S’estimant victime d’une discrimination fondée sur l’âge, un cadre a assigné son employeur, la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA), devant la juridiction prud’homale. Il conteste, entre autres, le plafonnement du montant de l’indemnité de licenciement, qui serait constitutif d’une discrimination indirecte préjudiciable aux salariés les plus âgés.
En effet, l’article 12 de la convention collective d’entreprise du 13 juin 1991 de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles prévoit que l’indemnité de licenciement ne peut être supérieure à un plafond correspondant au montant alloué à un salarié ayant douze années d’ancienneté.
Les juges du fond avaient estimé que le plafonnement de l’indemnité de licenciement n’était pas opposable au salarié. Pour eux, bien que l’article litigieux comporte des avantages supérieurs à ceux de la loi, il n’en demeure pas moins que cette disposition présente un caractère discriminatoire pour les salariés justifiant d’une ancienneté supérieure à douze ans (le salarié a, en l’occurrence, vingt-neuf ans d’ancienneté), et qu’à ce titre, elle doit être réputée non écrite.
La Cour de cassation rejette les arguments des juges du fond, et ne tient nullement compte de leur raisonnement.
Ainsi, visant l’article L. 1132-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78 CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, et l’article 12 de la convention collective d’entreprise du 13 juin 1991, elle affirme qu’il n’y a de discrimination indirecte en raison de l’âge que lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un âge donné par rapport à d’autres personnes à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires.
La Haute Cour estime ensuite que la Cour d’appel a violé les textes susvisés car, d’une part, cette Cour d’appel avait relevé que les salariés ayant au moins douze ans d’ancienneté percevaient une indemnité de licenciement supérieure au montant légal, et, d’autre part, il ne résultait pas de ses constatations que le plafonnement de l’indemnité de licenciement avait pour effet de désavantager les salariés du fait de leur âge.
Cet arrêt de la Cour de cassation est pour le moins curieux, car en l’espèce, il y a bien discrimination. L’analyse des juges du fond, par ailleurs, très bien argumentée, le montre sans équivoque. Mais peut-être que la Cour de cassation a privilégié la sécurité juridique puisque une majorité des conventions collectives (par exemple, celle de l’industrie pharmaceutique) plafonne l’indemnité de licenciement. Autrement dit, au-delà d’une certaine ancienneté, le montant de l’indemnité n’augmente plus.
Par ailleurs, les conventions collectives étant un instrument de progrès social, il ne serait pas déraisonnable, de faire évoluer leur contenu en mettant fin à ces dispositions injustes pour les salariés qui font de longues carrières dans la même entreprise. Ce serait une manière de récompenser véritablement leur loyauté.
Enfin, étant donné que la Cour de cassation a décidé de renvoyer l’affaire devant la cour d’appel de Paris, il n’est pas à exclure une « rébellion » des juges du fond, qui refuseront peut-être de tirer les conséquences de la décision de cassation.