Le temps passé par les membres du CSE pour l'exercice du droit d'alerte est imputé sur les heures de délégation

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Le temps passé par les membres élus du comité social et économique (CSE) dans le cadre de l’exercice de leur droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes, peut-il être rémunéré comme du temps de travail effectif sans être déduit des heures de délégation ?

Telle était la question à laquelle était invitée à répondre la Cour de Cassation, dans un arrêt du 9 novembre 2022.

Pour rappel :

Selon l’article L. 2315-11 du Code du travail : « est payé comme temps de travail effectif le temps passé par les membres de la délégation du personnel du comité social et économique : 

1° A la recherche de mesures préventives dans toute situation d'urgence et de gravité, notamment lors de la mise en œuvre de la procédure de danger grave et imminent prévue à l'article L. 4132-2 ;

 2° Aux réunions du comité et de ses commissions, dans ce cas dans la limite d'une durée globale fixée par accord d'entreprise ou à défaut par décret en Conseil d'Etat ;

 3° Aux enquêtes menées après un accident du travail grave ou des incidents répétés ayant révélé un risque grave ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave.

Ce temps n'est pas déduit des heures de délégation prévues pour les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique ».

En l’espèce, huit membres élus d’un conseil social et économique d'établissement (CSEE) ont informé l’employeur de leur intention de déclencher leur droit d’alerte, au motif d'une « discrimination à l'encontre d'une femme enceinte ». Une fois le droit d’alerte exercé, les élus du CSEE ont été conviés par l'employeur à une réunion qui a duré deux heures. L’employeur est venu imputer ces deux heures passées en réunion sur le crédit d’heures de délégation des élus.

Les élus du CSEE ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de l’employeur au versement de la rémunération afférente aux heures passées à la réunion, en soutenant qu'elles constituent du temps de travail effectif et ne doivent pas être déduites des heures de délégation. Les élus obtiennent gain de cause, et l’employeur interjette appel. La Cour d’appel confirme le jugement de première instance, en retenant que la réunion litigieuse a été organisée par la direction et que l'atteinte aux droits des personnes constitue une situation d'urgence et de gravité relevant du champ d’application de l’article L. 2315-11 du Code du travail.

Or, la Cour de Cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel. En procédant à une relecture de l’article L. 2315-11 du Code du travail, la Cour déduit que le temps lié à l'exercice du droit d'alerte prévu en cas d'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise (article L. 2312-59 du Code du travail) n'entre pas dans les cas énumérés par ce premier. Par ailleurs, la Cour considère que, même si la réunion a été organisée par l’employeur, c’étaient les membres du CSEE qui l’ont demandée. Conséquemment, la Cour juge que le temps passé par les membres du CSEE à la réunion litigieuse devait être déduit de leur crédit d'heures de délégation.

Cass. Soc., 9 novembre 2022, n° 21-16.230