Le système de retraite français, une réforme nécessaire pour accomplir des objectifs ambitieux ?

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- Auteur(e) : Kenza Ali Abbes, Céline Akbas, François Bohrer, Carmen Ziegler

Lors de la publication de l’ordonnance 45-2250du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale, Pierre Laroque, directeur général des assurances sociales et fondateur du système de Sécurité Sociale,énonce clairement les finalités du régime de retraite français : 

  • 1/ Permettre une solidarité entre les générations à travers la répartition

  • 2/ Combattre la pauvreté importante qui touche les tranches les plus âgées de la population.

C’est ainsi qu’aujourd’hui encore, l’article L111-2-1 du code de la sécurité sociale énonce que « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations.

Le système de retraite par répartition assure aux retraités le versement de pensions en rapport avec les revenus qu'ils ont tirés de leur activité. »

Or force est de constater que la réforme du système de retraite actuel qu’ambitionne le gouvernement pour l’année à venir nourrit de nombreux objectifs :

-    Relever les défis du ratio démographique

- Trouver des solutions innovantes face à l’inadaptation du régime actuel aux évolutions du marché de l’emploi

-   Répondre aux exigences d’égalité, lisibilité et pérennité.

I.      Les défis à relever par le système de retraite par répartition

 1) Le ratio démographique

Un écart inexorable de plus en plus important se creuse entre les actifs et les retraités.  Or, le système par répartition, exige que les cotisations des actifs financent immédiatement les pensions servies aux retraités : c'est donc essentiellement un financement par les revenus du travail.

Derrière ce problème démographique, c’est le principe même de solidarité entre les générations qui est menacé.

En effet, si le but du système de retraite français est d’assurer aux retraités, à travers les cotisations versées par les actifs, une pension leur permettant de vivre dignement, la baisse du nombre des actifs et l'augmentation du nombre des retraités ne permettent plus au système de garantir de façon pérenne le financement des retraites.

En effet, le régime par points continuera à fonctionner par répartition et ne réglera pas le problème du déséquilibre démographique sauf à trouver d'autres sources de financement ou à diminuer les droits acquis par les actifs et les retraités"

 2) L'inadaptation aux évolutions du marché de l'emploi

a) Une mobilité difficile due à une trop grande complexité

Si dans les années 1960, un salarié pouvait espérer travailler toute sa vie active dans une même entreprise, il n’en est plus de même aujourd’hui.

En effet beaucoup d'actifs sont amenés à changer de profession au cours de leur carrière.

De même, le phénomène de chômage de masse vient perturber l’homogénéité et la fluidité des cotisations, et donc de la répartition.

b) Des modes de calcul des droits différents

Les cotisants peuvent être confrontés à différents régimes de retraite et par conséquent à différents modes de calcul de leurs droits.

Par exemple, des cotisants, malgré des professions similaires, peuvent être concernés par des règles différentes en fonction de leur statut.

Cela entraîne, non seulement une difficulté au moment de la liquidation et au moment du calcul des droits par manque de lisibilité mais aussi un problème d’inégalité entre les cotisants.

 

 Ainsi, l’hétérogénéité actuelle des 42 régimes de retraite qui disposent chacun de règles de calcul différentes pour les pensions contribue à l’illisibilité des droits à la retraite et aux inégalités de traitement.

 

  1. Le projet de réforme : égalité, lisibilité, pérennité

 En raison de cette complexité, le gouvernement a considéré qu'il était nécessaire de procéder à une réforme systémique. Celle-ci vise à mettre en place un régime universel pour remplacer les 42 régimes de retraites.

1) Une plus grande égalité

Le système à points, remplaçant le nombre de trimestres cotisés, vise à instaurer les mêmes règles quel que soit le statut du cotisant.

En effet, les cotisations permettront d'acquérir des points dans un compte individuel.

Ces points seront convertis en euros au moment du départ en retraite pour servir une pension de retraite.

De plus, certains événements de la vie (maternité) devraient générer l'attribution de points.

Attention toutefois au risque d'allongement de la durée de cotisation et donc de l'âge de départ à la retraite : avec le système par points, la notion d’annuités disparaît car le niveau de la pension est directement lié à l’effort contributif et non pas à la durée de cotisation.

2) Une plus grande lisibilité

a) Un régime universel

Avec la réforme, les 42 régimes distincts de retraite disparaîtront donc et avec eux, les multiples modes de calcul, facteur d'inégalité entre les cotisants.

Ainsi pour la même carrière, la même durée de cotisation, un salarié du public et du privé ne bénéficie pas de la même pension de retraite du fait des différents modes de calculs. Avec un système unique par points, le système en sera simplifié.

b) Un seul interlocuteur

Le gouvernement souhaite par ailleurs mettre en place un guichet unique pour tous les cotisants.

Ainsi, une personne qui a exercé différentes professions sous le statut salarié ou le statut libéral aura un seul interlocuteur.

 3) La pérennité financière du système de retraite

a) Un pilotage plus aisé

L’équilibre financier entre ressources et dépenses du régime serait garanti par le régime par points.

En effet dans un régime par points, la valeur du point à l’achat et la valeur de service du point lors du départ à la retraite sont fixés de telle manière à garantir l’équilibre financier du régime.

Le pilotage du régime en est simplifié mais les actifs n’ont plus de visibilité à moyen et long terme.

En temps de crise, la valeur de service du point pourra être diminuée pour s'adapter à la diminution des ressources disponibles pour financer les pensions de retraite.

Ainsi, un travailleur peut arriver à l'âge légal de départ en retraite, en ayant cotisé toute sa carrière et ne pas disposer, au moment de la liquidation de ses points, d'un montant de pension suffisant.

 Il devra alors continuer à travailler pour améliorer sa retraite ce qui engendrera au niveau individuel des droits supplémentaires, et au niveau collectif, des économies sur les pensions à verser.

b) Au détriment d’un engagement sur le niveau des retraites servies

Toutefois il convient de souligner qu’il n'est aucunement question de garantir un niveau de retraite qui permette « aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

L’objectif majeur de la réforme vise à assurer la pérennité financière du régime des retraites, c’est-à-dire un système qui s’auto régule.

On observe finalement que derrière des objectifs d’efficacité et d’égalité entre les cotisants, aucun engagement n’est pris pour assurer un taux de remplacement au niveau collectif.