Egalité professionnelle hommes/femmes : un décret précise le cadre réglementaire des accords et plans d'action

Égalité professionnelle F/H

- Auteur(e) : Hakim El Fattah

Le législateur de 2010 engage, à travers la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, fortement les entreprises d'au moins 50 salariés à s'attaquer au problème des inégalités en matière professionnelle entre les hommes et les femmes. Elles devront, avant le 1er janvier 2012 et sous peine de sanction financière, conclure un accord collectif ou, à défaut, élaborer un plan d'action. Un décret du 7 juillet 2011 précise le cadre réglementaire de cette obligation.

 

L'obligation ainsi faite aux entreprises de négocier en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes n'est pas nouvelle. Elle fait partie des thèmes sur lesquels les entreprises doivent obligatoirement négocier chaque année. La loi innove, néanmoins, en prévoyant d'une part que les entreprises ne peuvent pas se contenter de négocier, mais qu'elles doivent signer un accord collectif ou, à défaut, d'élaborer un plan d'action. Et d'autre part, les pouvoirs publics ont estimé que la sanction pénale (la soustraction à l'obligation annuelle obligatoire est punie d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende- Article L. 2243-2 du code du travail) est "trop lourde" (voir l' étude d'impact portant sur le projet de loi relatif à la réforme des retraites de 2010); par conséquent, "une sanction de type administratif a plus de chance d'être appliquée et donc de rendre effective l'obligation pour l'entreprise" de se doter d'un accord collectif ou, à défaut, d'un plan d'action. D'où l'idée d'une sanction financière* à l'encontre des entreprises réfractaires.     

Contenu de l'accord collectif ou du plan d'action       

Le contenu de l'accord ou, à défaut, du plan d'action est fonction de l'effectif de l'entreprise.  

  • Entreprises de moins de trois cents salariés

Les entreprises doivent, à travers l'accord ou le plan d'action, fixer les objectifs de progression et les actions permettant de les atteindre dans au moins deux des domaines suivants : embauche, formation, promotion professionnelle, qualification, classification, conditions de travail, rémunération effective, articulation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale.

  • Entreprises de trois cents salariés et plus

Dans ce cas, les entreprises doivent, à travers l'accord ou le plan d'action, fixer les objectifs de progression et les actions permettant de les atteindre dans au moins trois des domaines précités. 

Dans ces deux cas de figure, les objectifs de progression et les actions prévus doivent être accompagnés d'indicateurs chiffrés

Durée de l'accord ou du plan d'action

Bien que la loi soit muette sur le sujet, l'article L. 2242-5 al.2 du code du travail préexistant à la loi du 9 novembre 2010 prévoit explicitement que lorsque un accord sur les objectifs d'égalité professionnelle entre les femmes et les femmes est signé dans l'entreprise, la périodicité de la négociation est portée à 3 ans. On peut donc a priori penser que les accords et plans d'action à venir auront la même périodicité.     

Rôle actif de l'administration du travail 

Dans un souci d'efficacité, le législateur de 2010 a prévu une pénalité de 1% maximum de la masse salariale à l'encontre des entreprises qui ne s'engageraient pas dans une démache active (accord collectif ou plan d'action) en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. 

L'objectif à travers cette sanction n'est pour autant pas de "récolter des fonds". Aussi, l'administration du travail se voit confier un rôle actif quant au contrôle du respect de la nouvelle obligation légale. Ainsi, lorsque l'inspecteur ou le contrôleur du travail constate qu'une entreprise ne s'est pas dotée d'un accord collectif ou, à défaut, d'un plan d'action, il met en demeure l'employeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de remédier à cette situation dans un délai de six mois.

L'employeur doit, avant l'expiration de ce délai, lui communiquer l'accord ou, à défaut, le plan d'action mis en place ou modifié, également par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. S'il n'est pas en mesure de communiquer l'un ou l'autre, il justifie des motifs de la défaillance de l'entreprise au regard de cette obligation. Il peut être entendu à sa demande.

Phase ultime : la pénalité 

A l'issue du délai de six mois, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide s'il y a lieu d'appliquer une sanction financière et d'en fixer le taux.

