispositif présentait de très fortes disparités, du fait d’un pilotage insuffisant :

  • Au niveau national, en raison notamment d’une volonté politique de ne pas précipiter les contrôles au premier semestre 2012 et de conserver à la sanction financière une fonction dissuasive, le dispositif de pénalité a été présenté aux DIRECCTE et à l’inspection du travail comme un ultime recours, et la réalisation de contrôles sur le thème de l’égalité professionnelle n’a pas été décrite comme une priorité ;
  • Des ambiguïtés demeurent pour les services, s’agissant principalement de la nécessité de demander un procès verbal de désaccord à l’appui du plan d’action et des modalités concrètes d’application du contrôle ;
  • Les outils de pilotage apparaissent insuffisants : la DGT n’a pas établi la liste des entreprises concernées et le suivi des mises en demeure est incertain faute de remontées fiables.      

Pour améliorer le dispositif, l’IGAS préconise de :

  • identifier clairement les priorités d’application du dispositif de pénalité financière : priorité de couverture rapide d’un maximum d’entreprises ou recherche de qualité immédiate des accords et plans d’action : contrôle généralisé sur pièces ou contrôle par exception sur place ;  
  • apporter une assistance aux DIRECCTE pour la confection de la liste des entreprises assujetties à l’obligation de l’article L. 2242-5-1 (couverture au 1er janvier 2012 par un accord d’entreprise, et, à défaut, par un plan d’action) dans la région ;          
  • mettre à jour l’application D@CCORD pour permettre le recensement des accords et plans d’action égalité professionnelle, et proposer aux DIRECCTE un modèle de fichier EXCEL pour réaliser le suivi du dispositif pendant sa montée en charge ;
  • donner au réseau d’inspection du travail des indications sur les conditions d’application de la mise en demeure. Demander une analyse détaillée à la DGT permettant de s’assurer de la solidarité juridique des procédures de sanction engagée dans le cas d’accords ou de plans existants mais ne répondant que partiellement aux obligations de contenu prévues par le décret ;
  • préciser dans la circulaire ministérielle la procédure d’instruction de la pénalité financière, et en particulier proposer aux DIRECCTE une grille d’analyse leur permettant de disposer de lignes directrices quant à la modulation de son taux ;
  • confier aux DIRECCTE un rôle d’instruction préalable sur pièces des accords et plans d’action en matière d’égalité professionnelle, afin de préparer le travail de contrôle des sections d’inspection.   

 

Source : Les Echos