La Cour de cassation pose des règles concernant les élections professionnelles

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Ali-Mehdi OUCHERIF

La Cour de cassation s’est penchée dans sept décisions récentes sur le thème des élections professionnelles.

Dans ces différentes décisions, la Cour de cassation prévoit d’une part en date du 18 mai 2022, qu’un syndicat qui a omis de faire des réserves ne peut demander l’annulation de scrutin en affirmant que ses modalités sont irrégulières.

D’autre part, la Cour de cassation, en date du 18 mai 2022, précise les modalités de mise en œuvre des règles de suppléance lorsque les membres titulaires du CSE quittent leur mandat.

Puis, le 18 mai 2022, la Cour de Cassation revient sur la charge de la preuve de la méconnaissance par l'employeur de son obligation de neutralité dans le cadre des élections professionnelles.

Ensuite, les juges de la Cour de cassation affirment dans une autre décision en date du 1er juin 2022 que l’employeur doit garantir l'égalité dans l’exercice du droit de vote en qualifiant pour la première fois que celle-ci relève du principe général du droit électoral. 

Également, la Cour de cassation précise, en date du 15 juin 2022, l'endroit où doivent être affichés les résultats des élections professionnelles en cas de vote électronique.

Aussi, la Cour de cassation réaffirme, en date du 12 juillet 2022, le devoir de loyauté lors de la négociation du protocole d’accord préélectoral.

Enfin, la Cour de cassation admet en date du 15 juin 2022 la possibilité pour les salariés de voter blanc ou nul aux élections professionnelles.

 

Il ressort de ces décisions plusieurs points :

 

  • Dans la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 18 mai 2022, numéro 21-11.737 :

 

En l’espèce, plusieurs sociétés constituées en UES ont conclu un accord prévoyant le recours au vote électronique et un autre la fixation du nombre et la composition des collèges électoraux. Après l’échec des négociations afin de parvenir à un protocole d'accord préélectoral, la Direccte a opéré la répartition des salariés et des sièges entre les collèges pour le comité social et économique des sociétés au sein de l’UES tout en prévoyant quatres comités sociaux et économiques d'établissement. 

L’employeur a ensuite, par décision unilatérale, fixé les modalités d’organisation des élections.

Le syndicat qui avait participé au scrutin remettait donc en cause le résultat des élections en arguant que les modalités d’organisation et de déroulement des élections étaient irrégulières.

La Cour de cassation affirme, dans cette décision, qu’un syndicat ne peut valablement contester les modalités du scrutin fixés par décision unilatérale de l'employeur sans saisine préalable du juge judiciaire ou sans accompagner le dépôt de sa liste de candidats de réserves face aux différentes modalités fixées par la décision unilatérale de l’employeur.

Le syndicat est donc considéré comme ayant accepté sans réserve les modalités du scrutin, et n’est en l’espèce, pas fondé à contester la validité des résultats des élections à ce titre.

 

  • Dans la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 18 mai 2022, numéro 21-11.347 :

 

En l'espèce, peu après des élections organisées au sein de l’entreprise, plusieurs salariés élus ont quitté l'entreprise. Cette dernière a donc décidé d’organiser des élections partielles pour remplacer ces membres. Le syndicat a donc saisi le tribunal afin de désigner un suppléant en lieu et place d’organiser des élections partielles. 

 

La Cour de cassation suit donc l’avis du syndicat en affirmant qu’en l’absence de suppléant de la même catégorie, un suppléant d’une autre catégorie appartenant à la même ou à un autre collège présenté par la même organisation syndicale pourrait être éligible à la suppléance. À défaut, un candidat non élu répondant à cette condition de présentation syndicale pourrait également être éligible à la suppléance.

Cette décision apporte des précisions aux règles de suppléances prévues par l'article L.2314-37 du Code du travail.

 

  • Dans la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 18 mai 2022, numéro 20-21.529 :

 

La Cour de Cassation revient sur la charge de la preuve de la méconnaissance par l'employeur de son obligation de neutralité dans le cadre des élections professionnelles.

