Le Conseil d’Etat annule les dispositions réduisant les délais d'information et de consultation des CSE

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Aurore KAWECKI

Pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et favoriser la reprise de l’activité économique des entreprises tout en préservant la sécurité des salariés, le Gouvernement avait adopté au début de la crise sanitaire, plusieurs textes sur le fondement de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 qui avaient pour objet d’adapter les délais d’information et de consultation du Comité Social et Economique (CSE).

  • L’article 9 de l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 (version issue de l’ordonnance n°2020-507 du 2 mai 2020) : il prévoyait un raccourcissement des délais légaux ou conventionnels d’information et de consultation du CSE lorsque les décisions de l’employeur avaient pour objectif de faire face à l’épidémie de Covid-19.
  • L’ordre du jour des réunions : il était communiqué 3 jours avant la tenue de celles-ci pour le CSE central (au lieu de 8 jours), et 2 jours avant la tenue de celles-ci pour les CSE d’établissement (au lieu de 3 jours).
  • Le délai d'émission de l'avis du CSE : le CSE était réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai de 8 jours (au lieu de 1 mois), à l’expiration d’un délai de 11 jours en cas de recours à un expert (au lieu de 2 mois), ou à l’expiration d’un délai de 12 jours en cas de consultation à la fois au niveau du CSE central et du CSE d'établissement (au lieu de 3 mois).
  • Expertise : l’expert disposait d’un délai de 24 heures pour remettre son rapport d’expertise au CSE (au lieu de 15 jours).
     
  • Le décret °2020-508 du 2 mai 2020 : il précisait que les délais réduits s’appliquaient entre le 3 mai 2020 et le 23 août 2020, et que ces aménagements concernaient la procédure d’information et de consultation du CSE portant sur les décisions de l’employeur ayant pour objet de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 (à l’exclusion des consultations portant sur le licenciement de dix salariés ou plus dans une même période de 30 jours, les accords de performance collective et les consultations récurrentes de l’article L.2312-17 du Code du travail).

 

Le 30 juin 2020, le Conseil d’Etat avait rejeté l’action en référé-suspension d’organisations syndicales, qui visait à suspendre l’application de ces deux textes au motif que la condition d’urgence nécessaire pour engager cette procédure n’était pas remplie. Ces mêmes textes avaient alors fait l’objet d’une contestation pour excès de pouvoir par les organisations syndicales Force Ouvrière (FO) et Syndicat des avocats de France (SAF).

Le 19 mai 2021, le Conseil d’Etat a rendu une décision par laquelle il annule les dispositions suspensions au motif qu’« aucune de ces dispositions n'habilitait le Gouvernement à réduire les délais d'information et de consultation des comités sociaux et économiques ni les délais applicables au déroulement des expertises décidées dans le cadre de ces procédures par les comités ».

 

  • Annulation des dispositions aménageant les délais relatifs aux procédures d’information et de consultation du CSE
     

Dans sa décision du 19 mai 2021, le Conseil d’Etat a ordonné l’annulation de l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020 ainsi que de son décret d’application.

Le Conseil d’Etat justifie sa décision par « l’exposé des motifs du projet de loi devenu la loi du 23 mars 2020 et les travaux parlementaires en ayant précédé l’adoption », qui « permettaient de prendre des mesures ayant pour objet d’organiser la consultation des instances représentatives du personnel par voie dématérialisée » et « d’instaurer un moratoire sur les délais qu’elles mentionnent et ainsi en reporter le terme ». Ainsi, d’après le Conseil d’Etat, aucune disposition de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 n’accordait d’habilitation au Gouvernement pour réduire les délais d’information et de consultation des CSE ou les délais applicables au déroulement des expertises.

 

  • Une annulation rétroactive
     

Depuis une décision du 11 mai 2004 (CE, 11 mai 2004, n° 255836, Association « Les amis d’agir ensemble contre le chômage »), le Conseil d’Etat admet une exception à l’effet rétroactif de l’annulation d’un acte administratif lorsque le maintien temporaire de ses effets apparait d’intérêt général.

Le Conseil d'État a estimé que l'annulation des dispositions de l'ordonnance et du décret attaqués n'était « pas susceptible d'emporter des conséquences justifiant de réputer définitifs leurs effets passés », notamment en raison du court délai d’applicabilité de celles-ci (4 mois). L’annulation produit donc un effet rétroactif en l’espèce. La décision du Conseil d’Etat pourrait donc conduire à ce que des actions indemnitaires soient engagées, afin d’obtenir la réparation de préjudices qui résulteraient des décisions d’entreprise fondées sur ces délais réduits de consultation du CSE.

 

 

 

 

 

par : Aurore KAWECKI