Licenciement économique : l’absence de cause réelle et sérieuse pourrait laisser présumer l’existence d’une discrimination

Emploi
Gestion de l'emploi

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Si la situation économique constitue un motif objectif de licenciement étranger à toute discrimination, tel ne sera pas le cas lorsque celle-ci n’est pas susceptible d’établir une cause économique de licenciement. C’est ainsi que juge la Cour de Cassation, dans un arrêt rendu le 10 juillet 2024.

Pour rappel :

Selon l’article L1134-1 du Code du travail :

« Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. 

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. 

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

En l’espèce, un salarié, engagé en qualité de directeur administratif et financier, avait été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle pendant plus de deux ans. A son retour, il a été déclaré apte à son poste par le médecin du travail et l’employeur lui a demandé de solder ses jours de congés acquis. Néanmoins, peu après, il a été replace en arrêt maladie pour rechute, puis à la fin licencié pour motif économique (restructuration).

Le salarié a saisi les juges prud’homaux en annulation de son licenciement pour discrimination en raison de son état de santé et subsidiairement en contestation de son bien-fondé. Le salarié soutient que plusieurs éléments permettaient d’établir le caractère discriminatoire de son licenciement, à savoir : l’impossibilité de réintégrer son poste après son retour de l’arrêt maladie puisqu’aucun bureau n'était disponible, le fait qu’il était le seul cadre à avoir été licencié au titre de la restructuration opérée par l'employeur tout comme l’inexistance du motif économique à la date du licenciement au vu des données comptables.

La cour d’appel le déboute pourtant de sa demande de nullité du licenciement pour discrimination. Si, pour la cour, les deux premiers éléments invoqués par le salarié « laissaient supposer l'existence d'une discrimination liée à son état de santé », c’est le contexte économique ayant entraîné une réorganisation pendant l’arrêt maladie du salarié qui justifie la décision de l’employeur par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Pourtant, les juges d’appel jugent le licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque les données comptables sur lesquelles l'employeur s'appuyait, ne permettaient pas d'établir l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement. Cela étant, le salarié se pourvoit en cassation.

La Cour de Cassation censure l’arrêt de la cour d’appel. Si elle ne se prononce pas directement sur le caractère discriminatoire du licenciement en question, elle remet en cause le syllogisme des juges d’appel.

Elle rappelle tout d’abord que « lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui une discrimination, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'une discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'une discrimination et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

Or pour la Haute juridiction, les juges d’appel ont statué « par des motifs impropres à établir que la décision de l'employeur était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination », dès lors qu'ils avaient relevé, « pour déclarer le licenciement injustifié, que le motif économique invoqué n'était pas établi ».  En effet, si le contexte économique n’est pas à même de caractériser une cause économique de licenciement, il ne saurait constituer une justification objective de l’absence de discrimination.

Cass., Soc., Pourvoi no 22-16.805