La branche de la métallurgie adopte une nouvelle convention collective unique

- Auteur(e) : Ali-Mehdi OUCHERIF

L’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), ainsi que trois organisations syndicales représentatives de la branche ont signé le 7 février 2022 une convention collective unique en négociation depuis 2016. Cette convention a pour but de simplifier la convention de la branche par l'unification de 78 conventions collectives existantes au 1er janvier 2024. La nouvelle convention collective met en place un cadre commun pour tous dans la métallurgie avec des règles communes à toutes les entreprises concernées par celle-ci.

La nouvelle convention collective de la métallurgie doit entrer en vigueur au 1er janvier 2024 afin de remplacer toutes les autres conventions existantes. Les mesures relatives à la protection sociale complémentaire seront néanmoins applicables dès le 1er janvier 2023.

Il est également prévu de tenir compte des spécificités de la branche à l'échelle locale, ainsi, les territoires ont jusqu'au 30 juin 2022 pour négocier et signer des accords autonomes.

 

Les principaux points abordés par la nouvelle convention collective sont les suivants :

 

  • Une nouvelle classification :

 

 

La nouvelle convention collective met en place une nouvelle classification en prenant en compte les spécificités de chaque métier. L’accord fixe donc six critères classant : la complexité de l’activité, les connaissances, l’autonomie, la contribution, l’encadrement-coopération ainsi que la communication. Chacun des six critères est composé de dix degrés d’exigence. Chacun de ces degrés d’exigence doit être associé à un critère, ainsi, chaque degré d’exigence retenu donnera lieu à l’attribution d’un nombre de points égal au degré correspondant allant d’un point à dix. L’addition de tous les points issus des degrés retenus permettent de déterminer la classe de l’emploi (parmi 18 classes) et donc de pouvoir fixer des revenus correspondant à travers les salaires minima hiérarchiques.

À titre d’exemple, sur la base du nouveau référentiel d’analyse des emplois, la complexité de l’activité classée au degré 5 donnerait une valeur de 5 qui serait ensuite additionnée avec les six autres degrés obtenus afin d’obtenir un total qui servira à établir un classement.

 

Les institutions représentatives du personnel, à travers notamment le CSE, jouent un rôle face à cette nouvelle classification dans l’entreprise.

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE doit être informé et consulté sur les modalités de la mise en œuvre de celle-ci.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, la délégation du personnel au CSE peut présenter à l’employeur des réclamations de manière individuelle relatives à la mise en œuvre de la classification.

Dans le cas où l’entreprise ne dispose pas d’institution de représentation du personnel, l’employeur doit porter à la connaissance des salariés et cela par tout moyen le guide pédagogique élaboré de manière paritaire par les partenaires sociaux.

La fiche descriptive de l’emploi devra être transmise au salarié pour être consultée et faire l’objet d’un réexamen dans le cadre de l’entretien professionnel du salarié.

L’employeur par son pouvoir de direction détient de manière exclusive la possibilité de l’attribution du classement.

 

  • Rémunération et primes :

 

 

La nouvelle convention collective instaure un barème unique de salaires minima hiérarchiques au niveau national posant un seuil minimal à respecter pour la rémunération des salariés.

En application de l’article 138 de la convention, les salaires minima hiérarchiques sont fixés, par accord collectif national de branche, en valeur nominale, pour chacune des dix-huit classes d’emplois. Une fois fixés, les salaires minima hiérarchiques doivent être alignés. Une période transitoire est prévue afin de limiter l’impact de la masse salariale pour les entreprises les plus concernées et comprenant 150 salariés ou moins.

Dans le cas où l’une de ces entreprises subirait une hausse salariale annuelle supérieure à 5% pour au minimum 25% de leur effectif, l’obligation d’application du barème unique national pourra être repoussée au plus tard à la date 1er janvier 2030.

 

Une garantie conventionnelle individuelle de rémunération est également mise en place afin de garantir la rémunération des salariés dans le cas d’une baisse suite à l’entrée en vigueur de celle-ci.

Une prime d'ancienneté est également ajoutée à la rémunération après trois ans dans l’entreprise. Des dispositions transitoires permettent d’assurer au salarié un complément de salaire en cas d'écart entre le nouveau montant et celui avant décembre 2023.

