La convention collective applicable dépend de l’activité principale de l’entreprise (Cour de Cassation)

Organisation du travail

- Auteur(e) : Ali-Mehdi Oucherif et Evdokia Maria Liakopoulou

Le 24 novembre 2021, la Cour de Cassation a pu se pencher sur les règles permettant aux juges de déterminer la convention collective applicable au sein d'une entreprise.

En l'espèce, un salarié avait été employé en tant que chef de dépôt pour une société dépositaire de presse. Avant son licenciement, celui-ci avait saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à l'application de la « convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991 ». Le salarié demandait également le paiement de rappels de salaires et de dommages-intérêts pour préjudice moral avant que la société ne fasse l'objet d'une liquidation judiciaire ensuite.

Les premiers juges avaient déclaré la convention comme inapplicable en l'espèce et avaient débouté le salarié de ses demandes.  Le salarié se pourvoit en cassation aux fins de voir ladite convention appliquée.

Les motivations des premiers juges

En effet, les premiers juges avaient examiné d’abord en quoi consistait l’activité de l’entreprise employant le salarié. Ils avaient constaté que celle-ci recevait tous les matins d’une société de presse, les journaux et magazines attachés par paquet précomptés, déjà colisés. L’entreprise en question procédait à leur diffusion selon deux voies, après triage des paquets de journaux par les employés du dépôt, :

-« celle des vendeurs colporteurs de presse, mandataires commissionnés de la société de presse qui venaient en prendre possession au dépôt où leur était remise une liste de route, établie par la société de presse mais éditée par l'entreprise et susceptible de modification à la demande des VCP ;

-celle des diffuseurs (buralistes, points-presse, hôtels) auxquels était livrée l'autre partie des journaux par camion, chargés par les employés du dépôt, conduits par ceux-ci, soit par des transporteurs extérieurs ».

Les premiers juges avaient ensuite rappelé les deux textes conventionnels susceptibles d’être appliqués :

-« La convention des entreprises de logistique et communication écrite directe du 19 novembre 1991 (celle revendiquée par le salarié) qui a pour objet de régler les rapports entre les employeurs et les salariés des entreprises dont l'activité principale est la logistique de la communication écrite directe fournissant aux entreprises l'une des prestations de services suivantes : gestion informatisée de fichiers et/ou édition des documents adressés ; conditionnement des documents de gestion, envois de journaux et périodiques aux abonnés, messages publicitaires adressés ou non adressés, groupage, routage de catalogues ; façonnage des documents fournis ; colisage et expédition 

-La convention collective du portage de presse qui régit les entreprises ayant principalement une activité de diffusion, par portage à domicile, de publications quotidiennes et périodiques d'informations politiques générales et payantes ».

Pour les juges, l’activité principale de l’entreprise en cause relève du champ d'application de cette dernière convention.

La position de la Cour de Cassation

La Cour de Cassation valide l'argument des premiers juges selon lequel l’activité de l’entreprise ne relevait pas du champ d'application de la convention revendiquée par le salarié (soit, la convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991).

La Cour admet, tout d'abord, que la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur puis, qu'en application de l'article L. 2261-2 du code du travail, l'application d'une convention collective au personnel d'une entreprise dépend de l'activité principale de celle-ci.

Elle rappelle ensuite que « lorsque l'activité principale de l'entreprise n'entre dans le champ d'application d'aucune convention collective, le salarié ne peut se prévaloir d'une convention collective même étendue régissant une activité secondaire de l'entreprise à laquelle il ne participe qu'accessoirement ».

Or, la Cour souligne que les premiers juges, pour déterminer la convention applicable, relèvent d'abord que la société, dépositaire de presse, n'appliquait aucune convention collective avant d'appliquer volontairement une convention étendue plus tard par arrêté. En outre celle-ci, ne réalisait aucune prestation d'envois aux abonnés des quotidiens et publications édités par l'autre société. De plus, la société n'effectuait pour le compte de cet éditeur aucune prestation de gestion informatisée de fichiers, de conditionnement de documents de gestion, de façonnage de documents fournis ou de colisage et d'expédition. Puis enfin, la société assurait la diffusion aux abonnés des publications déjà colisés par l'éditeur, par portage à domicile effectué par des vendeurs-colporteurs de presse, ainsi que la distribution par camions de ces publications aux diffuseurs de presse.

En s'appuyant principalement sur ce moyen, la Cour de Cassation valide la position des premiers juges qui avaient conclut que l'activité principale de la société, telle qu'elle résultait notamment de la structure de son chiffre d'affaires, était constituée par le portage à domicile et non par le routage.

Cette décision n'est pas un revirement, elle précise seulement l'argument de la jurisprudence en ce que l'activité principale d'une entreprise permet de déterminer sa convention collective applicable. En l'espèce, l'entreprise était susceptible de se voir appliquer deux conventions, le juge a donc dû utiliser un faisceau d'indices fondé sur l'activité de l'entreprise pour déterminer la convention collective la plus susceptible d'être utilisée.

Cour Cass., Ch. Soc., 24 novembre 2021, n° 20-13.546