Au cours de ces deux dernières semaines, le gouvernement a adopté deux ordonnances successives comportant des mesures d’adaptation des délais applicables lorsque l’information ou la consultation du CSE porte sur les décisions de l’employeur ayant pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-10. La première est l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020, dont l’article 9 a rapidement été modifié par la seconde ordonnance n°2020-507 du 2 mai 2020. Deux décrets d’application sont également parus au journal officiel du 3 mai 2020, réduisant les délais en question. |
À l’approche du « déconfinement », fixé par le Président de la République au 11 mai, les entreprises sont contraintes de planifier la reprise de leur activité. Pour ce faire, elles vont très certainement devoir prendre des mesures de réorganisation et d’aménagement des conditions de travail, afin de protéger les salariés contre la contamination au Covid-19.
Pour rappel : Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, il est prévu à l’article L.2312-8 du code du travail que le Comité Social et Économique est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur « les conditions d’emploi, de travail (…) » et « (…) tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ». Cette consultation doit intervenir préalablement à la mise en oeuvre de ces mesures. |
Dans un premier temps, le gouvernement a adopté uneordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Celle-ci comporte une disposition prévoyant l’adaptation par décret des délais de consultation du CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés.
Ainsi, afin de « favoriser la reprise rapide de l'activité économique dans des conditions protectrices pour les salariés », le gouvernement souligne, dans son rapport relatif à l’ordonnance, la nécessité de pouvoir organiser la consultation « dans des conditions adaptées ».
Par conséquent, dans son article 9, l’ordonnance n°2020-460prévoit qu’un décret en Conseil d’État puisse adapter les délais conventionnels dans lesquels cette consultation intervient en les réduisant temporairement.
Plus précisément, ce décret devait définir les délais relatifs:
. À la consultation et à l’information du CSE sur les décisions de l'employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19;
. Au déroulement des expertises réalisées à la demande du comité social et économique dans le cadre de cette information-consultation.
Pour rappel : Dans les entreprises d’au moins 50 salariés : - l’article L.2312-55du code du travail dispose qu’un accord d’entreprise majoritaire, ou en l’absence de DS, un accord entre l’employeur et le CSE adopté à la majorité des membres titulaires, définit les délais de consultation du CSE. - à la lecture de l’articleL.2315-85du même code, le délai maximal dans lequel l’expert remet son rapport est également défini par accord d’entreprise ou accord conclu entre l’employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires.
En l’absence d’accord, des délais légaux supplétifs s’appliquent. - Selon l’article R.2312-6 du code du travail, le CSE est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai d’1 mois à compter de la communication par l'employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation ou de l'information par l'employeur de leur mise à disposition dans la BDES. En cas d’intervention d’un expert, ce délai est porté à 2 mois. En cas d'intervention d'une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultation se déroulant à la fois au niveau du CSE central et d'un ou plusieurs CSE d’établissement, ce délai est porté à 3 mois. - Selon l’articleR.2315-47 du même code, l'expert remet son rapport au plus tard 15 jours avant l'expiration des délais de consultation du CSE (2 mois ou 3 mois). |
Le rapport du gouvernement de cette ordonnance dans sa version publiée au JO le 23 avril 2020 ne mentionnant que l’adaptation des délais conventionnels, un doute persistait au sujet des entreprises dans lesquelles ces délais supplétifs s’appliquent.
Le gouvernement a finalement opté pour une seconde ordonnance n°2020-507 du 2 mai 2020 modifiant l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril, immédiatement suivie de deux décrets fixant son champ d’application et réduisant les délais de consultation du CSE, par dérogation aux délais légaux, réglementaires et conventionnels applicables. Ces textes sont parus au Journal Officiel du 3 mai 2020.
Note : Ce choix de modifier l’article 9 par l’adoption d’une nouvelle ordonnance est notamment justifié par l’omission initiale de la question des délais de l’ordre du jour du CSE, qui n’était pas visée dans l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020.
Les mesures sont applicables aux délais qui commencent à courir entre le 3 mai 2020, date de publication du décret au journal officiel, et le 23 août 2020.
Toutefois, il est précisé que certains délais ne sont pas concernés par ces mesures.
L’article 9 de l’ordonnance n°2020-460, dans sa version modifiée par l’ordonnance du 2 mai, ainsi que le décret n°2020-508 soulignent que sont exclus du champ, les délais d’informations-consultations menées dans le cadre des procédures suivantes :
-un PSE: lorsqu’un licenciement de plus de 10 salariés est envisagé dans une même période de 30 jours;
-un accord de performance collective (L.2254-2 du code du travail);
-les informations et consultations récurrentes sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière de l'entreprise et la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l’emploi (article L.2312-17 du code du travail).
Ces procédures ne sont donc pas concernées par les délais réduits.
I. Adaptation des délais d’information-consultation du CSE
· Réduction des délais pour l’information-consultation des CSE et pour la réalisation des expertises :
Comme prévu par l’article 9 de l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020, déjà antérieurement à sa modification par l’ordonnance du 2 mai, le décret d’application n°2020-508 définit les nouveaux délais fortement réduits relatifs à l’information-consultation du CSE, ainsi qu’au déroulement des expertises dans ce cadre.
