Harcèlement moral : l'action d'un syndicat en réparation du préjudice subi par un salarié titulaire d'un mandat représentatif ou syndical est reconnue

Syndicats
Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

Par un arrêt rendu le 10 juillet 2024, la Cour de Cassation apporte des nouvelles précisions concernant les cas où un syndicat est habilité à agir aux côtés d’un salarié détenteur d'un mandat représentatif ou syndical ayant subi un harcèlement moral.

Pour rappel :

L’article L2132-3 du Code du travail dispose que : «  Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice.  Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ».

Qu’est ce qui relève donc de cet intérêt collectif de la profession aux termes de l’article L2132-3 du Code du travail ? La présente affaire constitue une nouvelle illustration. Elle concerne un salarié occupant le poste de chef de projet qui s’estime être victime d’un harcèlement moral. Celui-ci saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes, invoquant principalement une aggravation de sa mise à l'écart constitutive de harcèlement moral à compter de sa désignation en qualité de membre au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Considérant que ces faits portent atteinte à l’intérêt collectif de la profession, le syndicat d’appartenance du salarié intervient volontairement à l'instance.

Devant la cour d’appel, statuant sur renvoi après cassation, les requérants obtiennent gain de cause. La cour condamne l’employeur à verser des dommages et intérêts au salarié mais également au syndicat en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession. L’employeur se pourvoit ainsi en cassation. Il soutient qu'une situation de harcèlement moral « au préjudice d'un salarié » ne porte pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession, de sorte à justifier l’action du syndicat.

La Cour de Cassation n’est pas du même avis. Tout en rappelant les dispositions de l’article L2132-3 du Code du travail, elle en tire « qu'un syndicat, lorsque les éléments invoqués par un salarié titulaire d'un mandat syndical ou représentatif comme laissant supposer un harcèlement moral sont en lien avec l'exercice des fonctions syndicales ou représentatives de ce salarié, est recevable à agir en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession ». Autrement dit, un syndicat est habilité à agir au nom de l’intérêt collectif de la profession, à condition néanmoins queles faits de harcèlement allégués par le salarié soient en lien avec l’exercice de ses fonctions syndicales ou représentatives.

Pour la Haute juridiction, ces conditions s’avèrent bien remplies en l’espèce : les faits allégués par le salarié, membre du CHSCT, étaient en lien avec son mandat puisque celui-ci, pour soutenir sa demande au titre d'un harcèlement moral, invoque notamment « l'aggravation de sa mise à l'écart à compter de sa désignation en qualité de membre du CHSCT », ainsi que « son exclusion de la distribution des plannings de travaux». Ces faits étant par ailleurs appuyés par un courrier envoyé par le syndicat à l’employeur l’alertant de la « placardisation » dont le salarié faisait l’objet, tout comme par un rapport d’enquête établi à la demande du CHSCT stigmatisant la mise à l’écart de représentants du personnel.

Cass., Soc., Pourvoi n° 22-22.803