L’accord prévoit aussi certaines majorations et contreparties salariales du fait d'organisations particulières du travail.

 

  • Rupture du contrat de travail :

 

 

La rupture du contrat de travail reste subordonnée à une période de préavis en cas de licenciement ou de démission.
En cas de démission, le nouveau texte prévoit quatre différents groupes d’emplois, selon la nouvelle classification, pour lesquels chacun bénéficie d’une durée différente allant de deux semaines calendaires pour le premier à trois mois calendaires pour le dernier.
En matière de licenciement, le critère de l’ancienneté détermine la durée du préavis à travers quatre catégories différentes selon les classifications. Celle-ci va d’un mois à six mois calendaires.

Le salarié ayant effectué la moitié de son préavis n’est pas tenu d’effectuer la totalité de son préavis dans le cas où il devrait occuper un autre emploi, sous réserve de respecter un délai de prévenance de 7 jours calendaires.

En cas de départ à la retraite volontaire ou non, la durée du préavis dépend de l’ancienneté du salarié selon deux catégories différentes, étant d’un mois ou deux mois calendaires

 

  • Période d’essai :

 

 

La nouvelle convention collective prévoit aussi de nouvelles dispositions en matière de période d’essai.

Cette période, devant faire l'objet d’une mention dans le contrat de travail du salarié, prend en compte la nouvelle classification. Elle détermine cinq périodes différentes en prenant en compte les nouveaux groupes d’emploi déterminés par la classification de la nouvelle convention collective, celle-ci allant de deux mois à quatre mois calendaires hors renouvellement ou six mois calendaires renouvellement compris.

 

  • Délégation de pouvoir :

 

 

Le nouveau texte, à travers son article 167 détermine la possibilité de recourir à la délégation de pouvoirs, définie dans la convention comme la faculté “d'engager la responsabilité pénale personnelle du délégataire en lieu et place de la personne qui a délégué ses pouvoirs”. Celle-ci suppose, comme le rappelle le texte, de moyens pour accomplir les différentes missions, de la compétence pour exercer la délégation et de l'autorité requise.

 

  • Suspension du contrat de travail :

 

 

Les salariés bénéficient d’un congé annuel dont la durée est fixée à 2,5 jours ouvrables par mois de travail soit 30 jours par an. Les périodes de maladie ou d'accident n'interrompent pas le calcul des périodes d’ancienneté et sont considérées comme des périodes de travail effectif pour ce calcul.
La convention prévoit un jour de congé payé supplémentaire pour tout salarié justifiant de deux ans d’ancienneté.

En cas d’accident ou de maladie, le salarié bénéficie d’une indemnité complémentaire prise en charge à 100% de la part de l'employeur. La salariée en congé de maternité bénéficie des mêmes avantages.

 

  • Durée du travail :

 

 

La nouvelle convention collective prévoit un dispositif unique d'aménagement du travail.

Celle-ci comprend une faculté pour les différents employeurs de recourir à un des régimes différents tels que les conventions de forfait sur l’année. Cela est uniquement possible pour certains groupes de salariés dont la fonction ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif de travail.
Le temps partiel minimal est fixé par la nouvelle convention à 7 heures hebdomadaires pour les salariés ayant une activité de formateur et 24 pour les autres salariés.

Un temps de travail inférieur demeure toutefois possible pour les salariés devant faire face à des contraintes personnelles ou devant bénéficier d'horaires compatibles avec leurs études.

Tout en appliquant la durée hebdomadaire de travail à 35 heures, la convention collective prévoit aussi un contingent de 220 heures par salarié en matière d'heures supplémentaires de travail réduit à 175 heures en cas de décompte du temps de travail sur une période au moins égale à 12 mois consécutifs. Le contingent peut néanmoins être augmenté de 150 heures si le salarié ou l’employeur le souhaitent. En cas de volonté du salarié en ce sens, un formalisme par écrit sera requis.

La nouvelle convention prévoit également un droit à la déconnexion.

 

  • Prévoyance complémentaire :

 

 

La convention collective prévoit de nombreux changements en matière de prévoyance complémentaire, l’objectif étant de mettre en place un socle minimal de garanties de frais de santé, l’incapacité, l’invalidité et le décès, avec une participation minimale de l'entreprise.

