L'annulation de la validation d'un accord PSE non majoritaire ne rend pas le licenciement nul

Gestion de l'emploi

- Auteur(e) : Aurore Kawecki

Dans un arrêt du 13 janvier 2021, la Chambre sociale de la Cour de cassation devait se prononcer sur le régime applicable à une annulation fondée sur le caractère non majoritaire de l’accord ayant fixé le contenu du PSE. En effet, l’annulation de la décision par laquelle le Direccte, en tant qu’autorité administrative, a validé ou homologué un PSE, n’ont pas des conséquences identiques.

 

  • Annulation motivée par l’absence ou l’insuffisance du PSE

(Article L1235-10 et L1235-11 du Code du travail)

Entraîne la nullité des licenciements prononcés et donc un droit à réintégration (pour empêcher cette réintégration, il faudra démonter un cas d’impossibilité).

 

  • Autres cas d’annulation

(Article L1235-16 du Code du travail)

Entraîne la nullité des licenciements prononcés, mais la réintégration est subordonnée à l’accord des parties.

Il est aussi important de relever que les conséquences de l’annulation relatives à l’indemnisation sont identiques quant aux deux régimes, car depuis l’ordonnance nº 2017-1387 du 22 septembre 2017, une indemnité au moins égale à six mois de salaire doit être allouée aux salariés en l’absence de réintégration.

 

Faits de l’affaire

Le 20 novembre 2013, un accord collectif qui organisait un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) avait été conclu au sein d’une société. Le 2 janvier 2014, la DIRECCTE valide l’accord collectif. La décision administrative de la DIRECCTE est finalement annulée par une cour administrative d'appel, au motif que l'accord collectif « ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l'article L. 1233-24-1 du code du travail ». En effet, au regard de l’article susvisé, deux exigences sont posées à la validité de l’accord.

 

  • L’accord doit être majoritaire

Il doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE.

 

  • L’accord doit être signé avec des délégués syndicaux dont les mandats sont valides.

A défaut, l’accord ne pourra pas être considéré comme majoritaire.

En l’espèce, la signature d’un des syndicats avait été faite par un salarié qui n'avait pas été régulièrement désigné pour le représenter en qualité de délégué syndical, ce qui impliquait que ce syndicat ne puisse pas être pris en compte pour apprécier le caractère majoritaire de l’accord. Le 22 juillet 2015, le Conseil d'État rejette ainsi les pourvois formés contre l’arrêt de la cour administrative d'appel.

Par la suite, des salariés licenciés pour motif économique ont saisi la juridiction prud’homale pour contester la validité de leur licenciement intervenus en application du PSE.

 

Décision de la Cour d’appel : application de la nullité de l’article L1235-11 du code du travail

Le 8 novembre 2018, la Cour d'appel de Versailles rend deux arrêts par lesquels elle considère que les licenciements sont nuls.

En effet, celle-ci considère que l’absence de caractère majoritaire de l’accord équivalait à une absence d’accord, et donc à une inexistence du PSE. En l’espèce, la Cour d’appel applique donc de manière extensive le régime de l’article L1235-11 du code du travail, qui dispose qu’« en cas d’annulation d’une décision de validation (…) en raison d’une absence ou d’une insuffisance de plan de sauvegarde de l’emploi (…) la procédure de licenciement est nulle ».

L'employeur se pourvoi en cassation contre ces décisions.

 

Solution de la Cour de cassation : application de l’article L1235-16 du Code du travail

Le 13 janvier 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation rend un arrêt de cassation, par lequel elle fait une application littérale de l’article L1235-16 du code du travail.

En effet, le Code du travail prévoit que la nullité des procédures de licenciements en application d'un PSE est possible dans deux hypothèses : en l'absence de décision de validation de l'accord collectif, ou si l'annulation de la décision de validation par le juge administratif est motivée par l'absence ou l'insuffisance du PSE.

En l'espèce, le juge administratif avait « annulé la décision de validation pour un motif ne reposant pas sur l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi », donc le juge judiciaire ne pouvait pas prononcer la nullité des licenciements des deux salariés (puisque in fine, une décision de validation avait été prise). D’après la Cour de Cassation, cela « donne lieu à l’application des dispositions de l’article L. 1235-16 du même code » qui prévoient que l’annulation de la décision de validation ou d’homologation pour un motif autre que l’absence ou l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi implique la réintégration du salarié dans l’entreprise avec maintien de ses avantages acquis (ou à défaut, une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois).