Les juges affirment qu’une coiffure autorisée pour les hôtesses de l’air doit l’être également pour les stewards

Égalité dans le travail
Égalité professionnelle F/H
Non-discrimination

- Auteur(e) : Altina POTOKU

Pour rappel, certaines entreprises sont dotées de la liberté de se donner (et de donner à voir à leurs clients), l’image qu’elles souhaitent, et prétendent exercer un contrôle sur l’apparence de leurs salariés. En effet, l’employeur peut imposer dans le règlement intérieur, des restrictions concernant l'apparence de ses salariés, mais sous condition que ce dernier justifie celles-ci, en vertu de l’article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, et en appuyant sa décision sur des critères objectifs comme  la sécurité au travail, l’hygiène corporelle ou encore, l’image de l’entreprise et la relation avec les clients. L’employeur par ces restrictions doit s’assurer à ne pas porter atteinte aux libertés fondamentales protégées par la Charte. L’affaire Bermuda (Cass., soc., 28 mai 2003) est une parfaite illustration, car c’est dans cet arrêt que la Cour de cassation a posé le principe selon lequel la liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu de travail n’entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales.

Dans cet arrêt rendu par la chambre sociale de la cour de cassation, le 23 novembre 2022, un salarié embauché par la compagnie aérienne Air France en qualité de steward, s’est présenté coiffé de tresses africaines nouées en chignon à l’embarquement. Toutefois, l’employeur n’a pas autorisé cette coiffure, car il a retenu que la coiffure en question n’était pas permise par le manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant commercial masculin.

Le salarié s’estimant victime de discrimination, a saisi la juridiction prud’homale en demandant la condamnation de l’employeur au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts. La cour d’appel va également débouter le salarié de ses demandes, en écartant toute discrimination. Le salarié contestant la décision de la cour d’appel se pourvoit en cassation.

Les juges de fond retiennent qu’il ressortait du manuel de port de l’uniforme des personnels navigants commerciaux masculin que « les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur des pattes ne dépassant pas la partie médiane de chemise ». Selon les juges de fond, ce manuel n’instaure aucune différence entre cheveux lisses, bouclés ou crépus, et donc aucune différence entre l'origine des salariés et qu'il est reproché au salarié sa coiffure, ce qui est sans rapport avec la nature de ses cheveux. De plus, la cour d’appel avait ajouté que si le port de tresses africaines nouées en chignon est autorisé pour le personnel navigant féminin, l'existence de cette différence d'apparence, admise à une période donnée entre hommes et femmes en termes d'habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage, qui reprend les codes en usage, ne peut être qualifiée de discrimination.

Cependant, les juges de droit n'approuvent pas la position de la cour d’appel. En effet, les juges affirment que les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché.  Or, en l’espèce, l'interdiction faite au salarié de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l'apparence physique en lien avec le sexe.

 

Cour de cassation, Chambre sociale, arrêt du 23 novembre 2022, pourvoi nº 21-14.060