Jurisprudence : la Cour de cassation précise que les dispositions du code du travail relatives à la mise à la retraite sont conformes à la directive du 27 novembre 2000 sur l’égalité de traitement

Non-discrimination

- Auteur(e) : Hakim El Fattah

Depuis quelques temps, la Cour de cassation s’attache à vérifier que les dispositions du droit interne fixant un âge à compter duquel les salariés peuvent faire l’objet d’une mise à la retraite sont conformes au droit de l’Union européenne, et plus particulièrement à la directive du 27 novembre 2000 relative à l’égalité de traitement.

La question de la conformité des dispositions du Code du travail sur la mise à la retraite par rapport aux exigences de justification et de proportionnalité issues de la directive restait en suspens.

Dans l'arrêt mentionné ci-dessous, la Cour de cassation décide que les dispositions du Code du travail satisfont aux exigences de la directive. L’employeur peut donc recourir à la mise à la retraite du Code du travail sans risque de se voir reprocher une discrimination fondée sur l’âge.

Elle casse l’arrêt d’appel qui avait considéré que « les motifs de la mise à la retraite de Jacques X..., qui ne mentionnent, dans la lettre qui lui a été adressée, que le seul intérêt du salarié, sans rattacher cette mesure à un autre objectif légitime et proportionné, extérieur à sa situation, ne peuvent s'analyser qu'en une mesure discriminatoire fondée sur son âge, qui doit en conséquence être déclarée nulle, arrêt qui avait confirmé la décision du conseil de prud'hommes ».

La Cour de cassation rappelle les termes de l’article 6 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, selon lesquels « des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ».

Elle juge que « tel est le cas des dispositions du code du travail relatives à la mise à la retraite mettant en œuvre, dans un objectif de politique sociale, le droit pour chacun d’obtenir un emploi tout en permettant l’exercice de ce droit par le plus grand nombre et en subordonnant la mise à la retraite à la condition que le salarié bénéficie d’une pension à taux plein ».

Dès lors, « ces dispositions, de portée générale, satisfont aux exigences de la directive » et donc, « il ne peut être imposé à l’employeur de justifier que leur mise en œuvre à l’égard d’un salarié qui remplit les conditions légales d’une mise à la retraite répond aux objectifs poursuivis ».

La Cour estime, de surcroît, que les intérêts du salarié ne sont pas « sacrifiés » et que l’on n’est pas en présence d’une discrimination fondée sur l’âge. La politique de l’emploi peut justifier une mise à l’écart d’un individu du fait qu’il faut aussi assurer le droit à l’emploi du plus grand nombre. L’employeur n’a aucun autre motif à faire valoir dans la lettre actant la mise à la retraite si les conditions requises sont remplies, notamment la possibilité d’obtenir une retraite à taux plein.

 

 

Cour de cassation

 

 

 

Chambre sociale

Audience publique du mardi 26 novembre 2013

N° de pourvoi: 12-21758 12-22200

 

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Y 12-21.758 et D 12-22.200 ;

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Européenne de produits de beauté en décembre 1986 en qualité de directeur technique recherche et développement de l'usine de Bezons et occupant en dernier lieu les fonctions de « vice-président » recherche et développement produits de soins international, a, alors qu'il était âgé de 65 ans, été mis à la retraite par lettre du 19 septembre 2007 avec effet au 20 mars 2008 ;

 

Sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :

Vu les articles L. 122-14-13 et L. 122-45 du code du travail, alors applicables, devenus L. 1237-5, L. 1132-1 et L. 1132-4 du même code, et 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

 

Attendu qu'aux termes de ce dernier texte, des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; que tel est le cas des dispositions du code du travail relatives à la mise à la retraite mettant en oeuvre, dans un objectif de politique sociale, le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre et en subordonnant la mise à la retraite à la condition que le salarié bénéficie d'une pension à taux plein ; que dès lors que ces dispositions, de portée générale, satisfont aux exigences de la directive, il ne peut être imposé à l'employeur de justifier que leur mise en oeuvre à l'égard d'un salarié qui remplit les conditions légales d'une mise à la retraite répond aux objectifs poursuivis ;

 

Attendu que pour requalifier la mise à la retraite de M. X... en licenciement nul comme fondé sur un critère d'âge, l'arrêt retient que la lettre de mise à la retraite de M. X... se contente de renvoyer à l'intérêt du salarié lui-même sans rattacher cette mesure à un objectif légitime et proportionné, extérieur à sa situation ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la mise à la retraite du salarié était intervenue dans les conditions prévues par le code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.