Dénonciation des faits de nature à caractériser un crime ou un délit : la Cour de Cassation précise les conditions de protection contre le licenciement

Emploi

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

La nullité du licenciement d’un salarié ayant dénoncé des faits, ne peut être prononcée que si ces faits sont susceptibles de caractériser un crime ou un délit. C’est ce qu’a retenu la Cour de Cassation, dans un  arrêt rendu le 1er juin 2023.

Pour rappel :

Selon l’article L1132-3-3 du Code du travail : « Aucune personne ayant témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont elle a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ou ayant relaté de tels faits ne peut faire l'objet des mesures mentionnées à l'article L. 1121-2. 

Les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article bénéficient des protections prévues aux I et III de l'article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».

Ainsi, l’article L1121-2 du Code du travail précise que : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ni faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat, ni de toute autre mesure mentionnée au II de l'article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, pour avoir signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la même loi ».

En l’espèce, un salarié a été embauché en qualité de directeur d’exploitation. Par un courriel envoyé au président de son entreprise, il dénonce la légalité ou la régularité de la procédure de mise en place d'une carte de fidélité. Précisément, il estime que cette opération allait supprimer du chiffre d'affaires. Un an après l’envoi de ce courriel, le salarié en question a été licencié pour faute grave et insuffisance professionnelle. Dans la lettre de licenciement, il lui est reproché que la dénonciation qu’il a fait était un stratagème sous forme de menace et de chantage pour obtenir une rupture conventionnelle.

Le salarié saisit les juges prud’homaux pour contester son licenciement et de demander des diverses sommes à titre de dommages et intérêts. La Cour d’appel fait droit à sa demande en relevant que le licenciement du salarié était consécutif, au moins pour partie, à une dénonciation d'un fait pouvant recevoir une qualification pénale. Elle en déduit alors que ce licenciement était nul. L’employer se pourvoit ainsi en cassation.

La Cour de Cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel. Elle rappelle tout d’abord « qu’aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté, de bonne foi, des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ou pour avoir signalé une alerte ». Selon la Cour, les juges d’appel ne se sont pas prononcés sur le caractère des faits dénoncés par le salarié, ceux-ci étant susceptibles de constituer un délit ou un crime. Elle renvoie ainsi l’affaire devant la Cour d’appel.  

Cass., Soc., Pourvoi n° 22-11.310