Dossier réforme des retraites: Redistribution et solidarité : aujourd’hui et demain ?

Publics prioritaires

- Auteur(e) : Guillaume Nierengaten, Céline Durna, Catherine Greven et Esmira Salihovic

Dossier Réforme de la retraite: Redistribution et solidarité : aujourd’hui et demain ?

)  

 

Dans le cadre de la réforme du régime de retraite, le site dialogue social travaille à l’élaboration d’un dossier complet.


Guillaume Nierengaten, étudiant en 1ère année AES à l'Université de Strasbourg, Céline Durna, Catherine Greven et Esmira Salihovicdirigé par Fabienne MULLER, ont créé à cet effet un outil pédagogique relatif au fonctionnement du nouveau système juridique.

 

Ainsi, cette étude met en exergue les nouvelles conceptions des concepts de solidarité et de redistribution sous le prisme de la nouvelle réforme des retraites.

  Les éléments soulignés sont des liens hypertexte vous permettant d’accéder directement aux sources utilisées ou réaliser certains calculs.


Le système actuel permet aux salariés de compenser les périodes de chômage, de

 

maladie, d’invalidité et d’éducation des enfants

Les périodes involontairement non cotisées sont prises en compte dans la durée d’assurance qui entre en jeu pour l’accès à une retraite à taux plein (50% si l’assuré justifie de la durée d’assurance requise pour sa génération)

 


 

ØEn cas de chômage

 

Chômage indemnisé : 1 trimestre pour chaque période de 50 jours dans la limite de 4 trimestres par année

Chômage non indemnisé : un trimestre par période de 50 jours civils.

-         Si le chômeur n'a jamais été indemnisé :

o   Avant 2011 : Possibilité de valider des trimestres dans la limite de 1 an maximum

o   Après 2011 : Possibilité de valider des trimestres dans la limite de 1 an et demi maximum (6 trimestres)

-         Si le chômeur a cessé d'être indemnisé :

o   1ère période de chômage non indemnisé : possibilité de valider des trimestres dans la limite de 1 an et demi maximum (6 trimestres)

o   Pour les périodes de chômages ultérieures : possibilité de valider des trimestres dans la limite de 1 an maximum et dans la limite de 5 ans si certaines conditions sont remplies : justifier de 20 ans de cotisation retraite, être âgé d’au moins 55 ans 

 

 

ØEn cas de maladie

 

1 trimestre validé par période de 60 jours d'indemnité maladie dans la limite de 4 trimestres par année.

 

ØEn cas d’invalidité

 

Une période assimilée est validée pour chaque trimestre civil qui comprend 3 mensualités de paiement de la pension d'invalidité.

 

ØEn cas de maternité

 

1 trimestre validé par période de 90 jours d’indemnités journalières au titre de la maternité.

 

ØL’Éducation des enfants

 

4 trimestres maximum par enfant sont attribués à la mère ou au père dans les 4 années qui suivent la naissance ou l’adoption.

Conditions :

-   Justifier de la qualité d'assuré social

-   Ne pas avoir été privé de l'autorité parental et avoir résidé avec l'enfant pendant tout

ou en parties des 4 années suivant la naissance ou l'adoption de l'enfant

-  Chacun des deux parents doit justifier d’au moins 8 trimestres d’assurance à un régime de sécurité sociale obligatoire d’un pays de la zone d’application des règlements européens (cette condition n’est pas exigée si un seul parent a élevé l’enfant pendant tout ou partie de la période de 4 ans).

 L’impact des droits non contributifs sur les durées d’assurance requises


Le système actuel repose sur une durée d’assurance qui augmente ; le tableau ci-dessous permet de constater que les durées validées (hors majoration de durée d’assurance pour enfants à charge) permettent d’améliorer la durée d’assurance de 10 trimestres pour les hommes et de 22 trimestres pour les femmes en 2018.  Il réduit donc la décote que subiraient ces assurés sans cette validation gratuite. Avec la majoration pour éducation des enfants, les femmes passent de 121 trimestres cotisées à 161 trimestres validés !!

 

 

Source : programme de qualité et d’efficience Retraites- PLFSS pour 2019

 2)          Les minimas de pension

Objectif : Logique de soutien de la pension des personnes à carrière complète avec de faibles revenus. Il assure un montant minimal de retraite lors de la liquidation.

