En tant que mesure d'âge, le "CDD senior" est-il conforme au droit communautaire ?

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- Auteur(e) : Tiphaine Garat

Age et discrimination

 

 

Le CDD senior étant soumis à une condition d’âge, 57 ans et plus, la question s’est naturellement posée de savoir si ce dispositif était condamnable en application de la directive n°2000/78/CE [1] portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et prohibant les discriminations fondées sur l’âge, sauf si elles sont justifiées par un objectif légitime(par exemple la politique de l’emploi) et à condition d’apporter une réponse efficace et proportionnée. Les moyens de réaliser cet objectif doivent être appropriés et nécessaires.

 

Ces différences de traitement autorisés peuvent selon la directive, comprendre entre autres des conditions spéciales d’emploi, notamment pour les travailleurs âgés, « en vue de favoriser leur insertion professionnelle(...) ».

 

Toutefois, avec l’arrêt Mangold du 22 novembre 2005 [2], la Cour de Justice des Communautés Européennes a montré sa volonté d’opérer un contrôle approfondi, d’une part, sur la légitimité de l’objectif poursuivi et, d’autre part, sur la pertinence des moyens mis en oeuvre.

 

Selon elle, même si l’objectif d’insertion professionnelle des travailleurs âgés constitue un objectif légitime de nature à justifier des mesures d’âge, les moyens mis en oeuvre par le législateur allemand qui autorisait la conclusion d’un nombre indéfini de CDD avec un salarié âgé de plus de 52 ans s’avéraient inappropriés. En effet, aucune autre distinction que celle de l’âge, n’était posée par la loi allemande du 23 décembre 2002. Le texte allemand est censuré par le juge communautaire sur le terrain de la discrimination : jugé excessif, il soumet les seniors à une discrimination inutile au regard du but légitime proclamé.

 

Qu’en est-il du "CDD senior" ?

 

L’objectif poursuivi est double. Il s’agit de favoriser le retour à l’emploi des plus de 57 ans mais aussi de leur permettre d’acquérir, par leur activité, des droits supplémentaires en vue de la liquidation de leur retraite à taux plein. On peut penser que la CJCE admettrait la légitimité de tels motifs, en tous cas le premier des deux.

 

Les moyens mis en oeuvre sont-ils appropriés et nécessaires ? Contrairement à la législation allemande sanctionnée dans l’affaire Mangold, le dispositif envisagé est plus encadré et concerne des demandeurs d’emploi (depuis 3 mois) ou des bénéficiaires de la convention de reclassement personnalisé (immédiatement). Par ailleurs, le contrat est limité dans le temps (18 mois renouvellable 1 fois) même si cette limite est supérieure au droit commun. En outre, contrairement aux prévisions de la loi allemande censurée, les successions de contrats précaires avec le même salarié sont interdites.

 

Ainsi, sur tous ces points, le "CDD senior" est conforme au droit communautaire. Néanmoins, certains de s’interroger sur le choix de la limite d’âge. Peut-il être « objectivement et raisonnablement justifié » ? La situation de l’emploi est-elle plus problématique à 57 ans qu’à 55 ans ? La CJCE pourrait trouver cette limite d’âge inappropriée.