Etude INED : Espérance de vie : peut-on gagner trois mois par an indéfiniment?

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- Auteur(e) : Hakim El Fattah

INED, Population et Sociétés, n°473 - Décembre 2010.

L'Institut national d'étude démographique a soulevé, dans une étude publiée en mois de décembre 2010, une question fort intéressante : l'espérance de vie qui a connu une progression spectaculaire, en France notamment, où elle était dans les années 1750-1759 d'environ 27 ans pour les hommes et 28 ans pour les femmes, et atteint aujourd'hui près de 78 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes, peut-elle continuer sur cette voie encore longtemps?   

 

Cette question est d'autant plus importante que la progression de l'espérance de vie a constitué un des arguments avancés par le gouvernement pour justifier le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite décidé à l'occasion de la réforme adoptée en mois de novembre dernier.

 

L'INED rappelle que "la question n'est pas nouvelle et régulièrement, d'éminents démographes ont tenté de prévoir le niveau au-delà duquel l'espérance de vie, butant sur les limites de la biologie humaine, ne pourra plus augmenter. Tout aussi régulièrement les limites ainsi annoncées ont été dépassées".  

 

Comment démêler le vrai du faux dans ces analyses? S'appuyant sur les maximums réellement observés au cours du temps dans des pays comme la Suède, la Finlande, l'Angleterre, le Danemark, la Norvège et l'Australie, Jacques Vallin et France Meslé de l'INED font remarquer que les évolutions positives observées dans ces pays sont à nuancer en raison d'une part du point de départ (1841) tardif : une part importante du chemin avait déjà été faite; et d'autre part, en raison de la prise en compte de données inappropriées.

 

Ils citent à cet égard, deux exemples :"les points hauts fournis par la Norvège dans les années 1840 et 1850" qui "surestimaient la réalité" et "l'entrée en scène de la Nouvelle-Zélande en 1876 sur la base de sa seule population non Maori" qui "introduisait des espérances de vie calculées pour une très petite population hypersélectionnée par la migration et donc anormalement élevées".            

 

Ces nuances étant faites, les deux auteurs décrivent les changements de rythmes dans l'évolution de l'espérance de vie, à partir du XVIII° siècle, comme suit : 

- Avant 1790, aucun progrès ne semble avoir eu lieu;

- De 1790 à 1885, l'espérance de vie maximum décolle fermement (près de 12%);

- De 1885 à 1960, un progrès très rapide de 4 mois d'espérance de vie par an;

 

Les progrès réalisés durant ces deux dernières périodes coïncident, comme le rappelle l'étude de l'INED, avec des innovations médicales majeures notamment les vaccins. 

- Dans les années 1960, fort ralentissement de la progression de l'espérance de vie maximum à un niveau qui correspond, d'après les auteurs de cette étude, à la "limite biologique" entrevue par Jean Bourgeois-Pichat en 1952.

L'espérance de vie a-t-elle alors plafonné? Cela aurait pu être le cas sans la "révolution cardio-vasculaire" des années 1970, jugent les auteurs de l'étude qui estiment que "cette nouvelle stratégie de lutte contre la mort a ... permis de renouer avec une progression linéaire forte de l'espérance de vie maximum, mais au rythme tout de même moins rapide qu'auparavant (23%, un peu moins de 3 mois par an)". 

 

Aujourd'hui cependant, "l'essentiel des bénéfices de cette révolution cardio-vasculaire est sans doute déjà derrière nous, du moins dans les pays les plus avancés", souligne l'étude de l'INED qui met en avant un autre facteur qui pourrait jouer un rôle dans "le recul de la mortalité aux très grands âges" : "l'attention grandissante portée aux personnes âgées dans le domaine de leur santé au quotidien, plus grande et plus efficace dans les sociétés les plus solidaires".

 

Mais, "il faudrait en connaître plus sur la réalité et l'avenir de cette nouvelle phase de la transition sanitaire" pour pouvoir apporter des réponses satisfaisantes quant aux perspectives d'allongements de la vie encore possibles, conclut l'étude.   

 

 

Source : www.ined.fr/fr/ressources_documentation/publications/pop_soc/