Licenciement pour dénonciation d’un harcèlement moral : le salarié qui n’a pas expressément qualifié les faits comme tel est protégé

Qualité de vie au travail
Conditions du travail

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Dans un arrêt rendu le 19 avril 2023, la Cour de Cassation revient sur sa jurisprudence concernant l’étendue de la protection accordée à un salarié qui dénonce des faits s’apparentant à du harcèlement moral[1]. Désormais, la Cour insiste sur le caractère évident de cette dénonciation, « peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral ».

Pour rappel :

Selon l’article L1152-2 du Code du travail : « Aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l'objet des mesures mentionnées à l'article L. 1121-2 ».   

En l’espèce, une salariée engagée en qualité de psychologue, a été licenciée pour faute grave. Dans la lettre de licenciement, l’employeur lui  reproche d’avoir adressé aux  membres du conseil d’administration un courrier au sein duquel elle a « gravement mis en cause l’attitude et les décisions prises par le directeur, tant à son égard que s’agissant du fonctionnement de la structure », et elle a « porté des attaques graves à l’encontre de plusieurs de ses collègues, quant à leur comportement, leur travail, mais encore à l’encontre de la gouvernance » de la société.

La salariée conteste son licenciement devant la juridiction prud'homale et demande le paiement de diverses sommes au titre du harcèlement moral, de la violation de l'obligation de sécurité et de la rupture du contrat de travail. La cour d’appel donne droit à sa demande, en relevant que la formulation de la lettre de licenciement l’autorisait « à revendiquer le bénéfice des dispositions protectrices de l'article L. 1152-2 du Code du travail ».  La cour d’appel retient en outre que « le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation d'agissements de harcèlement moral par la salariée dont la mauvaise foi n'est pas démontrée emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement ».

L’employeur se pourvoit en cassation. Il soutient que les dispositions protectrices de l’article L. 1152-2 du Code du travail portant immunité en matière de licenciement s’appliquent à condition que la salariée ait qualifié les agissements visés de harcèlement moral. Or, celle dernière n’a à aucun moment dans sa lettre qualifié les faits comme tel. De même, la lettre de licenciement ne reprochait pas à la salariée d’avoir dénoncé des faits de harcèlement moral.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Selon la Haute juridiction, la salariée, dans la lettre adressée à la direction, avait illustré plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, « de sorte que l'employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par cette lettre, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral ».

Cass., Soc., Pourvoi n° 21-21.053

 

 

 

 

[1] La Cour de cassation, dans un arrêt du 13 septembre 2017, a jugé que le salarié qui dénonçait des faits constitutifs de harcèlement moral, devait les qualifier comme tel pour bénéficier de la protection posée par l’article L. 1152-2 du Code du travail (Cass., Soc., pourvoi n°15-23045).