Le coût économique des discriminations au travail

Égalité dans le travail
Non-discrimination

- Auteur(e) : TG

Deux études confirment la persistance, voire l’accroissement, des discriminations à l’embauche notamment liées aux origines et au sexe.

Le 20 septembre, un rapport de France stratégie sur le coût économique des discriminations a ainsi mis en évidence que les femmes et, dans une moindre mesure, les hommes originaires d’Afrique sont toujours fortement pénalisés sur le marché du travail et que la persistance de ces discriminations a aussi un coût pour la collectivité. La veille, le Défenseur des droits avait alerté sur l’augmentation des discriminations liées aux origines dans l’accès à l’emploi.

Le ministère du Travail reste mobilisé sur cette question. Une convention est par exemple en préparation entre le Défenseur des droits et le ministère du Travail « qui permettra de coordonner tous les moyens de détection, de contrôle et de sanction des discriminations, en mobilisant notamment l’inspection du travail », a fait savoir Myriam El Khomri.

Les femmes fortement pénalisées sur de nombreux aspects

Selon France Stratégie, les femmes continuent d’être les premières victimes des inégalités en emploi. Elles ont un taux d’activité en moyenne inférieur de l’ordre de dix à quinze points à celui des hommes de même origine, des temps partiels supérieurs de vingt points et la probabilité la plus faible d’accéder aux 10 % des salaires les plus élevés. Elles gagnent systématiquement moins que les hommes sans ascendance migratoire directe : les écarts, à caractéristiques égales, sont environ de 12 %. En revanche, les inégalités d’accès à l’emploi entre hommes et femmes se sont réduites depuis 1990, de dix points pour les femmes sans ascendance migratoire et de seize points pour les femmes nées dans les DOM. Le surchômage féminin a quasiment disparu pour les femmes sans ascendance migratoire.

Les femmes originaires du continent africain sont particulièrement défavorisées sur le marché du travail : elles présentent, toutes choses égales par ailleurs, un surchômage et un moindre accès au CDI à temps plein. « Les hommes descendants d’immigrés africains ont [également] une probabilité d’être au chômage supérieure de sept points aux hommes sans ascendance migratoire ». Ce chiffre est de trois pour les natifs des DOM. Les hommes originaires du continent africain sont donc aussi pénalisés, dans une moindre mesure. « Le lieu de résidence n’apparaît pas en revanche comme un facteur explicatif massif d’inégalité d’emploi».

Les conséquences économiques des discriminations

Enfin, le rapport s’attache à chiffrer le coût économique de ces discriminations pour les entreprises et la collectivité « en simulant les effets d’un alignement de la situation en emploi des personnes discriminées - taux d’emploi, niveaux de salaires, temps de travail et proportion de bacheliers - sur la situation moyenne observée dans le reste de la population de même classe d’âge ». Quatre scénarios sont envisagés pour des gains variant entre 3,6 % et 14,1 % du PIB. Dans l’ensemble des scénarios, c’est la réduction des discriminations dont fait l’objet les femmes qui contribue le plus à la hausse du PIB. L’étude fait ainsi apparaître qu’en augmentant le taux d’emploi des populations discriminées ainsi que leurs chances d’accéder à un salaire élevé, la France pourrait voir son PIB augmenter d’environ 150 milliards d’€.

Les discriminations liées aux origines se renforcent

Le Défenseur des droits publiait, de son côté, les résultats d’un appel à témoignages mené au printemps 2016 sur les discriminations liées aux origines dans l’accès à l’emploi. L’étude porte sur un échantillon de 758 personnes déclarant avoir été discriminées. La moitié des répondants ont entre 26 et 35 ans, un tiers est diplômé du 2e ou du 3e cycle. « Ce sont majoritairement des personnes de nationalité française (80 %), ayant un nom à consonance étrangère (78 %), pour la moitié déclarant être vues comme arabes (48 %) et de confession musulmane (54 %)». 60 % des répondants considèrent que les discriminations se produisent « souvent » ou « très souvent » lors de leurs recherches de stage ou d’emploi. Pour deux tiers des répondants, la discrimination en raison des origines se cumule avec d’autres critères tels que les nom ou prénom, la couleur de peau, les convictions religieuses. Par ailleurs, le fait d’être perçu de confession musulmane augmente la fréquence des discriminations déclarées, notamment chez les hommes. Au sein de l’échantillon, ce marqueur religieux tend donc à renforcer le marqueur racial. Les effets sont dévastateurs sur la vie professionnelle et personnelle des personnes discriminées, alerte le Défenseur des droits. Et les voies de recours peinent encore à être mobilisées, notamment par les personnes discriminées au stade du premier contact (7 % de recours pour les femmes, 6 % pour les hommes) ou de l’entretien (3 % pour les femmes, 10 % pour les hommes).

En réponse à ces obstacles à l’insertion professionnelle, les personnes discriminées en raison de leur origine envisagent soit un départ à l’étranger, soit une création d’entreprise, soit un déclassement pour pouvoir finalement accéder à l’emploi.