La lettre du texte conventionnel prime sur son esprit

- Auteur(e) : Altina POTOKU

 

 

Dans un arrêt rendu par la chambre sociale du 14 décembre 2022, les juges de cassation rappellent le mode d’emploi de l’interprétation des clauses d’une convention collective, lorsqu’elles manquent de clarté.

En l’espèce, un salarié d’une société effectue une demande au titre de rappel des primes annuelles pour les années 2017 à 2019 auprès de son employeur. La convention collective applicable, en l’espèce, était la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 23 juillet 2001. Or, ladite convention posait problème, car en vertu de cette dernière, « seules les majorations liées à des heures supplémentaires, à des heures de travail dominical ou à des heures de travail un jour férié régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence peuvent être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ».  

Le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande au titre de rappel des primes annuelles pour les années 2017 à 2019 afin que soient intégrées à ses calculs les majorations liées aux heures de travail un jour férié accomplies au mois de novembre.  Les juges condamnent l’employeur au versement d’une somme au titre de rappel des primes annuelles.  Ce dernier contestant le jugement se pourvoit en cassation. 

L’employeur reproche à la juridiction prud’homale d’avoir retenu que la majoration pour travail effectué un jour férié devait être prise en compte dans l’assiette de calcul de la prime annuelle, alors que selon ce dernier, les majorations liées aux heures de travail du jour férié accomplies au mois de novembre ne pouvaient pas être intégrées dans le calcul de la prime annuelle, en raison de leur caractère exceptionnel, de plus que ces heures n’avaient pas été effectuées de manière régulière par le salarié.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’employeur, en affirmant qu’« une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte ».

 La Cour en déduit que les « heures supplémentaires exceptionnelles », ne se définissent pas nécessairement comme toutes celles n’étant pas « régulières ». Les juges de la Haute juridiction semblent donc par cet arrêt faire primer la lettre du texte sur son esprit. Il appartenait bien aux juges du fond de s’attacher à la lettre du texte conventionnel.

 

Cass.soc., 14 déc.2022, n° 21-15.805 B