Résumé
Une avocate est atteinte d’un handicap moteur qui s’est aggravé à la suite d’un accident qui a eu pour conséquence qu’elle ne peut plus depuis monter les escaliers de façon autonome et doit se déplacer le plus souvent en fauteuil roulant ; elle a sollicité la réparation des préjudices subis depuis son accident, qu’elle impute à une absence ou une insuffisance d’aménagements spécifiques lui permettant un accès adapté à certaines juridictions, situées dans le ressort de la cour d’appel de Douai, dans lesquelles elle exerce habituellement sa profession. Par un jugement du 5 avril 2005, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis de ce fait et par un arrêt en date du 12 décembre 2006, la cour administrative d’appel de Douai a confirmé le rejet de la demande de la requérante. Elle s'est pourvue en cassation contre cet arrêt.
Le Conseil d'Etat, se référant aux dispositions du droit communautaire, estime, dans un premier temps, que "l’Etat est tenu de prendre des mesures appropriées pour créer, en fonction des besoins dans une situation concrète, des conditions de travail de nature à permettre aux avocats handicapés d’exercer leur profession, sauf si ces mesures imposent une charge disproportionnée"; en particulier, il lui appartient de procéder aux aménagements nécessaires afin de rendre les locaux judiciaires accessibles aux personnes handicapées.
Examinant, ensuite, la branche du recours mettant en cause la responsabilité de l’Etat du fait de l’intervention de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées transposant sur certains points la directive 2000/78 du 27 novembre 2000, qui aurait été adoptée en méconnaissance des engagements internationaux et européens de la France, le Conseil fait remarquer que si la directive 2000/78 du 27 novembre 2000 imposait à la France d'adopter les dispositions législatives et réglementaires nécessaires avant le 2 décembre 2006, elle permettait que soit laissé un délai raisonnable pour la réalisation des aménagements nécessaires pour que les établissements recevant du public existants respectent les exigences d'accessibilité aux personnes handicapées. La France s'est fixée un délai maximal de dix ans pour y parvenir (article L. 111-7-3 du code de la construction et de l’habitation issu de cette loi).La requérante est déboutée sur ce point.
S'agissant de la responsabilité pour faute de l’Etat du fait de l’insuffisante accessibilité des bâtiments judiciaires aux personnes handicapées invoquée par l'avocate, la Haute juridiction administrative, tenant compte des efforts concédés par les autorités en termes notamment d'aménagement des locaux judiciaires, en vue de faciliter leur accessibilité aux personnes handicapées, juge que "malgré la lenteur des progrès réalisés, Mme A n’est pas fondée à soutenir qu’en procédant à l’étalement des travaux de réalisation de l’accessibilité aux personnes handicapées des locaux des palais de justice, l’Etat aurait méconnu les dispositions législatives et réglementaires lui imposant des obligations en ce domaine".
Concernant, enfin, les demandes indemnitaires présentées par la requérante sur le terrain de la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture de l’égalité devant les charges publiques, le Conseil d'Etat estime que compte tenu " des troubles de toute nature que lui causent les conditions d’exercice de sa profession", la requérante subissait un préjudice moral justifiant l'octroi d'une indemnité. En revanche, la Haute juridiction administrative rejette la demande de la requérante tendant à obtenir une réparation du préjudice financier (notamment, perte de clientèle) qu'elle estime avoir subie.