Eligibilité au CSE d'un salarié titulaire d'une délégation de pouvoirs de l'employeur : la Cour de Cassation précise les règles

Instances repésentatives du personnel

- Auteur(e) : Ali-Mehdi Oucherif et Evdokia Maria Liakopoulou

La chambre sociale de la Cour de cassation a pu, en date du 19 janvier 2022, se pencher sur l'éligibilité du salarié titulaire d'une délégation de pouvoirs de l'employeur aux élections professionnelles du CSE.

En l’espèce, un syndicat avait présenté une candidate occupant le poste de responsable sécurité de l’établissement, en vue d’une élection de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE). Un autre syndicat avait par la suite saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de cette candidature. La candidate ayant été élue, ce même syndicat a par la suite saisi le tribunal en annulation de cette élection.

Le syndicat considère en effet que :

  • Les premiers juges devraient rechercher si la candidate en question représentait l’employeur devant les institutions représentatives du personnel, même en absence de délégation écrite de pouvoir l’ayant comme bénéficiaire ;
  • La candidate en question ne peut pas être éligible au CSE en étant, dans le même temps, membre de droit de ce même comité avec voix consultative en sa qualité de responsable interne du service de sécurité et d’hygiène.

La Cour de Cassation, en s’appuyant sur une jurisprudence constante, admet que : «ne peuvent exercer un mandat de représentation, les salariés qui, soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement leur employeur devant les institutions représentatives du personnel ou exercent au niveau de l’entreprise à l’égard des représentants du personnel les obligations relevant exclusivement du chef d’entreprise». 

Or, en se basant sur l'article L. 2314-3 du code du travail, la Cour considère que «le responsable interne du service de sécurité et des conditions de travail, ou, à défaut, l'agent chargé de la sécurité et des conditions de travail, assiste aux réunions du comité social et économique en matière de santé, de sécurité ou des conditions de travail, prévues aux deux premiers alinéas de l'article L. 2315-27 du même code, et, le cas échéant, aux réunions de la commission santé, sécurité et conditions de travail, avec voix consultative». Elle admet donc que  «dès qu'ils interviennent de façon ponctuelle lors de ces réunions afin d'éclairer les membres du comité social et économique et disposent d'une voix seulement consultative, le responsable du service de sécurité et des conditions de travail, ainsi que l'agent chargé de la sécurité et des conditions de travail, ne représentent pas l'employeur devant les institutions représentatives du personnel». La Cour de cassation en conclut donc qu'ils sont éligibles au CSE.

Conséquemment, la Cour rejette la demande d’annulation de la candidature à l'élection des membres du CSE en indiquant que la salariée ne disposait pas, en l’espèce, d'une délégation de pouvoirs de l'employeur.

Cette décision fait écho à une décision QPC du 19 novembre 2021 où le Conseil Constitutionnel avait déjà pu censurer un article au motif que l’exclusion de la qualité d’électeurs des salariés titulaires d’une délégation de pouvoir ou d’un pouvoir de représentation était contraire au principe de la liberté des travailleurs garanti par le texte constitutionnel.

Si, dans cet arrêt, la Cour de Cassation ne se penche pas, depuis la décision du Conseil Constitutionnel, sur le caractère d'électeur des salariés titulaires de la délégation de pouvoirs de l’employeur, elle ajoute des limites face à leur éligibilité.

 

Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 19-25.982.