Une analyse de la décision pourra être trouvée à travers le lien suivant :

https://www.dialogue-social.fr/actualites/actualite/manquement-a-lobligation-de-neutralite-de-lemployeur-lors-des-elections-professionnelles-celui-qui-linvoque-doit-en-rapporter-la-preuve
 

  • Dans la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 1er juin 2022, numéro 20-22.860 :

 

En l’espèce, une société avait prévu l'élection par vote électronique de certains membres de la délégation du personnel au comité social et économique.
Les deux syndicats présents au sein de l’entreprise ont saisi le tribunal judiciaire en annulation des élections en invoquant différentes irrégularités dans le recours au vote électronique en particulier du fait que certains salariés ne pouvaient avoir accès à la plateforme de vote durant la période d’ouverture du vote.

 

La Cour de cassation accepte donc d’annuler les élections uniquement dans le collège concerné et précise de manière inédite que le principe d’égalité face à l’exercice du droit de vote est un principe général du droit électoral. Les juges ajoutent que si le scrutin est organisé de manière électronique, l’employeur doit prendre les précautions appropriées pour que ne soit écartée du scrutin aucune personne ne disposant pas du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non desservie par internet.

 

  • Dans la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 15 juin 2022, n°20-21992 :

En l’espèce, une unité économique et sociale a organisé des élections en ayant recours au vote électronique selon un accord collectif  et des modalités prévues par un protocole d'accord préélectoral en vigueur.
Un syndicat invoque cependant à la suite de ces élections diverses irrégularités. Celui-ci sollicite donc du tribunal d'instance l'annulation de l'élection au premier tour des membres titulaires et suppléants des trois collèges. Le syndicat demande également l'annulation de l'élection au second tour des membres du premier collège et l'organisation d'un nouveau scrutin.

La Cour de cassation donne droit à la demande du syndicat et rejette le pourvoi au motif qu’en cas de recours au vote électronique pour l’élection des membres du CSE, en l’absence de salle de vote, les résultats du scrutin peuvent être publiés par tout moyen permettant l'accessibilité de ces résultats, dès leur proclamation, à l'ensemble du personnel au sein de l'entreprise.

 

  • Dans la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 15 juin 2022, n°21-60.107 :

En l’espèce, une entreprise a signé un accord collectif minoritaire dans le cadre de la négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée ainsi qu'un protocole d'accord préélectoral pour consulter les salariés en vue de valider cet accord.

Un salarié a donc saisi le tribunal d'une demande tendant, à titre principal, à l'annulation du vote et, à titre subsidiaire, à ce que la caducité du protocole d'accord préélectoral soit constatée. Cette demande s’effectue en soutenant que le protocole electoral et la note d’information envoyée aux salariés ne prévoyait pas la possibilité de pouvoir voter nul ou blanc et que les deux salariés qui ont voté blanc ou nul l'ont fait par inadvertance et non par un choix délibéré, ce qui a faussé la sincérité de la consultation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que les salariés ont la faculté d'exprimer un vote blanc ou nul, que le scrutin ait lieu par vote physique ou par voie électronique, peu importe que le protocole d'accord préélectoral n'ait pas prévu cette possibilité. La cour de cassation fonde sa décision, en l’espèce sur le fondement de l’article L. 2232-12 du Code du travail et des principes généraux du droit du électoral.

 

  • Dans la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 12 juillet 2022, n°21-11.420 :

En l’espèce, plusieurs sociétés constituées en UES ont saisi la Direccte (aujourd’hui Dreets) d'une demande de répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux sans que des négociations n’aient lieu au préalable de manière loyale et sérieuse dans ce cadre.

L’administration du travail a, suite à cette demande, provisoirement rejeté par une décision celle-ci au motif qu'elle n'était pas compétente en l'absence de négociations loyales et sérieuses préalables.

Les sociétés composant l'UES ont saisi le tribunal judiciaire afin d'obtenir l'annulation de cette décision de l’administration du travail et la répartition judiciaire du personnel et des sièges entre les collèges ou, à titre subsidiaire, qu'il soit enjoint à la Direccte de procéder à cette répartition.

 La Cour de cassation énonce, pour trancher le litige, que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n’a pu être conclu que l’autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.