Publié par la commission des affaires sociales du Sénat, le 30 juin 2021, le rapport d’information de la sénatrice Frédérique Puissat propose un bilan des réformes en matière de dialogue social et de négociation collective et fournit de propositions pour favoriser le dialogue social en entreprise et dans les branches. Il en ressort que la redynamisation escomptée du dialogue social n’est pas encore atteinte.
- Les effets des réformes en matière de négociation collective et de dialogue social peu perceptibles
Si des données quantitatives indiquent une dynamique positive de la négociation collective depuis plusieurs années, cela est « en partie en trompe-l’œil », constate le rapport. En effet, l’augmentation considérable des accords d’entreprise entre 2018 et 2019 est notamment portée « par une proportion croissante de textes signés par l’employeur uniquement », marque le rapport.
L’apport faible des réformes successives se confirme aussi d’un point de vue qualitatif. La sénatrice observe ainsi « une appropriation lente et conservatrice des réformes par les acteurs du dialogue social », démontrée par une mise en place du CSE « souvent résumée à un exercice convenu et formel » avec un calendrier « contraint par la loi » et par un nombre important d’entreprises qui « ne se sont pas saisies de toutes les opportunités ouvertes par les réformes, à l’image de la possibilité de conclure un accord de méthode ».
Toutefois, Frédérique Puissat nuance ces propos, en estiment qu’il est encore tôt pour tirer des conclusions générales et définitives de la récente réforme portée par les ordonnances de 2017. En attendant, il serait plus opportun « de donner la priorité à l’accompagnement des acteurs afin qu’ils s’approprient les réformes, en mettant l’accent sur les TPE-PME », pour pouvoir ensuite se pencher sur des éventuelles modifications du cadre actuel.
Il n’en reste pas moins que « certaines réformes ont manqué leur objectif ». C’est le cas pour les représentants de proximité dont la mise en place est rarement prévue par les accords de mise en place du CSE. Il en est de même pour les accords de performance collective dont l’usage « reste limité quantitativement » et « est parfois marqué par un déséquilibre en faveur des employeurs ». Quant à la création du conseil d’entreprise, celle-ci reste très rare. Ce qui représente « un échec manifeste », pointe le rapport. Enfin, « le référendum d’entreprise reste peu utilisé par les employeurs pour valider un accord minoritaire car il est considéré comme un outil à double tranchant ».
- Les propositions pour favoriser une meilleure appropriation par les entreprises et les acteurs du dialogue social
Le rapport présente une série de préconisations axées tout d’abord sur le décloisonnement des instances « pour faire reculer les préjugés réciproques entre acteurs du dialogue social dans l’entreprise ». Pour ce faire, il est recommandé de :
- ouvrir les élections professionnelles à des listes non syndicales, en rendant le monopole syndical au premier tour optionnel (un protocole d’accord préélectoral pourrait le prévoir et, à défaut, les élections des représentants du personnel au CSE seraient ouvertes aux listes non syndicales qui seraient présentées par une proportion minimum des électeurs) ;
- renforcer la représentation des salariés au sein des conseils d’administration, avec un abaissement progressif du nombre de salariés à partir duquel la présence de représentants des salariés au conseil d’administration est obligatoire et une suppression de l’incompatibilité entre un mandat d’administrateur salarié et un mandat de délégué syndical.
Ensuite, la rapporteure met l’accent sur l’innovation dans la négociation d’entreprise. Elle prévoit, dans ce but, la possibilité de préciser dans la loi le cadre dans lequel un accord d’entreprise peut prévoir la prise en charge partielle des cotisations syndicales par l’employeur. Elle propose en outre de donner une base légale aux protocoles d’expérimentation des projets d’évolutions d’accords collectifs existants.
Une attention particulière est aussi portée à l’amélioration de la formation au dialogue social et à la négociation collective, avec une fluidification du dialogue social par les biais des moyens dématérialisés de l’entreprise.
Quant aux branches, le rapport invite à poursuivre le mouvement de leur restructuration, avec pourtant une redéfinition d’objectifs : « …la fixation d’un objectif chiffré n’apparaît aujourd’hui plus pertinente. L’État et les partenaires sociaux doivent plutôt viser la constitution de branches fortes, à même d’assurer les missions qui leurs sont confiées ». Il est ainsi recommandé de :
- préciser explicitement dans la loi, la possibilité pour les partenaires sociaux d’un même champ conventionnel de définir des règles spécifiques s’appliquant à certaines catégories d’entreprises et de salariés ;
- déterminer légalement, après concertation avec les partenaires sociaux, les critères sur la base desquels la cohérence du champ d’application des conventions collectives devra s’apprécier.
Quant à la sécurisation de leur rôle de régulation, le rapport appelle le législateur à intervenir pour préciser de manière explicite le rôle des branches en matière de détermination des salaires. Il pointe, par ailleurs, que l’interprétation actuelle du ministère de Travail suivant laquelle seul le salaire de base constitue le champ dans lequel l’accord de branche prime sur l’accord d’entreprise « restreint la capacité des branches à réguler la concurrence entre les entreprises d’un même secteur ». Enfin, la sénatrice remarque que « la reconnaissance des compétences acquises par les représentants du personnel et la valorisation de leurs parcours sont des enjeux majeurs pour lesquels la marge de progrès reste importante en vue de lever les freins à l’engagement syndical ». Selon elle, il serait pertinent de remonter le thème de la valorisation des parcours des délégués syndicaux dans le « bloc 1 » constitué de domaines pour lesquels l’accord de branche prime obligatoirement sur l’accord d’entreprise.
Vous trouverez l’intégralité du rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur le bilan des réformes en matière de dialogue social et de négociation collective, par la sénatrice Frédérique Puissat : http://www.senat.fr/rap/r20-722/r20-722.html
par : Evdokia Maria Liakopoulou