Le minimum contributif (MICO)pour les salariés et les travailleurs indépendants du régime général, et les salariés du régime agricole

Le montant de la pension de retraite versée à taux plein par le régime général ne peut être inférieur à un montant minimum, appelé minimum contri­butif.

Le minimum garanti (MIGA)dans la fonction publique

La pension minimale de référence (PMR) pour les non-salariés agricoles (exploitants)

 

Le minimum contributif

Le minimum garanti

La pension minimale de référence

Conditions d’attribution

Taux plein (67 ans ou remplir la durée d’assurance requise)

 

3 possibilités pour le fonctionnaire :

 

SOIT valider tous ses trimestres

SOIT atteindre l’âge d’annulation de décote

SOIT liquider son droit à pension au titre de l’invalidité

 

 

Avoir liquidé une retraite non-salariée agricole à taux plein ainsi que toutes les autres pensions des régimes dans lesquels ils ont été affiliés.

 

 

Conditions de ressources

Montant total des pensions personnelles de retraite

< 1177,44€ par mois (2019).

 

 

Montant versé

Moins de 120 trimestres cotisés : 7638, 78 € par an (636€50 par mois)

Plus de 120 trimestres : 8347,09€ par an (695€59 par mois)

 

Le versement du minimum contributif ne peut avoir pour conséquence de porter le total des pensions de retraite au-delà de 1177,44 € sinon la majoration est réduite à ce montant.

40 ans de service : 1170,82 par mois

 

Entre 15 ans et 39 ans de service :

Pour les 15 premières années de services : 57,5% du montant du traitement indiciaire brut

Puis augmenté de 2,5 points par année supplémentaire de services entre 15 et 30 ans,

Puis de 0,5 point par année supplémentaire entre 30 et 39 ans.

 

Moins de 15 ans de service : 1 170,82 € x nombre d'années de services / nombre de trimestres d'assurance requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein.

La majoration prend effet si la somme de toutes les pensions de retraite obligatoire perçues (de base et complémentaire) au sein du régime ne dépasse pas un plafond de 852,39 € par mois.

 

Les femmes sont les premières bénéficiaires du minimum contributif en raison de la faiblesse de leur pension (77% des bénéficiaires en 2017)

 

3)    Allocation de Solidarité aux Personnes Agées :

Objectif : lutter contre la pauvreté

Conditions d’attributions :

-   Âge : 65 ans ou 62 ans si l’assuré est atteint d’un taux d’incapacité permanent d’au moins 50%

-      Ressources mensuelles < 868,20€ pour une personne seule et 1347,88€ pour un couple (une liste exhaustive des ressources à prendre en compte est consultable sur le site officiel du service public) 

-      Résidence : vivre sur le territoire français plus de 6 mois dans l’année

ðLe site officiel met en place un simulateur permettant de tester l’éligibilité des assurés au dispositif.

Financement : Fond de solidarité vieillesse.

Contrairement aux minimas de pension, il s’agit d’une allocation financée par l’État qui n’exige pas de contribution minimum et qui ne tient compte que de la situation sociale du potentiel bénéficiaire. 

Les sommes versées au titre de l’allocation sont récupérables après le décès du bénéficiaire sur la succession si l’actif net de la succession dépasse 39 000€. La prescription est de 5 ans à partir de l'enregistrement d'un écrit ou d'une déclaration mentionnant la date et le lieu du décès du défunt ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droit. 

Grâce à ces dispositifs, le pourcentage de personnes âgées ayant un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté est plus faible que dans l’ensemble de la population

                            Source : programme de qualité et d’efficience Retraites- PLFSS pour 2019


4)          Impact de la réforme à venir

« Dans un système unifié en points , le coeur du système n’opère pas de redistribution en fonction du niveau de rémunération (contrairement au système actuel) :

–Le montant de la pension est proportionnel au niveau de rémunération

–Le taux de remplacement (par rapport au salaire moyen de carrière) est constant

–Les inégalités de pension reproduisent les inégalités de niveau de rémunération »

COR, 24 mai 2018, Minima de pension et plafonnement

Il faudra donc suivre attentivement le projet de réforme pour identifier la manière dont il entend garantir ces solidarités à l’avenir

Les pistes

1)          Sur les périodes assimilés

 Dans un régime de retraite en points, les dispositifs de solidarités devront être adaptés afin de répondre à la logique de ce régime qui est d’attribuer des points en se fondant sur l’effort contributif c’est-à-dire les cotisations versées.