Cette convention met en place un collectif d’assureurs à disposition des entreprises faisant partie de la branche afin que les entreprises qui le souhaitent puissent rejoindre plus simplement le nouveau régime de prévoyance auprès d’elles.

 

  • Dialogue social :

 

 

 

La nouvelle convention collective affirme sa volonté de “développer le dialogue social et permettre aux salariés de construire de véritables projets d’évolution professionnelle dans un environnement de travail de qualité”.

Cela passe donc par l’instauration de différentes mesures incitant à la mise en place de représentants de proximité afin de résoudre les problèmes au plus près du terrain. Le texte prévoit aussi la possibilité de déterminer le nombre de représentants et les attributions de la commission santé sécurité et conditions de travail afin de pouvoir les ajuster au besoin.

 

En matière d'élections, la convention prévoit aussi que le recours au vote électronique doit donner lieu à une concertation préalable avec le comité social et économique, quelle que soit la taille de l’entreprise. La convention n’impose cependant pas de modalités, celle-ci laissant une marge d'appréciation à chaque entreprise au regard des différentes situations.

Celle-ci prévoit aussi, en outre, de poser un cadre indicatif de règles afin de permettre aux partenaires sociaux de procéder à une répartition appropriée du personnel entre les différents collèges avant l’entrée en vigueur de l’accord.

 

Les entreprises sont incitées à mettre en place un délégué syndical adjoint par accord collectif ou un délégué syndical central adjoint afin de développer le dialogue social au sein des entreprises. Elles sont aussi incitées à reconnaître un statut pérenne au coordinateur syndical de groupe qui ne bénéficie d'aucun statut légal afin de favoriser le dialogue social au sein des entreprises.

La convention met également en place une messagerie électronique pour les représentants du personnel si aucun accord dans l'entreprise ne le prévoit.

 

Elle prévoit aussi des formations et des informations à destination des responsables hiérarchiques concernant le rôle du salarié titulaire du mandat ainsi que ses attributions et les moyens mis à sa disposition. Le texte affirme en effet que le temps consacré à l'exercice du mandat doit être pris en compte dans l’organisation du travail du salarié et la définition des objectifs annuels ainsi que leur évaluation.

La mise en place informatisée de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) est incitée pour les entreprises de moins de 300 salariés.

 

Un entretien individuel est prévu par la convention pour le salarié au début de son mandat, celui-ci doit être réalisé dans un délai maximum de quatre mois.

Lors de cet entretien, un point sur les activités exercées et sur les nouvelles compétences acquises dans l’exercice du mandat doit être fait. Les questions concernant les difficultés rencontrées dans le cadre de l’exercice du mandat doivent être également évoquées.


Un entretien de fin de mandat doit aussi être effectué dans un délai maximum de quatre mois à compter du terme de celui-ci. Cet entretien permet de prendre en compte les nouvelles compétences acquises, l'évolution salariale et l’opportunité de mettre en œuvre une action de formation professionnelle, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l’expérience après le mandat.

 

Le texte laisse la possibilité à la négociation d'entreprise de fixer les règles relatives à la négociation à distance. Celle-ci prévoit néanmoins que les entreprises doivent se doter d’outils sécurisés et efficaces ainsi que de moyens de communication à distance pouvant garantir l’identification technique des parties à la négociation ainsi que leur participation effective aux échanges.

La convention autorise les salariés à s’absenter pour assister aux réunions statutaires de leur organisation syndicale.

 

 

 

Sa mise en place au sein des entreprises :

 

La convention devant entrer en vigueur au 1er janvier 2024, certaines entreprises se préparent déjà à mettre en place cette nouvelle convention collective.

Ainsi, l’entreprise Sagemcom a mis en place un accord sur la classification des emplois en date du 2 mars 2022 afin de préparer l’entrée en vigueur de cet accord.

D’autre part, l’entreprise Schneider Electric a déployé un accord de méthode le 15 avril 2022 applicable jusqu’au 31 décembre 2024 afin de préparer l’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective de la branche de la métallurgie au 1er janvier 2024.

Enfin, Les partenaires sociaux de Framatome ont conclu en date du 27 avril 2022, un accord de méthode en vue d’appliquer le nouveau système de classification de la convention collective. Cet accord prévoit de finaliser d’ici aout 2023 le référentiel commun des emplois.