Les conditions d’appréciation de la valorisation des compétences syndicales prévue par accord collectif : Cass. Soc. 9 octobre 2019

Syndicats

- Auteur(e) : Khalida BENZIDOUN

 

Les Faits

Le 28 janvier 2016, le groupe bancaire BPCE et les représentants des organisations syndicales CFDT, UNSA et CFE-CGC ont conclu un accord groupe relatif au parcours professionnel des représentants du personnel.

Cet accord contient notamment des dispositions relatives aux « entretiens d’appréciation des compétences et d’évaluation professionnelle ».

En effet, par le biais de différents outils proposés à la fois par la direction et les organisations syndicales, cet accord prévoit notamment la possibilité pour l’employeur « d’identifier et d’apprécier les compétences pouvant être mobilisées par le représentant du personnel dans l’exercice de son mandat, et d’intégrer cette analyse dans le cadre de sa gestion de carrières et son parcours professionnel ».

La Fédération CGT des syndicats du personnel de la banque et de l’assurance, organisation syndicale non signataire de l’accord, forme alors un recours afin d’obtenir l’annulation de celui-ci

La Procédure

Les juges du fond ont débouté le syndicat de ses demandes. Il décide alors de former un pourvoi en cassation.

Les Moyens au pourvoi

Les demandeurs soutiennent que le dispositif d’évaluation mis en place par l’accord de groupe viole le principe de liberté syndicale et l’article L 2141-5 du Code du travail en vertu duquel : « Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ».

Les moyens du pourvoi s’articulent autour de deux axes principaux :

-         « Les stipulations conventionnelles en cause permettent à l’employeur de prendre en considération l’évaluation qu’il fait de la façon dont le représentant du personnel concerné exerce ses mandats pour arrêter ses décisions en matière de formation, d’avancement et de rémunération;

-         Le dispositif mis en place conduit l’employeur à évaluer la qualité de l’activité syndicale ou élective des représentants du personnel, et leurs besoins en formation dans ce cadre ».

La Solution

La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette l’ensemble des prétentions du syndicat demandeur

La Motivation

La Haute juridiction procède à la validation de l’accord de groupe au regard des éléments de faits et de droit suivants :

-         Elle considère que l’accord collectif litigieux est conforme à l’article 2141-5 du code du travail : ainsi elle affirme que « pour la prise en compte dans son évolution professionnelle de l’expérience acquise par le salarié dans l’exercice de ses mandats représentatifs ou syndicaux, un accord collectif peut prévoir un dispositif, facultatif pour l’intéressé, permettant une appréciation par l’employeur, en association avec l’organisation syndicale, des compétences mises en œuvre dans l’exercice du mandat, susceptible de donner lieu à une offre de formation et dont l’analyse est destinée à être intégrée dans l’évolution de carrière du salarié

-         Elle se prononce ensuite sur la nécessité de mettre en place un référentiel, une grille d’entretien, ayant « un caractère objectif et pertinent » afin de respecter le principe de liberté syndicale. En l’espèce l’accord de groupe respecte ces conditions dans la mesure où « l’élaboration par l’employeur, après négociation avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, d’un référentiel dont l’objet est d’identifier ces compétences ainsi que leur degré d’acquisition dans le but de les intégrer au parcours professionnel du salarié et dont le juge a vérifié le caractère objectif et pertinent, ne porte pas atteinte au principe de la liberté syndicale ».

-         Enfin, la chambre sociale de la Cour de cassation apprécie différent éléments de faits illustrant le caractère collaboratif entre les syndicats signataires et l’employeur dans la détermination des critères de l’entretien et son implémentation. En effet, la Cour affirme que « l’appréciation des compétences mises en oeuvre dans le cadre du mandat du représentant du personnel reposait sur des éléments précis et objectifs qui font l’objet d’une méthodologie excluant toute discrimination ou atteinte à la liberté syndicale ». Parmi les éléments précis et objectifs que relève la Cour de cassation nous pouvons citer les suivants :

·    «La constitution d’un groupe de travail, la négociation, qui comprenait une phase d’expérimentation, sur la mise en place pour les représentants du personnel d’un entretien d’appréciation des compétences et d’évaluation professionnelle avait permis la prise en compte de plusieurs suggestions des organisations syndicales,

·        L’appréciation des compétences était menée selon un processus en plusieurs étapes sous le regard croisé de l’organisation syndicale du salarié et d’un représentant de l’employeur devant avoir participé aux instances dans lesquelles le salarié exerce son mandat,

·        Les critères d’appréciation étaient objectifs et vérifiables

·    Le caractère transversal entre les métiers et le mandat des compétences contenues dans le référentiel ».

 

Vous trouverez ci-après l’arrêt Cass.soc. 9-10-2019 n° 18-13.529 FS-PBRI dans son intégralité.