Pour les périodes assimilés comme le chômage, la maladie, ou l’invalidité, il serait nécessaire de disposer d’un salaire de référence qui, en fonction de la durée de la période d’inactivité, permettrait d’acquérir un certain nombre de points. Le salaire de référence pourrait être le dernier salaire de l’assuré ou le salaire moyen de carrière de l’assuré ou bien, le montant des indemnités perçues.

Par exemple, en Allemagne, pour une période de chômage indemnisé, le salaire de référence est le dernier salaire de l’assuré. Dans ce cas, les points attribués sont validés à hauteur d’un salaire correspondant à 80% du dernier revenu d’activité.

Pour la majoration de durée d’assurance (MDA) pour enfant, des points pourraient être attribués sur la base d’un salaire fictif ou de façon forfaitaire.

2)          Sur les minimas

Le minimum de pension dans un régime de retraite en points supposerait d’abord d’établir le nombre de points garantis pour une année par ce minimum. Une fois ce minimum déterminé, deux modes de calculs pourraient être retenus :

Soit un mode de calcul reposant sur une « garantie annuelle de points » : dans ce cas, l’assuré acquiert un nombre minimal de points chaque année dès lors qu’il a cotisé ou validé des droits non contributifs durant cette période. L’assuré verra ses droits portés au minimum de pension toutes les années où il aura acquis moins de points que ceux garantis par ce minimum.  

Exemple :

-         Le minimum de pension garantit 100 points par an

-         Un assuré acquiert 40 points au titre d’une année

ðL’assuré verra ses droits portés à 100 points car il est en dessous du nombre de points garantis par le minimum de pension. Ces points sont définitivement acquis.

 Soit un mode de calcul reposant sur une « garantie globale de points » : dans ce cas, l’assuré acquiert sur l’ensemble de sa carrière un nombre minimal de points qui sont proportionnels à la durée de sa carrière. Ici, la durée de carrière de l’assuré est multipliée par le nombre de points garantis par le minimum de pension. Si l’assuré a, tout au long de sa carrière, acquis moins de points que ceux garantis par le minimum de pension, ses droits seront portés à ce minimum.

Exemple :

-         Le minimum de pension garantit 100 points par an

-         Un assuré travaille pendant 40 ans et acquiert 50 points par an

-         L’assuré acquiert 2000 points (40 x50) au cours de sa carrière.

-         Le minimum de pension garantie 4000 points (40x100) pour 40 ans de carrière.

 

ðVu que les points acquis par l’assuré au cours de sa carrière sont inférieurs aux points garantis par le minimum de pension, on portera les droits de cet assuré à ce minimum et donc on retiendra 4000 points. 

Ces deux modes de calculs continueraient de garantir à ceux qui acquièrent peu de points au cours de leurs carrières un montant minimal de pension. Toutefois, il semblerait que le mode de calcul reposant sur une garantie annuelle de points soit plus conforme à un système en points puisque les droits sont attribués en fonction du montant des cotisations et non en fonction de la durée de carrière.

3)          Sur les modes de financement

En ce qui concerne les modes de financement des dispositifs de solidarité dans un système en points, on peut prévoir deux modes de financement :

-         Soit un financement interne au régime (implicite) : dans ce cas le financement est à la charge de l’ensemble des assurés. Cette prise en charge collective entraîne une minoration des droits à pension des assurés.

-         Soit un financement externe au régime (explicite) : dans ce cas le financement est assuré par un tiers (État, fonds). C’est un financement qui est plus conforme à la logique contributive des points car, dans ce cas, la contrepartie des droits serait facilement identifiable et les droits attribués au titre de la solidarité n’influeraient pas sur le rendement du régime.

 ðCe deuxième mode de financement est notamment utilisé en Allemagne ou l’agence du travail allemande finance les droits attribués au titre de la solidarité.