Ces mesures exceptionnelles sont prises par dérogation aux dispositions légales ou conventionnelles normalement applicables, et concernent uniquement la consultation et l’expertise sur les décisions de l’employeur prises pour faire face aux conséquences de l’épidémie.
-Délais d’information et de consultation du comité :
Objet du délai | Délai légal (supplétif) | Nouveau délai (en jours calendaires) |
Délai de consultation du CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés en l’absence d’intervention d’un expert.
| Le CSE est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai de 1 mois à compter de la communication des informations par l’employeur. (Article R. 2312-6 I. al 1 et II. première phrase.) | 8 jours |
Délai de consultation du CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés en cas d’intervention d’un expert. | Le CSE est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l'expiration d'un délai de 2 mois à compter de la communication des informations. (Article R.2312-6I. al 2 et II. première phrase.) |
-Pour le comité central : 12 jours
-Pour les autres comités : 11 jours |
Délai de consultation en cas d'intervention d'une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultation se déroulant à la fois au niveau du comité central et d'un ou plusieurs comités d’établissement. | Le CSE est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l'expiration d'un délai de 3 mois à compter de la communication des informations. (Article R.2312-6I. al 3 et II. première phrase.) | 12 jours |
Délai minimal entre la transmission de l'avis de chaque comité d'établissement au comité central et la date à laquelle ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. | L’avis de chaque comité d'établissement est rendu et transmis au comité social et économique central au plus tard 7 jours avant la date à laquelle ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. (Article R.2312-6 II. deuxième phrase) | 1 jour |
-Délais des modalités d’expertise :
Objet du délai | Délai légal (supplétif) | Nouveau délai |
Délai dont dispose l'expert, à compter de sa désignation, pour demander à l'employeur toutes les informations complémentaires qu'il juge nécessaires à la réalisation de sa mission | 3 jours (Article R.2315-45première phrase) | 24 heures |
Délai dont dispose l'employeur pour répondre à cette demande | 5 jours (Article R.2315-45 deuxième phrase) | 24 heures |
Délai dont dispose l'expert pour notifier à l'employeur le coût prévisionnel, l'étendue et la durée d'expertise | 10 jours à compter de sa désignation (Article R.2315-46) | 48 heures à compter de sa désignation ou, si une demande a été adressée à l'employeur, 24 heures à compter de la réponse apportée ce dernier
|
Délai dont dispose l'employeur pour saisir le juge pour chacun des cas de recours prévus à l'article L. 2315-86 : 1° La délibération du comité social et économique décidant le recours à l'expertise s'il entend contester la nécessité de l'expertise ; 2° La désignation de l'expert par le comité social et économique s'il entend contester le choix de l'expert ; 3° La notification à l'employeur du cahier des charges et des informations prévues à l'article L. 2315-81-1 s'il entend contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise ; 4° La notification à l'employeur du coût final de l'expertise s'il entend contester ce coût ; | 10 jours (Article R.2315-49) | 48 heures |
Délai minimal entre la remise du rapport par l'expert et l'expiration des délais de consultation du comité mentionnés aux second et troisième alinéas de l'article R. 2312-6 | 15 jours (Article R.2315-47 al.1) | 24 heures |
· Possibilité de raccourcir les délais non échus ayant déjà commencé à courir:
Il est prévu que les dispositions de l’article 9 de l’ordonnance s’appliquent aux délais qui commencent à courir à compter de la date de publication du décret en Conseil d’État, à savoir le 3 mai 2020.
Cependant, les délais qui ont commencé à courir antérieurement à cette date et qui ne sont pas encore échus sont également concernés, puisque l’employeur a la faculté « d'interrompre la procédure en cours et d'engager, à compter de cette même date, une nouvelle procédure de consultation » conformément aux règles prévues par l’ordonnance n°2020-507 du 2 mai 2020.
II. Adaptation des délais de communication de l’ordre du jour
Désormais, l’article 1 de l’ordonnance n°2020-507 du 2 mai 2020 inclut ces délais dans l’article 9 I. modifié. Par dérogation aux délais légaux ou au stipulations conventionnelles applicables dans l'entreprise, ils sont temporairement fixés de la manière suivante:
-Le délai applicable pour la communication de l’ordre du jour des réunions du CSE d’établissement dans les entreprises d’au moins 50 salariés par le président à ses membres, à l’agent de contrôle de l’inspection du travail, ainsi qu’à l’agent de prévention des services de prévention des organismes de sécurité sociale (L.2315-30 du code du travail), est initialement fixé à 3 jours au moins avant la réunion. Il est désormais réduit à 2 jours au moins avant la réunion.
-Le délai applicable pour la communication de l’ordre du jour des réunions du CSE central à ses membres (L.2316-17 du code du travail) est initialement fixé à 8 jours au moins avant la séance. Il est désormais réduit à 3 joursau moins avant la réunion.
Note: Les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période (v. publication du 14 avril 2020) ne s’appliquent pas aux délais mentionnés dans l’article 9 de l’ordonnance n°2020-460, modifié par l’ordonnance n°2020-507.
Vous trouverez ci-dessous l'ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020, l'ordonnance n°2020-507 du 2 mai 2020, ainsi que les décrets n°2020-508 et n°2020-509 du 2 mai 2020.