Le dialogue social pendant la pandémie (étude CEET)

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Ali-Mehdi Oucherif

Dans son numéro 176 de “Connaissance de l'emploi intitulé  “Le dialogue social en entreprise en temps de pandémie”, le Centre d’études de l’emploi et du travail analyse la transformation du dialogue social en temps de pandémie.

Publiée le 2 novembre 2021, cette étude est fondée sur des données issues d’une post-enquête REPONSE de la Dares qui s’intéresse à deux entreprises. 

Celle-ci nous révèle quatre aspects différents :

 

Une captation des négociations par les sièges sociaux au détriment des établissements locaux :

 

Les auteurs rappellent que le lieu de l'entreprise où doit se tenir le dialogue social n’est pas arrêté par le législateur :

“celle-ci peut se dérouler au niveau central du siège de l’entreprise ou au niveau plus local de l'établissement.”, précisent-ils.

Avec la pandémie, un effet de centralisation des régulations collectives au sommet de l'entreprise a été accentué. C’est ce que révèlent les deux enquêtes de terrain. À titre d’exemple, les quatre syndicats représentatifs de l’une des entreprises enquêtées s’accordent sur le constat que “les mesures exceptionnelles mises en place pour réguler les confinements et les déconfinements se discutent uniquement au niveau du siège social.”.

Pourtant, un représentant du personnel de la même entreprise insiste sur le fait que les mises en place auraient pu être conçues de manière différente selon que l’emploi est plus exposé ou que le lieu de l’emploi soit plus touché par la pandémie. D’autant plus que cette centralisation du dialogue social au sommet subsistait bien avant la pandémie, ce qui lui a fait perdre son caractère exceptionnel.

 

Une focalisation de la négociation sur les thématiques directement liées au Covid-19 :

 

L’agenda thématique organisant la négociation, habituellement organisé en trois blocs, “a été totalement bouleversé avec la pandémie.” remarquent les auteurs. Il s’avère ainsi que dès le premier confinement, des discussions se sont tenues pour faire appliquer les décisions gouvernementales. Le dialogue-social s’est ensuite focalisé sur les enjeux liés à la pandémie et sur ses conséquences, jusqu’à même devenir le sujet principal des négociations et des informations-consultations des CSE. À titre d’exemple, le DRH de l’une des entreprises enquêtées estime avoir consacré 20 des 25 réunions du CSE central sur le thème de la crise sanitaire. Il en résulte une mise à l'écart des autres sujets de négociation.

 

La tendance d’une complexification de l’activité des représentants des salariés accentuée :

 

Selon l’étude, cette complexification concerne l’activité de négociation des représentants du personnel et se manifeste de différentes manières. 

D’une part, les représentants témoignent d’un fort alourdissement de leur charge de travail avec une augmentation du nombre de réunions et la multiplication des points à l’ordre du jour. Par exemple, s’agissant de la première entreprise, les réunions habituellement mensuelles se sont tenues deux fois par mois tandis que pour la deuxième, la durée des réunions s’est allongée de manière considérable. Pour cette dernière entreprise, la difficulté de la mise en place récente des CSE a complexifié davantage la mise en œuvre des nouvelles règles.

D’autre part, les difficultés techniques se sont ajoutées à la liste des difficultés connues avec en particulier des problèmes d’utilisation des différents outils. Une difficulté à prendre la parole au cours des séances se manifeste aussi pour les représentants tout comme la capacité d’échange au cours de ces réunions, ce qui enlève le caractère informel des échanges.

 

Une perte du lien entre salariés et représentants du personnel :

 

In fine, l’étude révèle que les liens entre les représentants et les salariés ont été réduits pendant la crise sanitaire du fait de la généralisation du télétravail. Comme cela fut le cas de manière assez conséquente pour les deux entreprises de l’étude. Les échanges se faisaient donc à distance et étaient moins spontanés que ceux qui se faisaient sur le terrain.

Le rôle des représentants s’est vu être réduit du fait de l’effacement de certaines discussions. Cet éloignement des salariés provoque chez eux “une forme de perte de sens du travail”.

C’est ainsi qu’au sein des entreprises, des initiatives ont émergé pour faire face à ce phénomène, certaines d’entre elles consistent en l’essor d’activités sociales, culturelles ou sportives, en ligne, d’autres à remplacer celles qui étaient déjà en place avant le recours au télétravail en tentant ainsi de faire renaître les discussions informelles. Or, les auteurs constatent que ces tentatives perdent de leur efficacité avec le temps, tout comme le travail syndical qui peine à se renouveler.