Le DIRECCTE tient compte des motifs de défaillance dont l'employeur a justifié, des mesures prises par l'entreprise en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de la bonne foi de l'employeur. Parmi les motifs de défaillance recevables : 

- la survenance de difficultés économiques de l'entreprise;

- les restructurations ou fusions en cours;

- l'existence d'une procédure collective en cours;

- le franchissement du seuil d'effectifs au cours des douze mois précédant celui de l'envoi de la mise en demeure de l'administration. 

La pénalité est calculée sur la base des rémunérations et gains versés pour chaque mois entier à compter du terme de la mise en demeure. Elle est due jusqu'à la réception par l'inspection du travail de l'accord relatif à l'égalité professionnelle ou du plan d'action. 

Le DIRECCTE adresse à l'employeur qui n'a pas rempli ses obligations légales, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une notification motivée du taux de la pénalité qui lui est appliquée, dans le délai d'un mois à compter de la date d'expiration de la mise en demeure et lui demande de communiquer en retour le montant des gains et rémunérations servant de base au calcul de la pénalité dans le délai d'un mois. A défaut, la pénalité est calculée sur la base de deux fois la valeur du plafond mensuel de la sécurité sociale par mois. 

Rapport de situation comparée : à la recherche d'une plus grande efficacité

L'on sait que chaque année, dansles entreprises de trois cents salariés et plus, l'employeur soumet pour avis au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, soit directement, soit, si elle existe, par l'intermédiaire de la commission de l'égalité professionnelle, un rapport écrit sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise

Dans les entreprises de moins de trois cents salariés, l'employeur est tenu de remettre au comité d'entreprise un rapport sur la situation économique de l'entreprise; ce rapport porte notamment sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes.

Créé par la loi du 13 juillet 1983, le rapport de situation comparée (RSC) s'inscrit dans l'idée qu'"il ne peut y avoir de réduction des écarts sans établissement effectif d'un diagnostic préalable de la situation comparée des femmes et des hommes dans l'entreprise" (voir l' étude d'impact portant sur le projet de loi relatif à la réforme des retraites de 2010). Or, l'obligation légale d'élaborer ce rapport n'est que peu respectée. Le rapport remis par Madame Grésy de l'IGAS au ministre chargé du travail en juillet 2009 indiquait que 45% des entreprises n'élaborent pas le rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes. 

Pour créer les conditions de sortie de cette situation de "relative inertie en matière d'égalité -notamment salariale- entre les hommes et les femmes" (étude d'impact), le gouvernement avait envisagé dans un premier temps d'assortir cette obligation d'une sanction financière. Finalement, cette option n'a pas été retenue dans la version définitive de la loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010. Cependant, elle a introduit des modifications dans le contenu du rapport écrit sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise pour les entreprises de 300 salariés et plus et dans le contenu du rapport sur la situation économique de l'entreprise pour les entreprises de moins de 300 salariés.

Désormais, ces rapports doivent établir un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l'année écoulée, ce plan d'action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l'année à venir, la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre et l'évaluation de leur coût.

Une synthèse de ce plan d'action, comprenant au minimum des indicateurs et objectifs de progression, est portée à la connaissance des salariés par l'employeur, par voie d'affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d'exercice de l'activité de l'entreprise. Elle est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande et publiée sur le site internet de l'entreprise lorsqu'il en existe un.

Le décret du 7 juillet 2011 indique que cette synthèse du plan d'action comprend au minimum des indicateurs portant sur la situation respective des femmes et des hommes par rapport : 

- au salaire médian ou au salaire moyen;

- à la durée moyenne entre deux promotions;

- à l'exercice de fonctions d'encadrement ou décisionnelles.

Ce même texte précise que la synthèse comprend également les objectifs de progression et les actions accompagnés d'indicateurs chiffrés.


* La sanction financière ne se substitue pas à la sanction pénale. Cette dernière reste en vigueur. Les domaines d'application de ces deux types de sanctions sont distincts. 

Pour en savoir plus : www.travail-emploi-sante.gouv.fr/espaces,770/travail,771/dossiers,156/gestion-des-ressources-humaines,474/egalite-professionnelle,506/

Egalement sur notre site une liste non exhaustive des accords collectifs sur l'égalité professionnelle.