Coronavirus et marché de l’emploi : l’OIT s’alarme de « la crise la plus grave » depuis 1945

Organisation du travail

- Auteur(e) : Evdokia Maria Liakopoulou

La deuxième édition de l’Observatoire de L’OIT : le COVID-19 et le monde du travail[1] met à jour la note d’information de l’OIT publiée le 18 mars, en intégrant des informations sectorielles et régionales sur les effets de la pandémie. Pour mieux saisir l’impact de la crise sanitaire, la nouvelle étude repose sur l’utilisation de données en temps réel sur l’économie et le marché du travail.

Qualifiant la pandémie comme « la crise la plus grave depuis la deuxième guerre mondiale », l’Organisation Internationale du Travail (OIT) met en lumière ses conséquences dévastatrices pour le monde du travail (1) et définit les politiques susceptibles d’en atténuer les effets (2).

 

1.Les conséquences dévastatrices de la pandémie sur le monde du travail

L’étude constate que les mesures de confinement adoptées par des nombreux pays réduisent le fonctionnement du monde économique et engendrent un impact direct majeur en matière d’emploi. Selon les estimations, la fermeture totale ou partielle des lieux de travail, touche désormais 81% de la population active mondiale. Pour les auteurs, cela va bien au-delà des effets de la crise financière mondiale de 2009 où « les ajustements en matière d’emploi ont suivi avec un temps de retard la contraction de l’activité économique ».   

 

o   Baisse sensible des heures de travail et de l’emploi

Au cours du deuxième trimestre de 2020, la pandémie devrait faire disparaître 6,7% des heures de travail, soit 195 millions d’équivalents temps plein. Cela étant, nombre de ces travailleurs vont devoir affronter « une baisse de leurs revenus et un niveau supérieur de pauvreté ».

Les rapporteurs s’attendent à ce que le déclin le plus important touche les pays à revenu intermédiaire supérieur, sans pour autant épargner les pays appartenant à des divers groupes de revenu. Des fortes réductions sont prévues aux Etats arabes (8,1%, soit 5 millions d’équivalents temps plein), à l’Europe (7,8% soit 12 millions d’équivalents temps plein), l’Asie et Pacifique (7,2% soit 125 millions d’équivalents temps plein). La situation est particulièrement critique aux pays émergeants et aux pays en développement où l’économie informelle joue un rôle majeur. La crise de COVID-19 pèse lourdement sur les travailleurs informels qui n’ont pas accès aux services de base, notamment en matière de santé et de protection sociale, et qui risquent de s’enfoncer dans la pauvreté.  

Cependant, le rapport prévient que la hausse finale du chômage dépendra, pour beaucoup, du rythme de la reprise de l’économie et des mesures adoptées. Ainsi, elle risque d’être beaucoup plus importante que la projection initiale de l’OIT se référant à 25 millions d’emplois perdus. Néanmoins, les rapporteurs soulignent que les effets de la pandémie sont loin d’être uniformes, « certains secteurs étant plus particulièrement touchés par l’effondrement de l’activité économique ».

 

o   Les secteurs les plus touchés

L’étude identifie plusieurs secteurs économiques essentiels qui courent un risque élevé « d’une chute drastique et dévastatrice des heures de travail, de baisses de salaire et de licenciements ». Au total, 1,25 milliard de travailleurs à travers le monde représentant près de 38% de la main-d’œuvre mondiale sont employés dans ces secteurs. Pour beaucoup de ces travailleurs, qui sont souvent peu rémunérés et qui occupent des emplois peu qualifiés, « une perte soudaine de revenu est catastrophique ».

Il s’agit, tout d’abord, des secteurs du commerce en gros et du commerce de détail. Les travailleurs de ces secteurs occupés dans des activités essentielles peuvent continuer à travailleur, « mais ils courent des risques plus importants pour leur santé au travail ». Les travailleurs de ces secteurs occupés dans des activités non essentielles  sont pour leur part confrontés à des fermetures généralisées et à des réductions d’horaires. Ces fermetures, quasi-totales dans certains pays, concernent aussi les services de l’hôtellerie et de la restauration. Ensuite, l’industrie manufacturière est sévèrement touchée par les mesures de quarantaine, les fermeture de magasins, les annulations de commandes. S’agissant des industries de transport, de stockage, de communication, si certains de leurs travailleurs sont négativement affectés, (par exemple ceux de l’industrie aéronautique), d’autres répondent à une demande croissante liée au commerce en ligne. Le rapport prédit, in fine, que l’agriculture pourrait être touchée de manière croissante, compte tenu de la propagation du virus. 

 

2. Les politiques susceptibles d’atténuer les effets de la crise

Les auteurs suggèrent des mesures intégrées, à grande échelle, qui s’appuient sur les normes internationales du travail et le dialogue social et qui se concentrent sur deux objectifs majeurs immédiats, à savoir la protection en matière de santé et le soutien économique tant du côté de l’offre que du côté de la demande. De telles mesures  doivent s’articuler autour de quatre axes : la stimulation de l’économie et de l’emploi, le soutien aux entreprises, à l’emploi et aux revenus, la protection des travailleurs sur leur lieu de travail, et le recours sur le dialogue social pour trouver des solutions.

 

Au-delà de ces recommandations, les auteurs attirent l’attention sur la nécessité de soutenir immédiatement les secteurs les plus affectés, les populations spécifiques des travailleurs informels tout comme les travailleurs formels « pour éviter qu’ils ne retombent dans l’informalité à cause de la crise ». Il est important, selon le rapport, que les mesures prises tiennent compte des particularités au niveau national (structure de l’économie, existence d’inégalités précédentes, présence d’institutions au niveau du marché du travail) et que les gouvernements adaptent leurs réponses en temps réel.  

 

 

 

[1] Observatoire de l’OIT, 2é édition : le COVID-19 et le monde du travail, Estimations actualisées et analyses, 7 avril 2020